Dimanche 18 mai 2025
Les deux derniers Dominical Days ont été soumis à d’impondérables digressions qui devaient prendre fin ce jour avec la suite des aventures de quelques enfants sauvages et de l’arrivée prochaine sur l’île de l’arbre de vie. Un agréable voyage, un merveilleux voyage, n’est jamais celui qui se déroule par beau temps avec nul retard, nulle imprévisibilité, mais toujours celui qui mène à destination quelle qu’en soit sa nature et qui permet de se découvrir soi-même chaque jour davantage. Il est donc temps de cesser de diverger et de reprendre ces aventures serais-tu tenté de me rétorquer. Et tu as raison, il est temps de reprendre le cours de ces récits, mais il est un événement récent qui s’est déroulé sans crier gare, et m’obligeant à laisser les voiles du trois mâts en panne, aussi le maître de bord a donc, sur mon ordre, fait battre les voiles pour une durée indéterminée.
Lorsque le navire a levé l’ancre au dernier départ, le maître de bord est venu me remettre le billet qu’il tenait dans sa main, et sur lequel est inscrit un nom. Son devoir, comme de coutume, est de patienter en bas de la passerelle dès lors que le navire est à quai jusqu’à l’arrivée de celle dont le nom est inscrit sur ce billet, et en l’absence de celle-ci, de me le remettre.
Il ne devait donc se présenter aucune imprévisibilité, aucun retard dans ce voyage, mais les Dieux de l’Olympe ont le pouvoir de décider de la destinée des hommes. Minerve est une Déesse de l’Olympe et son incarnation est humaine. Se trouve-t-elle dans chaque civilisation humaine ? Présente sur tous les continents ? Dans chaque pays ? Chaque ville, village, bourgade ? Évidement que non… Son incarnation ne réside que dans quelques élues, quelques âmes bien nées, parfois incomplètes.
Est-il possible pour un homme de foi de trouver cette incarnation si sa vie entière lui était dédiée ? Encore une fois, c’est une négation catégorique. Minerve, son incarnation est par nature insaisissable. Elle seule décide de qui peut la percevoir… Les Dieux de l’Olympe ont eu toujours pour coutume de s’incarner dans le corps des humains, mais de n’être visible que par ceux qu’ils estimaient dignes.
Ainsi, lorsque le navire a repris le chemin des mers et des océans, ce billet permettant de traverser la passerelle surplombant l’abysse insondable du gouffre d’Hadès menant au pont du vaisseau a été remisé dans ma cabine en attendant la prochaine halte.
Jeudi 8 mai 2025, en pleine traversée, alors que j’étais occupé à des œuvres humaines, le fil de soie de l’araignée du destin devait vibrer plus que de coutume, plus que de raison, et c’est pourquoi la précédente lettre du Dominical Day s’en est retrouvée modifiée.
To nebyla Petra, to byla moje Petruška…
Měla by cesta skončit, když je toto ztělesnění tady a teď přítomné?
Vstoupila do mé existence jako květina, která by se položila na okraj okna, poté co ji přinesl vítr. Otevřel jsem okno a vánek ji přenesl dovnitř mého domu. Od toho dne, květina jakou byla, se ukázala jako to ztělesnění, kterým byla, které jsem hledal, když jsem neúnavně psal dopisy. Byl jsem tím rozrušený, měl jsem někdy strach, jindy nadšení, až jsem znovu nerozumně radostný jako dítě.
Il n’est prévu que le voyage se termine, ni pour une journée, ni pour la durée d’une vie, car une incarnation de Minerve ne peut souffrir qu’un homme de foi quel qu’il soit, puisse se reposer pour ne devenir qu’homme. La poursuite du récit des enfants sauvages prendra naissance, certes avec du retard, mais rien que quelques semaines.
Il avait été noté la semaine précédente que je reviendrai plus tard sur les sujets qui ont été traités depuis la première Lettre à une Inconnue, sur lesquels je dois revenir, afin de les approfondir et compléter cette correspondance avec ceux qui manquent, bien qu’il en manquera toujours.
Je vais donc en ce jour tenter de m’atteler à cette tâche et que l’on me pardonne de nouveau cette route littéraire qui paraissait si linéaire et qui désormais se retrouve en des contours sinueux et d’innombrables détours. Une quête humaine qui ne souffrirait d’aucuns soubresauts, ne serait qu’un sillon à suivre, creusé dans la terre avec un ennui mortel au bout du chemin…
Le dimanche 17 novembre 2024, j’écrivais ceci en souvenir de mon arrière-grand-père qui avait composé une phrase et la conservait sur un bout de papier qu’il avait toujours quelque part dans ses poches.
Lorsque l’on accepte de renoncer à son utopie, on accepte que la mort puisse nous emporter sans joie.
