Dimanche 20 avril 2025
Pré-scriptum,
S’il peut te paraître curieux que je semble te conduire de nouveau vers de lointaines contrées après quelques semaines d’entrainement et une épreuve littéraire olympique alors que j’aurais pu t’entretenir de sujets qui nous auraient reliés toi et moi comme ce fut le cas lors des mois précédents, c’est qu’il est des voyages particuliers dont je te souhaite ma compagne afin que nous puissions, plus tard, posséder, en commun, des souvenirs singuliers qui auraient pris naissance avant notre rencontre physique lors d’un Dominical Day ou sur un banc de lecture.
Concernant la lettre à Minerve, sa dissémination débutera ce 26 avril… en direction de Paris.
Fin du pré-scriptum.
Lors du Dominical Day précédent, il fut question du sujet de ces êtres particuliers que l’on nomme communément, « les enfants sauvages ». Il s’agit désormais de découvrir quelques légendes les concernant avant, plus tard, de se rendre sur l’île de l’arbre de vie au centre de laquelle s’élève une mythique tour de verre où se trouve l’enfant du paradoxe.
Les mythes ne reposent que sur une symbolique permettant aux légendes de prendre racine, elle-même trop vaste pour être contenue dans un seul esprit, et qu’ils déforment à chaque mot, à chaque silence, comme s’ils tentaient de façonner l’éternel avec de l’argile friable.
Le mythe naît de la légende qui elle-même façonne le mythe.
Le terme de l’enfant sauvage est ici décorrélé de la notion sociologique classique qui définit ce type d’individualité. Le célèbre film « L’Enfant sauvage (Victor de l’Aveyron) réalisé par et avec pour rôle principal François Truffaut » est donc à l’opposé de ce que sont les enfants sauvages dans la mythologie née de la légende.
Le plus célèbre et le plus énigmatique enfant sauvage est sans conteste l’enfant du Paradoxe en ce qu’il tient un rôle particulier au sein de ses pairs. Il n’est pas le premier de la lignée et s’éteindra bien avant la dernière représentante dont le récit existe déjà en ce que son avenir est dicté depuis l’aube de l’humanité et qu’aucun événement ne pourrait le modifier, toutefois, son récit ne sera relaté qu’au terme de cette fantastique épopée.
Aujourd’hui, débute la première légende…
L’enfant de la forêt
Accouché dans les entrailles sombres et insondables d’une gangue de verdure parmi la primitivité des hommes. Fidèle à ses farouches ancêtres et à leur inapprivoisable nature, il n’accordait de regard ni pour les siens et d’empathie, pas davantage pour ses congénères, conservant ainsi sa nature insaisissable et sans attache. Évanescent par essence, doté d’une présence qu’aucun membre de la communauté ne pouvait soutenir sans crainte alors que nulle violence ne luisait en lui, dénué de toute attache communautaire, jamais une parole n’était accordée à quiconque. Cette forêt, matrice première qui l’avait porté à la vie, le rejetait presque autant qu’il la repoussait et lui murmurait des souvenirs ancestraux des offrandes qui toujours par les coutumes lui était dues. Il n’était pas encore prêt, n’avait pas encore sa place parmi elle et se trouvait ainsi depuis sa naissance entre deux mondes. Celui de son enfantement qui n’était pas le sien et la forêt pas davantage, lui refusant encore l’accueil en son sein.
Animé d’une inextinguible soif de liberté, sa particule élémentaire, chaque jour, se nourrissait des fibres de son être avec une avidité sans bornes. Chacune de ses cellules aspirait l’air sauvage de cette nature, comme s’il cherchait à s’en gorger avant de s’élancer vers un ailleurs plus vaste, loin des pesantes traditions de son clan qu’il se refusait à embrasser. La glaise qui avait reçu ses premiers pas, ce sol fertile qu’il foulait chaque jour était pour lui un fardeau, un étau dont il ne voulait pas, dont il ne voulait plus, tandis que les siens, partageant ce sol, priaient la terre nourricière comme un ancêtre sacré alors qu’il rejetait cet héritage avec une indifférence aussi vieille que les arbres qui l’avaient vu naître ainsi que ses prédécesseurs.
Son refus de se plier aux rites des anciens le condamnait à une désocialisation progressive, à une exclusion prochainement définitive. Chaque nouvelle saison le rapprochait du bannissement irrévocable de la communauté, de la mémoire collective avec le cruel destin de ne jamais avoir existé parmi les siens. Mais parce qu’il n’avait pas franchi l’étape de l’âge de l’enfance à l’âge adulte, il n’était ni déchu, ni pleinement initié, ainsi, nul enseignement des secrets vitaux de la forêt ne lui était dévoilé. Il n’en avait nul besoin, il savait ces secrets, la forêt était sienne, il ne faisait qu’un avec elle. Depuis toujours. Nourri à la même source que tous les enfants, il partageait les repas, le sommeil, mais avec la distance imposée par le clan. Il avait été choisi avant même de venir au monde afin d’être celui que l’on devait bannir afin d’assurer la survie des peuples premiers.
