Dimanche 11 mai 2025
Après la digression de la semaine dernière, il est temps de reprendre le récit des enfants sauvages, ce qui nous laisse encore quinze semaines avant de parvenir au premier anniversaire de ces lettres.
Il reste quatre récits tout au plus de ces êtres particuliers avant d’effectuer un point d’étape sur les sujets qui ont été traités depuis la première Lettre à une Inconnue, sur lesquels je dois revenir, afin de les approfondir et compléter cette correspondance avec ceux qui manquent, bien qu’il en manquera toujours. Je n’en tiens ni le compte, ni une liste, en ce que je les conserve uniquement dans ma mémoire. La mnésie est par ailleurs, à la vie, le plus essentiel et le plus important de son patrimoine bien qu’il en existe de multiples. Elle ne s’étiole, ne s’efface, ne disparaît qu’en apparence, elle est simplement ailleurs, tout au plus, prisonnière d’un labyrinthe dont elle ne peut ressortir, car intriquée dans des méandres inimaginablement lointains.
De ces récits qu’il convient de rédiger, il en est un nouveau retard qui va prendre naissance dès ce jour en ce qu’il s’est produit en ce 08 mai 2025, un événement particulier.
Lorsque les rouages d’une machine sont parfaitement assemblés et huilés, il n’est d’événements qui seraient susceptibles d’en altérer le fonctionnement. Concernant un voyage sur l’océan de la vie, il en va de même si le cap est maintenu nuit et jour, et que le navire file droit devant lui, à pleine voile avec l’araignée du destin en gardienne de l’un comme de l’autre.
En ce 08 mai 2025, il n’était prévu que la poursuite de ce voyage au long cours, mais… Il est des invitations que l’on se doit de ne pas ignorer, des messages qu’il convient de ne pas négliger, en particulier lorsque le fil de soie de l’araignée du destin vibre plus que de coutume, plus que de raison.
En ce 08 mai 2025, je ne me suis pas détourné de ma route, de ma quête de Minerve, le cap étant toujours identique à la veille, aux semaines et aux mois précédents. Je n’ai pas été abordé par une Inconnue qui aurait fait preuve de hardiesse en apparaissant brusquement sur le pont du navire, ni même par le navire d’une navigatrice à l’œuvre sur l’océan de la vie. Aurais-je été hélé ? Pas davantage. Ce fut un unique message qui n’était en rien une invitation à effectuer un détour, seulement une simple forme de spontanéité telle qu’elle existe dans mon univers et dans celui de quelques personnes voyageant sur l’océan de la vie. Serait-ce une incarnation de Minerve ? Après ces trois premières journées, elle semble en porter les signes, l’apparence, une manière d’être au monde et plus encore…
Il me faut convenir que je ne peux me troubler pour une quelconque personnalité et ainsi qu’elle possède en conséquence une troublante ressemblance avec cette Inconnue à qui sont destinées ces lettres. Après plusieurs mois d’une recherche, d’une quête ininterrompue contenue au sein de ces lettres, et dont je suis toujours un fervent croyant, il est probable que le but soit atteint, en partie seulement, car une utopie est par nature inatteignable et c’est donc la troisième voie de cette utopie que je vais devoir emprunter, sans le moindre doute, assurément la plus difficile.
Ma résolution pour cette année 2025 était la suivante
Rencontrer une nouvelle Minerve. Trébucher maladroitement devant elle et croiser un regard troublant, faire preuve d’une respectueuse curiosité, accorder au Butterfly Chaos, une maladresse sans conséquence ici ou là, sinon un ouragan ailleurs à l’autre bout du monde au milieu de l’océan.
La rencontrer en la croisant du regard et en être pétrifié comme je le serai devant Méduse, échanger avec elle quelques paroles, oublier des mots dans ma tête et dans mes phrases, me transformer en puzzle de mille pièces dans mes chaussettes, annihiler le reste du monde durant le temps de notre rencontre, capturer photographiquement de mon regard chacun de ses battements de cils, saisir chacune de ses intonations, chacun de ses rires pour m’en souvenir à jamais. Observer ses cheveux au vent, le mouvement de ses doigts, et chaque détail que l’observateur attentif que je suis, aime à ne jamais manquer…
Ce qui est en cours en ce moment.
