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Billet de blog 28 août 2025

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Premier rendez-vous, l’importance du monde

Cette lettre dominicale explore le retard de l’auteur dans la dissémination des enveloppes rouges et l’attente d’un premier rendez-vous avec Minerve. Entre réflexion sur l’importance d’une rencontre, patience, préparation et citations littéraires, il exprime sa ponctualité pour l’essentiel : le futur rendez-vous et la sincérité de ses choix.

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Dimanche 08 décembre 2024

Nous voilà de nouveau dimanche, te voilà ici présente, me voilà de nouveau devant toi, après avoir avoué, la semaine précédente, que j’avais accumulé un considérable retard pour la dissémination des enveloppes rouges.
Les lettres ont-elles été préparées ?
Ont-elles été imprimées, relues, corrigées et prêtes pour les enveloppes ? C’était prévu pour cette semaine.
Oui je suis en retard. En retard sur leur dispersion. En retard pour te permettre de trouver l’une de ces lettres. En retard pour notre futur premier rendez-vous. En retard toujours… Je suis un retardataire, mais je serai ponctuel lorsqu’il s’agira de déposer ces enveloppes dans les lieux adéquats.
Mais que veux-tu, une rencontre, un premier rendez-vous, cela ne s’improvise pas comme le choix inconséquent d’une fin de repas.
Fromage ou dessert ?
Ni l’un, ni l’autre, j’ai rendez-vous pour une première rencontre et si je ne me hâte, c’est parce qu’il est important d’être pleinement présent, pleinement persuadé que ce rendez-vous est important.
Un job, un appartement, une destination de vacances d’été, un weekend à Rome, à Venise ou à Bilbao, qu’importe, tout cela peut se décider à n’importe quel moment, mais un premier rendez-vous, c’est important. Toujours. Tout se joue en un geste, un mot, un battement de cils, une respiration. Le sort du monde, de notre monde intérieur en est jeté. Les espoirs, les rêves, les croyances, les utopies les plus folles peuvent se briser semblables à un fil de cristal. Peuvent prendre également toute la place du monde…
Il ne se joue pas l’avenir de l’humanité en cet instant, car l’humanité ne compte plus, elle n’existe jamais lors d’un premier rendez-vous et ce n’est pas un jeu. C’est autrement plus important que cela. Accepter d’être mutuellement pleinement présent, c’est s’accorder l’un à l’autre, la possibilité de provoquer un anéantissement mutuel en s’offrant une absolue confiance.
Oui, aujourd’hui, je suis en retard, je te concède cela. Mais je ne veux pas faire l’erreur d’être amoureux d’une personne qui te ressemblerait et qui ne serait pas toi. Je ne veux pas prendre le risque de trébucher maladroitement devant n’importe quelle inconnue, de me relever et de croiser un regard troublant et d’imaginer que ce serait toi, alors que tu serais seulement en train de trouver une première enveloppe rouge, ailleurs, là où j’espérais que tu la découvre. Me hâter pour te trouver alors que tu es forcément ailleurs, ce serait d’une folie. Me hâter alors que je suis fou, ce serait d’un raisonnable. Dans les deux cas, une folie raisonnable, une erreur malhabile.
Je t’attendrai chaque semaine suivante à l’endroit indiqué la semaine précédente. Je te chercherai également ailleurs. Je disperserai des enveloppes rouges. Je t’écrirai ici, là et forcément ailleurs. Et je patienterai. Je poursuivrai l’aménagement intérieur de l’appartement, j’allongerai sans fin ma liste de livres contenue dans ma petite bibliothèque, je ne cesserai de conserver mes souvenirs dans mon journal de bord, d’écrire, d’encrer le monde en voyageant sur l’océan de la vie et de l’ancrer dans mon quotidien.
Oui, je suis un homme en retard qui tarde à faire parvenir des enveloppes rouges là où il convient de les déposer, mais que ne ferais-je pas pour être ponctuel pour notre futur premier rendez-vous…

Cette semaine, j’ai lu deux ouvrages assez courts dont je partage avec toi un passage de chacun d’eux. D’un auteur mythique de la littérature Américaine et d’un autre auteur moins connu.

La perle
John STEINBECK
Dernière page, dernière phrase.
Et la musique de la perle s’estompa, ne fut plus qu’un murmure et se tut à jamais.

Je n’ai pas conservé ce livre, il a été déposé ce vendredi dans la boîte à livres, place des Arts.
Kino s’est laissé emporter par son souhait de richesse, par la peur, par la colère et finalement se débarrassera de la perle du monde qu’il imaginait qu’elle changerait sa vie, celles des siens et qui, finalement, n’a causé que du malheur.

Je ne me laisse pas emporter par le souhait de n’importe quelle rencontre, par l’empressement, par la confusion, car mes choix sont réfléchis bien que spontanés.
Oui, je suis en retard…

L’Iroquoise
Bernard CLAVEL
Milieu de la page 91 et début de la page suivante.
Le chapeau à fleur s’envola, et l’Indienne, tendant ses deux mains pour le saisir, leva trop haut ses jambes entravées par sa robe. Basculant en arrière, elle tomba la tête la première au fond du fossé où la glace laissait émerger quelques roches grises.
Il y eut un craquement terrible. Le même que celui qui avait fait taire, une nuit, tout un bar de Boston.
Un craquement que le grand Karl ressentit jusqu’au creux de sa moelle.
Il sauta de cheval et se précipita. Le vieil Indien agile arrivait de l’autre rive et c’est en même temps qu’ils atteignirent la glace où reposait l’Iroquoise tête nue, ses longs cheveux noirs en étoiles sur la blancheur, un filet de sang aux commissures des lèvres et ses yeux immenses grands ouverts qui regardaient le ciel.

Ce n’est qu’une fiction, une création littéraire de Bernard Clavel, mais cela nous rappelle que le fil de la vie est ténu et qu’il suffit de peu de choses pour qu’il se brise à jamais.
L’Iroquoise souhaitait seulement se saisir de son chapeau qui s’envolait, mais le chapeau ne s’est pas seul envolé. Également sa vie et son rêve des grandes villes, des lumières, des cinémas… Elle se prénommait Aldina.
J’ai également déposé ce livre dans une boite à livres, place des Arts. Et je suis toujours en retard.

J’ai profité de notre rendez-vous manqué pour commencer un troisième ouvrage.
Orgueil et préjugés de Jane Austen.
Je reviendrai vers toi, la semaine prochaine avec un extrait de cet ouvrage…

Dans l’hypothèse où tu serais également une lectrice assidue et une Minerve, il sera toujours envisageable de se rencontrer par hasard à une table de lecture.
Table de lecture : Leonidas Chocolates Cafés, 693 rue Nationale, Villefranche-sur-Saône
Vendredi 13 décembre 2024 : 16H30

Premier rendez-vous, l’importance du monde

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