L’heure de vérité s’avançait, toujours plus proche, toujours plus rapidement. La prochaine lune marquerait le début du rituel du passage à l’âge adulte, celui du clan des hommes, des chasseurs. Il serait soumis comme les autres enfants à l’épreuve rituelle : une marche de deux jours et deux nuits au cœur de la forêt, privé de la vue et de l’ouïe, sensoriellement isolé afin de ne pouvoir apprendre le chemin du retour, ni deviner les cris des bêtes. Ayant chacun reçu le voile noir sur les yeux, ainsi que les baies amères qui refermaient les oreilles avant le départ, à l’issue de cette marche, chacun de ces enfants serait abandonné et lié les uns aux autres en cercle par la cheville, tandis que leurs guides les quitteraient chacun partant dans une direction différente afin que nul d’entre eux ne puisse deviner la direction à prendre pour rejoindre le campement.
Tous ne réussissaient pas cette épreuve initiatique du passage à l’âge adulte, tous ne réussiraient pas encore celui-ci. Le retour nécessitait d’avoir appris tout au long de l’enfance afin de se diriger avec la lumière du soleil, des étoiles, des signes de la forêt et ceux, discrets, laissés par leurs accompagnateurs pour eux-mêmes s’assurer un retour rapide et sûr.
Alors que chacun des enfants se séparait pour rejoindre le campement, il en était un qui attendait le départ de tous les autres. Ce retour à la communauté, il ne l’envisageait pas, ni ne le souhaitait. Son rite était différent, il avait un autre destin que d’être chasseur, d’être un homme dans sa communauté. Il n’était pas attendu, il n’existait plus en tant qu’enfant, il ne serait jamais un homme du clan.
Lorsque tous eurent disparu, il se mit en chemin à son tour à pas lent dans une direction précise. Suivant le plus faible de tous, le moins assuré, le plus hésitant. Lui ne rentrerait pas au campement, jamais. Trop faible, trop hésitant, trop indécis dans ses choix, il était voué à se perdre et à mourir. Il serait le premier à être guidé. Sans jamais deviner qu’un regard veillait sur lui tout au long du retour, sans jamais remarquer qu’il n’était pas seul. Sans imaginer encore de son jeune âge qu’un soutien lui était apporté pour l’assister dans son retour. Il en était de même pour quelques autres de ses frères de communauté. Là encore, sans jamais se dévoiler, son aide providentielle leur parvenait, des signes indiquaient le chemin à suivre. Un souffle de vent guidé, un cri humain venant d’une autre, un bruissement de feuilles, un feulement, un bref rai de flamme solaire aux premières lueurs de l’aube.
Chacun savait que tous rentreraient, les plus faibles également, les plus hésitants, ceux qui n’étaient pas destinés au retour dans la communauté. Tous sauf l’un d’entre eux. Qui n’en était pas vraiment, qui jamais ne l’avait été.
Les jours passaient paisiblement, les semaines s’écoulaient, les mois, les années s’étendirent. Le rituel se répétait. Tous rentraient au campement, les plus faibles également, les plus hésitants, ceux qui n’étaient pas destinés au retour. Toujours.
Il veillait sur les siens, sur sa communauté, chacun savait qu’il ne fut jamais loin, qu’il suivait le déplacement du clan dans la forêt, chacun se sentait toujours en sécurité. Son nom n’était jamais prononcé, nul ne le cherchait du regard au travers des feuillages. Il était présent, il veillait. Il était l’esprit de la forêt, il était l’enfant de la forêt. Un jour, un enfant serait accouché dans les entrailles sombres et insondables d’une gangue de verdure parmi la primitivité des hommes. Lors de l’initiation du passage à l’âge adulte, l’esprit de la forêt viendrait à mourir, encore une fois et un nouvel enfant sauvage veillerait désormais dans cette insondable gangue de verdure.
Cette histoire n’est que la première, cet enfant sauvage ne fut pas le premier, mais qu’importe.
Une lettre à une Inconnue ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
Le mystère de la chambre jaune
Gaston LEROUX
Folioplus classiques
Impression Novoprint à Barcelone, le 18 août 2003
Page 236
Chapitre XXVII
Où joseph Rouletabille apparaît dans toute sa gloire
Il y eut un remous terrible. On entendit des cris de femmes qui se trouvaient mal. On n’eût plus aucun égard pour la majesté de la justice. Ce fut une bousculade insensée. Tout le monde voulait voir Joseph Rouletabille. Le président cria qu’il allait faire évacuer la salle, mais personne ne l’entendit. Pendant ce temps, Rouletabille sautait par-dessus la balustrade qui le séparait du public assis, se faisait un chemin à grand coup de coude, arrivait auprès de son directeur qui l’embrassait avec effusion, lui prit « sa » lettre d’entre les mains, la glissa dans sa poche, pénétra dans la partie réservée du prétoire et parvint ainsi jusqu’à la barre des témoins, bousculé, bousculant, le visage souriant, heureux, boule écarlate qu’illuminait encore l’éclair intelligent de ses grands yeux ronds. Il avait ce costume anglais que je lui avais vu le matin de son départ – mais dans quel état, mon Dieu ! – l’ulster sur son bras et la casquette de voyage à la main. Et il dit :
– Je demande pardon, monsieur le président, le transatlantique a eu du retard ! J’arrive d’Amérique. Je suis Joseph Rouletabille !…
Lu et déposé dans un wagon de train le 15 avril 2025
L’étranger
Albert CAMUS
Folio
Dépôt légal : septembre 1984
Page 165
Pour la troisième fois, j’ai refusé de voir l’aumônier. Je n’ai rien à lui dire, je n’ai pas envie de parler, je le verrai bien assez tôt. Ce qui m’intéresse en ce moment, c’est d’échapper à la mécanique, de savoir si l’inévitable peut avoir une issue. On m’a changé de cellule. De celle-ci, lorsque je suis allongé, je vois le ciel et je ne vois que lui. Toutes mes journées se passent à regarder sur son visage le déclin des couleurs qui conduit le jour à la nuit.
