Dimanche 29 décembre 2024
Un homme en retard, dont le souhait est de rencontrer une nouvelle Minerve, ne se hâte jamais, car si le retard qu’il s’accorde est destiné à être le pourvoyeur d’une heureuse missive, c’est qu’aucun des deux protagonistes ne pouvait s’accorder mutuellement en étant en avance pour un rendez-vous avec une mystérieuse enveloppe rouge.
Ces dernières sont prêtes et patientent depuis plusieurs semaines. Les 22 précédentes missives ont été imprimées en plusieurs exemplaires chacune et se trouvent en cours d’intégration dans les enveloppes. Plus de 1 600 grammes de papier et d’encre. 22 lettres à une inconnue sans adresse de correspondance, sans lien numérique pour trouver la plateforme sur laquelle les originales se trouvent pour initier un contact, aborder une réponse. Un indice seulement en guise de signature. Une carte de visite en complément.
Sans adresse de correspondance, sans lien numérique. Un indice uniquement. Une évidence. Des cartes de visite en cours d’acheminement, qui vont retarder la dispersion des enveloppes rouges. Encore…
Que de retard, encore et toujours davantage d’excuses inexcusables, mais indispensables et nécessaires.
Que me serais-je maudit à faire preuve d’une précipitation dans la quête d’une nouvelle Minerve en étant impréparé et soucieux d’un unique et maladroit empressement.
Ulysse a-t-il fait preuve d’une folle précipitation afin de rentrer à Ithaque pour retrouver Pénélope et son fils Télémaque ? Jamais.
Un général s’empresse-t-il de partir au-devant de son destin si la préparation de son plan est incomplète ? Pas davantage.
Rappel d’un passage d’une précédente lettre…
J’ai vécu la vie d’un homme pressé par elle-même, dans l’urgence de vivre la liberté, dans la précipitation d’un indéterminisme farouche semblable à un enfant sauvage renaissant depuis l’aube de l’humanité en tant qu’atavisme lors de chaque existence à parcourir fougueusement.
Me serais-je donc assagi après cinq décennies pour m’accorder un retard de plusieurs semaines concernant un premier rendez-vous d’importance ? Ne suis-je plus avide de cette liberté que j’ai chérie autant que ma propre vie ? Et cette fougue ? Aurait-elle été emportée par quelques vagues scélérates de l’océan de la vie ?
À ces questions légitimes, une seule réponse.
Il n’est de croyances que je porte en moi et transmises par mes ancêtres auxquelles j’ai renoncé, que j’ai renié, que je crois inatteignables. Un homme d’une foi intègre, pure, intangible et inébranlable ignore l’impossible. Il le surmonte, le dépasse et l’abandonne aux incroyants et aux petites gens raisonnables dont la rationalité et la prudence sont toujours les symboles des hommes de peu de foi.
Une quête, quelle que soit la foi de son auteur, de son porteur ne comporte aucune garantie de succès, mais qu’importe tant la conviction emporte tout sur son passage. C’est un voyage qui peut être perpétuel au cours d’une vie, de plusieurs d’entre elles. Ce peut être également de multiples incarnations de Minerve qui seront présentes au cours de l’une d’elles, d’une seule et unique rencontre au cours d’une simple existence humaine.
Il n’est de rendez-vous d’importance qui ait lieu sans une croyance indéfectible et c’est parce que je possède cette foi intacte que je m’accorde ce retard d’un temps qui peut sembler déraisonnable. Afin d’être prêt et de ne pas être maladroitement troublé par un regard auquel je succomberais de façon inconséquente.
Un physique agréable peut être une tentation, un intellect forgé dans la spiritualité, la philosophie, le goût de la quête de connaissance peut être très attractif, la simplicité de la féminité peut être extrêmement troublant. Quel homme ne succomberait pas à l’une de ces trois branches ?
Question rhétorique et réponse d’un homme de foi.
Cette trinité, indissociable d’une Minerve, reste pourtant une pâle incomplétude sans particule élémentaire, sans élément primaire. Une véritable incarnation ne peut être de façade, une accumulation de connaissances brute, un simulacre de la suite de Fibonacci.
Sans atavisme transcendantal, une trinité est semblable à un ersatz de pierre philosophale. Sans valeur intrinsèque. Un quolifichet de bazar. Pas davantage.
Si l’inconnaissance est intrinsèque à l’être humain, il reste de son devoir de faire croître son savoir, ses connaissances, sa culture philosophique en portant un regard sur le monde qui est l’antinomie de la vue du quotidien qui l’entoure, d’une écoute opposée à ses certitudes immédiates, d’une parole empreinte de doutes, bien que je souhaiterais, parfois, être dans une ignorance plus grande, de ne jamais croire avec tant de certitudes aux mêmes incertitudes que je développe toujours davantage à mesure d’un savoir accumulé, de ne pas toujours avoir été d’une insatiable soif de connaissance, d’apprentissage et de réflexions si lourdes à porter, mais que n’aurais-je égaré, sinon le sens même de mon existence humaine et l’atavisme en héritage que je lèguerais aux générations futures dont j’en ai moi-même acquis une grande part de ma personnalité.
Bien qu’il nous sera toujours possible, à toi et à moi, de nous trouver mille défauts et autant d’excuses insincères pour ne pas nous rencontrer, pour n’être et rester qu’inconnu l’un à l’autre, c’est avec cette même indéfectible croyance que nous sommes, en cette journée, des êtres en devenir forgeant un rapprochement bien que notre existence mutuelle nous demeure encore voilée avec toutefois l’incertitude d’un destin commun que les existentialistes portent intrinsèquement en eux malgré la certitude qu’ils possèdent de son opposition. De cette ambivalence, chacune de nos décisions est, depuis toujours, déterminantes et ont déjà scellé nos choix futurs, sauf à faire volte-face et s’imaginer que nous ferons dès aujourd’hui des choix différents en restant pourtant conscients que les précédents étaient précisément ceux qui nous précipiteraient dans un avenir que nous pensions différent alors que cette nouvelle direction n’en était que la conséquence logique depuis l’origine nous menant progressivement l’un à l’autre.
Pour clore cette année 2024, il est maintenant temps de partager un passage du livre que j’ai lu cette semaine.
Le retournement
Vladimir VOLKOFF
Édition Julliard L’âge d’homme
Imprimé en 1979
Page 108, fin du premier paragraphe
Elle n’avait que deux bizarreries : elle ne sortait pas le samedi soir, et il était difficile de la forcer à accepter qu’on payât pour elle. Pour éviter les discussions pénibles, elle finissait par me rembourser en cravates que je lui rendais en fleurs de Chez Odette : cela nous revenait trois fois plus cher, c’était délicieux.
Je ne porte pas de cravate, mais qui sait… Plus tard peut-être.
Aimes-tu les fleurs ? Qui ne les aime pas…
Dans l’hypothèse où tu serais également une lectrice assidue et une Minerve, il sera toujours envisageable de se rencontrer par hasard à une table de lecture.
Table de lecture : Leonidas Chocolates Cafés, 693 rue Nationale, Villefranche-sur-Saône
Vendredi 03 janvier 2025 : 16H30
Dernier dimanche de cette année calendaire de l’ère chrétienne