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Billet de blog 29 septembre 2025

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Les suceurs de cailloux et la pierre philosophale

Cette lettre dominicale explore la mort, la finitude et l’illusion d’immortalité. Entre critique sociale acerbe et méditation intime, elle interroge le sens de la vie, du bonheur et de la quête vaine d’éternité. L’auteur, misanthrope assumé, y mêle réflexions sur la société consumériste, la mort refoulée et l’humanité réduite à « sucer des cailloux » plutôt qu’à chercher sa pierre philosophale.

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Dimanche 28 septembre 2025

Praescriptum,
La semaine précédente s’est close par un Dominical Day de lecture avec L’avocat du diable de Morris L. West.
La mort s’exhalait dans chaque paragraphe de cet ouvrage et en particulier sur la manière dont un homme peut appréhender ses derniers mois d’une vie humaine mise au service d’un sacerdoce religieux. Cet ouvrage remarquablement rédigé renvoyait chaque lecteur à sa propre intimité et à sa finitude lorsque la médecine est impuissante à nous débarrasser d’un mal qui nous ronge de l’intérieur.
En ce D Day, il est donc l’occasion idéale de nous entretenir sur ce sujet avec plus d’intimité que précédemment.

Un enfant est par nature immortel, tout comme l’adolescent qui s’imagine invincible et l’homme qui forge son existence dans le labeur pour graver de son empreinte le temps qui lui est imparti afin de se glorifier de son vivant avant de laisser sa place lorsqu’il sera trop vieux et trop mort pour avoir une voix qui compte, un droit au chapitre suivant, sinon laisser un souvenir fidèle durable dans le temps, qui depuis toujours s’écrit sans lui sans qu’il en soit toujours pleinement conscient.
Il est des hommes et des femmes qui mènent des existences d’immortels dans l’insouciance de la connaissance avec moult désirs fugaces, renouvelés chaque jour et tant d’autres qui mènent leur vie comme un navire insubmersible dévastant tout sur leur passage, tandis que des milliards de compatriotes font de même tentant également de diriger leur vie selon leurs croyances, leur foi, leurs certitudes, leurs doutes, leurs peurs… Si dans le microcosme d’une société, l’insignifiance d’une vie humaine se rapporte à la richesse accumulée, dans le macrocosme de l’univers toutes les vies humaines sont insignifiantes et sans plus de valeurs que les bactéries qui sont, dans un passé lointain, apparues sur Mars.
Une vie humaine n’est jamais qu’un hasard d’une rencontre sexuelle entre deux personnes sexuellement opposées et complémentaires et lorsque cette existence se poursuit durant plusieurs décennies et que le soir de la vie approche ou que le régisseur suprême décide de tirer le rideau avant le terme de la représentation, le temps qu’il reste à chacun est toujours trop court et l’injustice est alors hurlée et brandie pour se défendre inutilement contre l’inéluctable pour les riches et les pauvres, pour les puissants comme pour les faibles.
Une vie pieuse et honnête n’a jamais plus de valeur qu’une vie de débauche et de mensonges, car aucune des deux ne s’oppose, ni ne se comparent. Les actes peuvent être bons ou mauvais, l’être humain décide de chacune de ses actions et ce sont ces dernières qui peuvent être définies comme étant le bien, le mal, sinon ni l’un, ni l’autre, mais la vie en elle-même est toujours de valeur égale, bien que misérable au regard de l’échelle de l’histoire de l’humanité.
Chacun de nous habille son existence selon ce qu’il estime nécessaire afin de pourvoir à un bonheur qui, lui-même, ne peut se comparer à aucun autre bien que ce concept n’étant rien d’autre qu’une construction mentale humaine, une maison, une prison, une cage, un voile sur le visage d’une jeune mariée vierge, un premier baiser d’adolescent… Cet édifice est la matière des philosophes et une quête plébéienne promue par une ignorance également partagée entre chacun de ceux qui le recherche. Ce bonheur qui est promis à chacun n’est nulle part en ce qu’il se trouve en chacun de nous et qu’il se construit comme une pierre philosophale.