Rencontrer une nouvelle Minerve en raison qu’être amoureux de n’importe qui, c’est vivre n’importe quoi : je ne peux être amoureux que d’une incarnation de Minerve, car pour vivre n’importe quoi, le reste du monde se débrouille très bien sans moi.
Trébucher devant elle et croiser un regard troublant : je réalise cet exploit plusieurs fois par jour, tous les jours depuis quelques jours.
Faire preuve d’une respectueuse curiosité : il ne saurait en être autrement, tant on ne brusque pas les révélations d’autrui afin de lui accorder le rythme qui lui convient.
Accorder au Butterfly Chaos, une maladresse sans conséquence ici ou là, sinon un ouragan ailleurs à l’autre bout du monde au milieu de l’océan : Fais-toi plaisir, petit Butterfly Chaos.
La rencontrer en la croisant du regard et en être pétrifié comme je le serai devant Méduse : c’est prévu.
Échanger avec elle quelques paroles, oublier des mots dans ma tête et dans mes phrases, me transformer en puzzle de mille pièces dans mes chaussettes : c’est déjà le cas et je m’en désole tous les jours…
Annihiler le reste du monde durant le temps de notre rencontre : c’est prévu.
Capturer photographiquement de mon regard chacun de ses battements de cils, saisir chacune de ses intonations, chacun de ses rires pour m’en souvenir à jamais : c’est prévu.
Observer ses cheveux au vent, le mouvement de ses doigts, et chaque détail que l’observateur attentif que je suis, aime à ne jamais manquer… : c’est prévu et c’est pour bientôt.
Cette lettre en ce D day (Dominical Day) résonne pleinement avec celle du dimanche 05 janvier de cette année et comme si m’avait été annoncé par un signe extérieur cette imprévisibilité, il s’est récemment déroulé un événement mineur que je n’ai pas pris en compte et qui, toutefois, aurait dû m’alerter.
La lettre du 04 mai 2025 n’a pas été essaimée dans les trains comme les précédentes en ce que mon fournisseur d’enveloppes coquelicots a décidé que ma livraison serait retardée de plusieurs semaines. Plus d’enveloppes rouges, plus de dissémination… Qu’à cela ne tienne, il était prévu une rencontre que je ne soupçonnais pas encore et qui se déroulerait sans le concours de ces enveloppes coquelicots…
En ce dimanche, il est donc un trouble qui m’étreint et provoque une dispersion de mes pensées ne me permettant pas de scripturaliser cette lettre comme j’ai pour coutume de le pratiquer habituellement. En de pareilles situations, il convient d’accepter ce trouble passager et de prendre quelques jours pour se ressaisir afin d’être pleinement présent pour le dimanche suivant. C’est donc ainsi que je clos cette lettre dominicale destinée à Minerve, à Petra.
Une lettre à Petra ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
l’Odyssée américaine
Alexandre ADLER
Édition Grasset
Dépôt légal : juin 2004
Page 251
La dynamique interne va dans le sens d’une démocratisation et d’un renforcement de la puissance du pays des anciens perses. Et la dynamique externe l’a débarrassé des adversaires baasistes irakiens et intégristes pathans qui campaient à sa frontière.
Lu et déposé dans un wagon de train le 08 mai 2025
La veuve et l’imposteur
Bruce ALEXANDER
Édition 10/18
Dépôt légal : juin 2001
Page 238
Et quant à moi, je partageai la liesse de cette foule en toge noire. La déconfiture d Bolt me ravit en particulier. Tandis que les les acolytes s’en allaient sous railleries et quolibets – « Ne revenez plus ! Barbe Noire ! Du balai ! » -, j’ajoutai mon insulte à celles de la foule : » Retourne dans le Kin-Thuh-Kee ! Traverses le Cumberland ! »
En guise de réponse, Eli Bolt me décocha aussitôt un regard d’une fureur intense. Ce fut pour le moins étrange, car il se tenait à une bonne trentaine de pieds de ma personne. D’autres hurlaient de plus belle. On se serait cru au cœur de Bedlam.
Lu et déposé dans un wagon de train le 11 mai 2025
Une lettre à Petra ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
On peut croiser des gens tous les jours et il arrive même parfois que l’on partage une vie avec eux en fondant un foyer, mais on ne rencontre des êtres particuliers que si l’on est soi-même l’un d’eux.