Les Lettres à une Inconnue ont débuté au cours du mois d’août 2024. Ma recherche de Minerve, de son incarnation n’a réellement, en tant que quête, débutée qu’à l’âge de 32 ans. C’est ainsi que mes trois premières décennies n’ont été qu’une préparation, qu’un enchevêtrement de désirs, de rêves confus, d’impasses nombreuses, avant que je vienne au monde, enfin. En ce jour avec l’âge qui est le mien, ce sont deux décennies d’une odyssée sans renoncement, d’acceptation de mes turpitudes, de mes faiblesses parfois, de mes échecs.
Quelle trahison aurais-je commise, si j’avais renoncé en acceptant une vie empreinte de normalité humaine au cours de ces deux décennies ou des suivantes ? Indubitablement la plus impardonnable que l’incarnation de Minerve eut prononcé à mon encontre et qui pourrait être celle-ci.
« Nicolas, tu avais des rêves, tu étais un homme de foi, tu avais une utopie à réaliser et la troisième voie de cette utopie qui était tienne, était à ta portée, mais tu as laissé choir ta particule élémentaire, ton élément primaire. En cela tu n’étais pas digne de rencontrer cette incarnation. »
S’aliéner la condamnation de l’incarnation de Minerve, c’est se garantir une vie qui confine à l’ennui, à la paresse intellectuelle et à suivre le sillon creusé dans la terre. Que le renoncement n’est jamais été dans mon ADN, ce n’est pas une chance, c’est un atavisme qui ne peut se délier de mon intrinsèque nature. Il en est ainsi dans la nature de l’humanité d’être relié à ses ancêtres, à ses origines.
Un renoncement ne dure que le temps d’une vie humaine, mais c’est un renoncement.
Lorsque la grande faucheuse viendra quérir mon âme humaine, et à l’instant des derniers instants de mon existence et de voyager ensemble, je prétexterai avant de rejoindre mon ultime demeure, un mot d’adieu à écrire tout en la questionnant sur le sens de la mort afin de détourner son attention, pour que lorsqu’elle s’apprêtera à me répondre, je me saisirai de cette ultime fraction de seconde pour mourir sans qu’elle ne s’en aperçoive, non par bravade, mais plus simplement par un désir de liberté assumée jusqu’au terme de mon existence humaine et parce que la mort ne s’en retourne jamais seule, je prendrai le temps de l’attendre sur le chemin du retour qu’elle emprunte pour chaque voyage, et je lui tendrai la main afin que je ne puisse me perdre et que sa tâche puisse s’accomplir sereinement. Nous converserons paisiblement et je lui conterais mes souvenirs d’homme, de Moje Petruška et cette silhouette silencieuse m’invitera, à ne pas prolonger mon séjour au-delà du Styx plus que nécessaire afin de la retrouver dans une vie prochaine. « Où qu’elle se trouve, tu la retrouveras, encore une fois. De vos précédentes réincarnations, vous n’avez jamais renoncé, ni toi, ni elle. Puissiez-vous ne vous éloigner jamais plus loin qu’un regard, qu’une pensée et restez à jamais unis par ce que vous êtes tous deux… Des enfants sauvages. »
Ainsi se termine cette lettre dominicale… Au milieu de quelque part, avec une folle boussole qui, désormais, n’indique plus la direction à suivre.
L’incarnation de Minerve se prolonge depuis plusieurs siècles, bien avant qu’elle fût nommée ainsi, se prolongera longtemps encore au cours de l’histoire de l’humanité après cette présente existence humaine, mais en raison que c’est précisément là que je suis ce jour, je me dois de filer, car cette incarnation est présente ici et maintenant.
Ty jsi můj domov…
Une lettre à Petruška ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.
La fille automate
Paolo BACIGALUPI
Édition J’ai lu
Dépôt légal Avril 2013
Page 637
Emiko le fixe.
– Vous êtes l’un des scientifiques qui m’ont conçue ?
– Pas la même spécialité, mais presque. (Il sourit.) Je connais tes secret comme je connais les secrets des mastodontes et du blé TotalNutrient. (Il désigne un cheshire mort.) Je sais tout de ces félins aussi. Si j’en avais envie, je serais capable de concevoir une bombe génétique qui leur enlèverait leur camouflage et, après quelques générations, les transformeraient en une version moins efficace.
Lu et déposé dans un wagon de train le 18 mai 2025
LE TOUTAMOI
Andrea CAMILLERI
Édition Métailié
Dépôt légal : Février 2015
Page 135
Enfin, elle estime qu’elle peut se lever sans courir trop de risques. En bougeant avec précaution, elle sort de la pièce, ouvre la porte de la maison, monte l’escalier, entre dans le grenier. Elle connaît bien le labyrinthe, elle n’a pas besoin d’allumer la lumière. Elle arrive à la hauteur de la tête de vache. À l’intérieur du toutamoi, l’obscurité est totale. Bizarre que Mario n’ait pas allumé la bougie.
Lu et déposé dans un wagon de train le 18 mai 2025
Une lettre à Petruška ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.
Les sociétés modernes : décérébrés d’un côté et des cérébrés de l’autre.