Être heureux quotidiennement ne signifie pas que le bonheur est présent à chaque lever de soleil jusqu’au crépuscule, car c’est une émotion fragile et éphémère par nature, tant elle se renouvelle et pour chacun différemment.
Le bonheur est tout au plus une nécessaire quête inatteignable pour les gens de peu de raison, sinon composée d’émotions éphémères qui s’éteignent pour que naissent les suivantes.
Au soir de la vie ou au tombé de rideau précoce du régisseur, être heureux devient plus ardu, car la quête de ce bonheur inatteignable est vécue comme un mirage, un mensonge, une illusion à laquelle les anorexiques de l’esprit ont tenté de s’accrocher sans réellement l’atteindre sur la scène théâtrale de la vie qu’ils ont parcourus avec avidité, jalousie, médisance et aigreur.
Est-il jamais trop tôt pour observer la lumière des premières heures de la matinée, des gouttes de pluie qui tombent pour venir se perdre au sol, sentir l’odeur de la forêt, du pain tiède, observer l’être humain dans sa gestuelle la plus infime, écouter sa respiration, les battements de son cœur ? Il ne s’agit pourtant pas de regarder, de humer et de ressentir, mais d’avoir conscience de chaque détail, de faire preuve d’attentivité extrême.
Est-il jamais trop tard pour aimer fougueusement, sinon déraisonnablement, acquérir de nouvelles connaissances, se cultiver, déposer ses certitudes et s’enquérir de doutes, réaliser ses rêves de jeunesse, accomplir un exploit à l’aube de sa dernière journée ? Un être humain qui se rapproche consciemment de son dernier jour ne manque jamais de cette réflexivité, sauf à refuser à sa dernière compagne encapuchonnée qui lui tendra une main osseuse, de s’accorder avec elle sereinement et en paix.

Il est de bonne société depuis l’avènement du baby-boom occidental de n’être qu’orienté vers une vie de plaisir perpétuel et d’un souhait d’éternité reléguant le sujet du trépas à un défaut biologique qui se doit d’être corrigé par le progrès médical et technologique. Allonger la durée de vie individuelle et collective est désormais le but à atteindre et la finalité même de l’existence humaine, tant la mort devient indécente, impropre et dégoutante. Vivre longtemps, le plus longtemps possible, mais dans quelle condition ? Perclus de douleurs ? De maladies organiques ? De troubles neurologiques ? Diminué jusqu’à l’état physique végétatif ?
Une vie humaine ne peut se poursuivre indéfiniment sans avoir de sens et il n’est de sens de la vie commun à tous, car il ne s’agit pas de chercher et de trouver le sens de la vie, mais celui qui nous relie à elle.
Ai-je moi-même trouvé le sens de ma vie ? Oserais-je dire que c’est le cas sans être considéré comme un prétentieux personnage au regard des petites gens à l’esprit aussi étroit que leur rectum ?
Non seulement, j’en ai trouvé le sens, mais j’ai orienté le cap de mon navire sur l’océan de la vie afin d’être en paix lorsque je devrais à mon tour traverser le Styx avec mon accompagnatrice. Comme je l’ai évoqué dans des précédentes lettres, nous nous sommes accordés autour d’un contrat et si son impatience ne surgit brusquement de par sa lassitude à devoir patienter, notre rendez-vous sera honoré avec prévenance et attention.
Nous avons, ensemble, une alliance morale avec cette faucheuse qui ne repart jamais seule sur le chemin du retour et nous avons convenu d’une date à laquelle, je serai prêt à l’accueillir sans craintes, sans peurs, ni regrets, ni remords. Ce sera à un âge respectable après avoir vécu d’innombrables vies, de multiples aventures humaines sur cet océan de la vie et accompli quelques-uns de mes rêves tout en ayant contribué à rendre le monde meilleur, sinon régulièrement moins plus pire que la veille, malgré ma misanthropie légendaire et mon aversion naturelle pour le genre humain.
Lorsque cette grande faucheuse viendra quérir mon âme humaine, et à l’instant des derniers instants de mon existence et de voyager ensemble, je prétexterai avant de rejoindre mon ultime demeure, un mot d’adieu à écrire tout en la questionnant sur le sens de la mort afin de détourner son attention, pour que lorsqu’elle s’apprêtera à me répondre, je me saisirai de cette ultime fraction de seconde pour mourir sans qu’elle ne s’en aperçoive, non par bravade, mais plus simplement par un désir de liberté assumée jusqu’au terme de mon existence humaine et parce que la mort ne s’en retourne jamais seule, je prendrai le temps de l’attendre sur le chemin du retour qu’elle emprunte pour chaque voyage, et je lui tendrai la main afin que je ne puisse me perdre et que sa tâche puisse s’accomplir sereinement. Nous converserons paisiblement et je lui conterai mes souvenirs d’homme et cette silhouette silencieuse m’invitera, à ne pas prolonger mon séjour au-delà du Styx plus que nécessaire.

