Les 5 dernières années ont été marquées par l’explosion des surcharges administratives pour les médecins, universitaires et chercheurs et les autres fonctions publiques. Les professionnels passent leur temps à régler des problèmes administratifs sans valeurs et donc ne peuvent plus se concentrer correctement sur leur profession initiale et ainsi les conséquences sont dramatiques pour les patients, les étudiants et la recherche publique. En conséquence, le reste de la population souffre. Un revirement à 180 degré est nécessaire pour faire repartir le système qui est à genou et qui ne remplit plus les services attendus par la population. Il faut agir d’urgence, et ce d’autant plus que la reconstruction prendra du temps.
Les fonctions hospitalières, universitaires et de recherche scientifique se divisent en des activités multiples : soigner, enseigner, inventer des techniques, trouver des nouvelles molécules, qui pourront servir pour des médicaments, etc…mais aussi gérer le laboratoire au quotidien, s’occuper des patients, gérer les achats, la recherche, les équipes, former les étudiants à tous les niveaux, recrutement, affichage des postes sur des sites profilés pour les recrutements, relectures des articles pour les journaux, évaluation de l’enseignement, de la recherche, siéger dans les instances publiques, administratives ou privées, rédiger les demandes de financement plusieurs fois par an, faire les demandes pour les comités d'éthique, intervenir dans des débats publics, communiquer sur les activités, écrire des articles paraissant dans des revues, écrire des livres, faire germer des start-ups pour relancer l'économie, gérer des plateformes, promouvoir des collègues. Rajouter encore des tâches administratives à toutes ces activités est donc impossible, sauf à cesser définitivement de faire de la recherche.
Pourtant face à la stagnation économique, minée par le remboursement des dettes publiques, et pour masquer le désengagement dans ces métiers, les investissements dans l’administration de ces secteurs ont été largement négligés: tous les postes d'aides, secrétaires, gestionnaires, ingénieurs, techniciens, etc.…ont largement diminué en 10 ans. Ces postes sont pourtant vitaux pour faire tourner les services. Dans le même temps, les tâches administratives ont explosé, elles se sont même durcies : les ressources humaines sont tellement encadrées, qu’un professionnel est nécessaire. Les dommages collatéraux sont si profonds que même les étudiants se plaignent. Partant en mission pour se former, ils sont mal remboursés, ce qui est nouveau.
Toute cette pesanteur administrative est un frein qui empêche de soigner efficacement, de faire de la recherche clinique de qualité, de passer du temps avec les étudiants. La conséquence de tout cela est le déclassement de l’efficacité nationale. Le pire a été l’organisme de recherche phare: le CNRS. L’état d’esprit de cette institution d’élite, comparable à ce qu’est la légion étrangère pour l’armée française, déjà fragile, a été ravagé en 10 ans : bien que les salaires ne soient pas vraiment compétitifs à l’international, ce manque était compensé par une grande liberté nécessaire pour la maturation des nouvelles recherches scientifiques. Ces conditions avaient quand même réussi à attirer des chercheurs étrangers qui ont largement contribué aux grandes avancées scientifiques et techniques, maintenant ainsi la France dans un certain niveau de compétition. Mais ces conditions n’existent plus face à la lourdeur administrative chronophage. Dans le secteur médical, la lourdeur administrative se traduit par le manque de soin, les nombreux burn-out, les démissions successives et un travail sous-efficace. Ce gâchis a un impact direct sur la santé publique.
Sans un assouplissement immédiat des contraintes et tâches administratives, l’hôpital, l’université, l’enseignement et la recherche vont continuer de s'effondrer et en conséquence, l'économie basée sur les nouvelles technologies ne pourra suivre la compétition, compromettant encore l'émergence des nouvelles économies en France. Le prochain défi est de taille s'il faut repenser la société du travail dans un monde sans croissance.
Nous demandons donc un revirement immédiat de la politique de gestion des administrations mentionnées ci-dessus, une simplification immédiate de toutes les procédures pour que les professionnels ne consacrent pas plus de 10% du temps à ces tâches. L’idéologie du tout contrôle, au lieu de la culture de la confiance, a créé un delirium et un système de surveillance qui paralyse de plus en plus le bon fonctionnement et l’émancipation de l’hôpital, l’université, l’enseignement et la recherche.
Remerciements : Pr. S. Majumdar pour la relecture et discussion.