Lu et déposé dans un wagon de train le 17 avril 2025
Sociologie de la famille
Jean-Hugues DÉCHAUX
Édition La Découverte
Dépôt légal : juillet 2007
Fin de la page 81 et début de la page suivante
Le défi de la parentalité plurielle
Dans le monde de parenté occidental, couple, sexualité et engendrement sont censés coïncider pour désigner la filiation. Le défi que jettent les parents homosexuels est qu’ils ne peuvent se glisser dans ce modèle naturaliste et faire comme s’ils pouvaient être les géniteurs de leurs enfants. L’interrogation, qui soulève beaucoup de passion, gagne les autre situations familiales dans lesquelles les parentés juridique, domestique et biologique sont dissociées, et met en question la pertinence des principes qui fondent l’exclusivité de la filiation bilatérale.
Lu et déposé dans un wagon de train le 19 avril 2025
Quand la Chine s’éveillera…
Le monde tremblera
Alain PEYREFITTE
Édition France Loisirs
Dépôt légal d’impression 2e trimestre 1975
Page 124
3 – Une cure collective de l’âme
Certains cadres se livrent devant nous à une autocritique rétrospective. « En 1966, me déclare un contremaître dans une fabrique de matériel électronique à Canton, j’avais choisi la ligne erronée de Liu Shao-chi, parce que je croyais qu’il fallait préférer l’augmentation du rendement au maintien rigoureux de l’idéologie prolétarienne. Mais au cours de la Révolution culturelle, les masses populaires m’ont durement critiqué et m’ont fait comprendre qu’en agissant par intérêt, on devient révisionniste. Avec l’aide des œuvres de Mao, j’ai maintenant changé ma conception du monde. »
Le désert de l’amour
François MAURIAC de l’Académie Française
Le livre de poche
Dépôt légal n°1917, 4e trimestre 1961
Fin de la page 87 et début de la page suivante
Mais, au long des quarante-huit heures qu’il vécut dans l’attente de ce dimanche, il sentit bien que de toute sa force il adhérait à un rêve et que ce rêve devenait un espoir. Sa conversation prochaine avec cette femme, il en écoutait dans son cœur la résonnance et en était au point de ne pouvoir plus imaginer que d’autres paroles que celles qu’il inventait dussent être prononcées par eux. Sans cesse il en retouchait le scénario dont l’essentiel tient dans ce dialogue : « Nous sommes l’un et l’autre au fond d’une impasse, Maria. Nous ne pouvons plus rien que mourir contre un mur, ou vivre en revenant sur nos pas. Vous ne sauriez m’aimer, vous qui n’avez jamais aimé. Il reste de vous livrer toute au seul homme capable de ne rien exiger en échange de sa tendresse. »
Une lettre à une Inconnue ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
Une annonce de rencontre consensuelle, c’est comme un panneau publicitaire en 4X3 pour des raviolis en milieu urbain. Je jette un coup d’œil et j’oublie aussitôt parce qu’on en trouve au kilomètre.
Si tu as récupéré une enveloppe coquelicot, nous pourrons nous retrouver là où je t’attendrais désormais chaque Dominical Day avec un Caramel Macchiato Chantilly.
Table d’un Inconnu : Starbucks, 2 rue Victor Hugo, Lyon
Dimanche 27 avril 2025 : 10H30 – 14H30
Également disponible sur un banc de lecture : Place des Arts, Villefranche-sur-Saône entre 16H30 et 18H30 (sauf en cas d’averse ou de températures inférieure à 15°)
Lundi 28 avril 2025 – Mercredi 30 avril 2025 – Vendredi 02 mai 2025
Les lettres à une Inconnue évoluent également vers une rencontre mensuelle autour d’un Drunch végétarien sur le principe de l’auberge espagnole en une galerie d’art privée au sein de mon lieu de vie, au cœur du centre-ville de Villefranche-sur-Saône (Coordonnées disponibles sur simple demande)
Dès lors que nous nous serons rencontrés une première fois en l’un des lieux ci-dessus et aurons pris le temps d’une conversation, une place te sera réservée chaque mois.
Samedi 03 mai 2025 – 18H30
Nombre de lettres coquelicot disséminées depuis le 09 janvier 2025 : 325