Une durée d’existence est accordée à chacun d’entre nous, et de ces quelques heures trop brèves d’un nouveau-né qui bouleversent à jamais la vie de futurs parents, à la durée de plus d’un siècle de vie pour d’autres, il est loisible pour tous de s’accorder avec la grande faucheuse, le passeur d’âme, de Thanatos, cette silhouette longiligne qui accompagne les vivants dans leur dernier voyage, au-delà du Styx pour l’écourter avec sérénité. Encore est-il nécessaire d’avoir conscience de sa propre existence et ne pas la considérer comme une contrainte ou une gangrène qui se propagerait inéluctablement en jouant un rôle de plaignard perpétuel. Rôle tenu à merveille par le genre humain qui s’imagine toujours être le roi du monde, qui est lui-même composé d’une plèbe ignorante et bête à sucer des cailloux.
Il est désormais devenu naturel pour une majorité d’occidentaux de vouloir se maintenir en vie le plus longtemps possible sans pour autant avoir d’autre fin en soi que de profiter de plaisirs éphémères, d’alcool et de bouffe industrielle, non pas pour vivre très vieux, mais pour rester jeune le plus longtemps possible afin de profiter de chaque jour comme un enfant, un adolescent, un adulte performant, quand bien-même le miroir se briserait plutôt que de refléter une image d’un corps vieilli, rabougri, usé et décomposé par les abus d’une longue existence tabagique, alcoolisé, graisseuse et d’exposition solaire excessive. Et si la chirurgie cutanée peut encore à merveille transformer des peaux flasques et vieillies en peaux tendues et boursouflées de nouvelles matières plus ou moins organiques, ce n’est que pour le plaisir de s’offrir aux miroirs et aux regards du plus grand nombre d’une plèbe toujours plus ignorante que la veille et toujours aussi bête à sucer des cailloux.
L’idée même de la mort est refoulée et réservée à ceux qui commercent avec elle quotidiennement : les religions, les sociétés d’assurances et les commerçants de cercueils et si la foi est une aventure humaine, les deux suivantes sont basées sur l’espérance du profit pour le professionnel et les bénéficiaires du contrat et de la vanité du futur défaut de pouvoir s’offrir un cercueil rose bonbon avec un intérieur en soie et de magnifiques poignées en or incrustés de pierres précieuses surmonté d’un monument en marbre de Carrare pour s’offrir une putréfaction luxueuse. Et ce dernier instant, chacun se le souhaite idéalement « vécu » dans un sommeil paisible ou au cours d’un dernier acte sexuel. La réalité est que l’on meurt bien plus souvent d’inconséquence par des actes irréfléchis et rarement dignement. Une fois mort, la dignité est une affaire humaine qui importe uniquement aux vivants.
Il sera de bonne société au cours du siècle suivant de remplacer l’intégralité des organes défaillants par des ersatz artificiels afin de prolonger la durée de vie d’un certain nombre et de considérer définitivement la mort comme une maladie pouvant être éradiquée ou abandonnée aux pauvres qui investiront toujours leurs derniers paquets de dollars dans une dernière paire de prothèses mammaires ou d’une ultime liposuccion afin de peser moins lourdement dans leur cercueil pachydermique.
À toi qui parcours cette lettre dominicale, quel que soit ton âge, n’oublie pas que tu es en train de mourir lentement sans même t’en apercevoir et que ton immortalité éphémère de ce jour peut être fauchée au coucher du soleil. Si tu ne te préoccupes pas du sens de ta vie aujourd’hui, essaie de t’en soucier demain, car il sera trop tard bien plus tôt que tu ne l’imagine.

Post-scriptum,
Suis-je également un digne représentant de l’insignifiance de cette plèbe humaine dont je semble ne lui trouver qu’abjection lorsqu’elle se compose d’un troupeau ruminant son ignorance et dont je n’ai grâce que pour les individus qui s’en écartent ?
Je ne suis que l’insignifiant plébéien représentant de ce que je suis, de ma psyché et de mon souhait de n’appartenir qu’à moi-même en ce que la croissance du nombre est une augmentation antinomique des intelligences mises en commun pour n’en cristalliser que la plus débilitante qui se concentre toujours sur la forme provocatrice du message afin de rejeter le messager à l’extérieur de l’enclos pour ne pas avoir à partager ses cailloux, bien que ce dernier ne se trouve jamais en cette enceinte et que cela démontre que l’intelligence du plus grand nombre n’accroit pas le nombre des génies, mais uniquement le nombre des sots, tandis que les gens de peu d’esprit se plaisent toujours à se pavaner devant la plèbe bête à sucer des cailloux en s’accordant sur ses désirs afin de se croire roi du monde assis au sommet de la montagne alors qu’ils ne sont assis que sur leur cul. Nous voilà désormais au terme du sujet principal de cette lettre dominicale et si d’aventure, tu ne devais lire que celle-ci, ne me considère pas uniquement comme un méchant scripteur, car je suis également un misanthrope, un réac, un humaniste et capable d’endosser tous les rôles que l’on me prête, car je ne suis pour chacun, qu’une projection mentale et une association d’idées.

