Dimanche 08 septembre 2024
Je n’avais aucune idée de ce que j’envisageais d’aborder comme sujet cette semaine avec toi, mais il est naturellement venu à moi, ou plutôt, s’est imposé naturellement comme une évidence.
Vois-tu, le soir, avant de rejoindre Morphée, je prends le temps de lire un second livre que celui que j’étudie en journée (en ce moment : Nietzsche par Heidegger, Volume I)
Ce second livre est d’un auteur que j’apprécie tout particulièrement. Pearl Buck. Cela raconte l’histoire de l’avènement de Little boy, avec, bien entendu, une histoire d’amour contrariée entre un homme et une femme.
Le maître de l’aube
Pearl BUCK
Librairie Stock 1960
Delamain et Boutelleau
Le passage du livre se trouve à la fin de la page 230 et se poursuit sur la page 231.
Nous étions lundi soir aux alentours de 22H00 lorsqu’un passage a retenu toute mon attention.
Voilà le passage en question.
Le septième homme m’a affirmé ne pouvoir épouser une simple femme, parce que lui-même n’était pas simplement un homme. Il tenait à épouser une femme qui fût aussi une savante. La femme idéale, bien sûr, mais une savante entre autres choses.
– Madame Curie…
– Oui, quelqu’un de ce genre. Seulement, je crois qu’elle a épousé « l’homme idéal » plus que le savant.
– Naturellement, dit Jane avec une indignation qui le fit rire.
Jane surprit son regard fixé sur elle et se leva pour refaire du café : ce regard était dangereux.
– Je pense qu’il vaut mieux ne pas poursuivre, dit Jane d’un ton hésitant, le dos tourné.
– J’y tiens, affirma Stephen. Parce qu’à l’heure H, lorsque le ciel et la terre ont soudain fusionné en une aveuglante révélation, il m’est arrivé quelque chose : il paraît que lorsqu’un homme va mourir, il voit en un éclair repasser toute sa vie. Eh bien, c’est ce qui m’est arrivé : je n’ai vu que vous. Je ne suis pas rentré chez moi, je n’ai pas cherché Helen. On m’a dit au bureau que vous étiez ici. J’ai pris ma voiture et conduit comme un fou – pour vous rejoindre.
– Tout ce que j’ai étouffé, renié, repoussé en moi, depuis des mois – des années – en fait depuis que je vous ai vu pour la première fois, tout cela s’est brusquement libéré au moment de l’explosion. Je suis incapable de l’expliquer. Peut-être la tension. Je sais ce que je veux. La communauté d’esprit et de cœur parfaite. Vous.
Les coudes sur la table, elle enfouit son visage dans ses mains, incapable de répondre. Un profond silence tomba entre eux, un silence d’union des âmes.
Ce passage est particulier en ce moment, car bien que j’aie vécu des vies amoureuses par le passé, des histoires d’amour comme peu d’hommes en ont vécus, elles se sont éteintes. La raison en est peut-être que ni moi-même, ni ces compagnes d’une seule vie, n’étions prêts pour la partager durablement.
Elles étaient pourtant la femme idéale et d’une intelligence hors norme.
Pourquoi te raconter cela ?
Parce que je viens de lire dans ce roman, ce qui m’a toujours animé et qui, est depuis quelques années, encore plus prégnant qu’auparavant.
Des jolies filles, j’en croise tous les jours, parfois parfaite et magnifique à se damner, tant elles sont dans une grâce naturelle et sans artifices aucun. Mais elles ne sont pas toi. Elles ne sont pas toi, et cela fera toujours toute la différence.
Habituellement, lorsque je termine un livre, je le dépose ou le redépose dans une boîte à livres. Exceptionnellement, je vais conserver celui-ci et mettre un bout de papier à l’endroit de ces deux pages afin de m’en souvenir, sinon le retrouver pour plus tard, mais avant qu’il ne soit trop tard. Cet ouvrage, je le conserve dans un tiroir de mon bureau avec un appareil photo Polaroid d’un modèle dernière génération et l’un de ses ancêtres, un Polaroid Supercolor 1000 fabriqué entre 1981 et 1984.
Je l’ai terminé mercredi soir, tardivement. J’ai replacé le post-it me servant de marque page à l’endroit du passage en question et je vais patienter. Je vais patienter, pour un jour te l’offrir.
Concernant ton questionnement légitime sur la pertinence d’aborder le sujet des vies amoureuses précédemment vécue, il n’est envisagé de les conter ni maintenant, ni plus tard, mais je ne suis aujourd’hui ce que je suis que parce qu’elles ont été présentes. Tout comme toi, tu es la femme que tu es de par tes expériences, tes rencontres, tes succès, tes échecs, tes (in)certitudes et tout le reste.
J’aurai pu aborder un sujet qui m’anime tout autant : le bénévolat, mais cela implique tellement de personnes qu’il est préférable de ne pas le traiter ici trop en détail. Il convient seulement de savoir que cela occupe une partie non négligeable de mon temps libre, que je suis actuellement engagé dans deux causes humanistes différentes, bientôt une troisième. La première depuis près de deux ans orientée vers les personnes en situation de précarité, la seconde depuis presque un an vers les personnes âgées en fin de vie et très bientôt un troisième engagement destiné aux personnes atteintes de handicap mental.
Je possède la particularité d’être autiste Asperger (officiellement diagnostiqué), misanthrope et humaniste, mais c’est un sujet trop long pour l’aborder dans cette lettre dominicale.
Il me semble, non pas raisonnable, (terme que je honnis), mais convenable de terminer cette missive sur l’essentiel de ce qu’elle contient et en particulier les derniers mots de l’extrait du livre. « Un silence d’union des âmes. »
Dans l’attente d’une prochaine inspiration autistique afin d’être de nouveau présent ici, je te souhaite une belle continuité sur l’océan de la vie en attendant que nos navires se croisent prochainement.
Bien à toi,
Nicolas