Nouvelle lettre de ma tante Jeanne

05 février 1973
Art oratoire : l’importance des mots et des phrases

Cher Neveu,
S’il est des individus qui discourent sur le temps du ciel pour agrémenter leurs conversations météorologiques, il en est d’autres qui discourent en dialogique pour imiter une conversation avec un interlocuteur qui n’est présent que pour sa structure cérébrale.
Il ne s’agit pas de s’inscrire dans un échange, mais d’emmener l’autre dans n’importe quelle direction avec un bandeau sur les yeux pour lui faire croire à la maîtrise d’un art oratoire.
N’oublie pas mon Neveu, d’écouter chaque phrase, chaque mot car il réside là, dissimulé dans ce jeu, toute l’importance d’une phrase, d’une seule, qu’il te faudra retenir comme un aveu que l’on affiche à la vue du monde pour mieux se dissimuler derrière lui et désigner un coupable imaginaire qui n’existe que dans l’esprit de celui qui porte le bandeau.
Ta tante Jeanne

Une lettre ne devant plus se refermer sans le passage de mes livres lus au cours de la semaine.

Désolée, mais ça ne se fait pas
Françoise Xenakis
Édition Pocket
Dépôt légal : septembre 1997
Page 299
Elle savait que ce serait aujourd’hui.
Il a quitté sa chemise et son pantalon, il est nu à son tour.
Alors ils s’enlacent, leurs gestes sont en harmonie parfaite et chacun rit de voir que l’un porte une petite bague à pierre verte sur une chaîne autour de son cou tandis que l’autre a la même, mais en bleu ! Et c’est pleinement conscients qu’ils se soudent l’un à l’autre.
16 juin 1995
Lu et déposé dans un wagon de train le 23 septembre 2025

L’œuvre au noir
Marguerite Yourcenar
Édition Folio
Dépôt légal : septembre 1988
Page 443
Un moment plus tôt, une terreur eût saisi l’agonisant à l’idée d’être repris et forcé à vivre et à mourir quelques heures de plus. Mais toute angoisse avait cessé : il était libre ; cet homme qui venait à lui ne pouvait être qu’un ami. Il fit ou crut faire un effort pour se lever, sans bien savoir s’il était secouru ou si au contraire il portait secours. Le grincement des clefs tournées et des verrous repoussés ne fut pour lui qu’un bruit suraigu de porte qui s’ouvre. Et c’est aussi loin qu’on peut aller dans la fin de Zénon.
Lu et déposé dans une boîte à livres le 27 septembre 2025

Walden ou la vie dans les bois
Henry David Thoreau
Édition Gallimard
Dépôt légal : février 2016
Page 22
Être philosophe ne consiste pas simplement à avoir de subtiles pensées, ni même à fonder une école, mais à chérir assez la sagesse pour mener une vie conforme à ses préceptes, une vie de simplicité, d’indépendance, de magnanimité, et de confiance. Cela consiste à résoudre quelques-uns des problèmes de la vie, non pas en théorie seulement, mais en pratique. Le succès des grands savants et penseurs, en général est un succès de courtisan, ni royal, ni viril. Il s’accommodent de vivre tout bonnement selon la règle commune, presque comme faisaient leurs pères, et ne se montrent en nul sens les procréateurs d’une des plus nobles race d’hommes.

Ce premier partage de cet ouvrage en cours de lecture sera l’ouverture d’un prochain article prévu pour le Dominical Day du 12 octobre à venir.

Une lettre ne devant plus se refermer sans une citation personnelle qui vaut parfois mille mots.

Je relève toujours aisément avec un plaisir cérébralement non dissimulé, bien que ce soit désagréablement chiant d’être dans cette lucidité, les incohérences des personnes qui s’élèvent toujours plus haut dans l’échelle sociale de la leçon moralisatrice de bas étage à défaut de s’élever intellectuellement dans les hauteurs de l’esprit critique indispensable à tout opposants de la flagornerie et ne pouvant vieillir de la tête pour n’avoir que mon âge, je me contente encore et toujours d’avoir l’âge du monde tout en me cultivant avec des arbres transformés en livres en raison que les livres électroniques, c’est de la couille en boite, tout comme une foultitude de bullshiterie que je relève un peu partout.

Les suceurs de cailloux et la pierre philosophale

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