Billet de blog 22 septembre 2010

Pierre Aucouturier

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La prime d'excellence du CNRS? Non merci!

Alain Trautmann, directeur de recherche au CNRS et membre du Conseil scientifique, ancien porte-parole du mouvement Sauvons la recherche, vient d'être distingué par la médaille d'argent du CNRS. Il explique, dans la lettre ci-dessous, son refus de la «prime d'excellence scientifique», et appelle ses collègues à «refuser de s'engager dans un tel processus d'individualisation des rémunérations».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alain Trautmann, directeur de recherche au CNRS et membre du Conseil scientifique, ancien porte-parole du mouvement Sauvons la recherche, vient d'être distingué par la médaille d'argent du CNRS. Il explique, dans la lettre ci-dessous, son refus de la «prime d'excellence scientifique», et appelle ses collègues à «refuser de s'engager dans un tel processus d'individualisation des rémunérations».

«Monsieur le Président du CNRS, Monsieur le Président de la section 24, Mesdames et Messieurs les membres de la section 24 du Comité National,

J'ai pris connaissance de la décision de la direction du CNRS d'attribuer en 2010 une "prime d'excellence scientifique" à 660 chercheurs et des modalités de mise en œuvre de cette attribution, en particulier pour les chercheurs qui n'en bénéficient pas automatiquement.

Je vous fais part de mon désaccord complet avec cette décision qui dénature totalement l'objectif de revalorisation des traitements et des carrières de tous les chercheurs CNRS. L'attribution d'une prime à une proportion infime des 11600 chercheurs travaillant au CNRS constitue une insulte envers l'immense majorité de leurs collègues qui sont régulièrement évalués positivement par le comité national.

Depuis un an, les différentes composantes du comité national, le conseil scientifique, les CSI et les sections du comité national se sont prononcées sans ambiguïté contre la mise en place de la PES. Les motions des sections énoncent de très nombreuses propositions pour une réelle revalorisation des carrières de la grande majorité des chercheurs et appellent à une large concertation sur les moyens d'un tel objectif. La Conférence des présidents de sections du Comité national (CPCN) a adopté le 20 avril 2010 deux motions annexées à mon courrier.

Malgré tous ces avis, la direction a décidé de n'entendre aucune de ces propositions, d'imposer une procédure qui ne dispose d'aucune légitimité et qui ne répond en rien aux besoins clairement identifiés. Avec la création de commissions ad hoc, elle affiche son mépris pour le comité national qui a le soutien de la communauté des chercheurs et dont le travail sur la durée est l'un des facteurs essentiels des succès du CNRS. En nous demandant de remplir un dossier de PES sans nous informer d'aucune des modalités du fonctionnement de la sélection, elle nous demande de céder à l'arbitraire et à l'opacité.

C'est pourquoi j'ai décidé de refuser de déposer une demande de PES.

J'appelle tous mes collègues à refuser de s'engager dans un tel processus d'individualisation des rémunérations dont on ne peut que prévoir qu'il génère des effets délétères sur l'organisation collective de la recherche et des laboratoires. J'appelle les membres de la section du comité national dont je dépends à:

- refuser en toutes circonstances de participer aux comités ad hoc que veut imposer la direction,

- dénoncer la procédure de candidature spécifique qui constitue une négation du travail d'évaluation constant réalisé par les sections,

- exiger à nouveau pour 2010 l'attribution systématique d'une prime à tous les nouveaux entrants et à eux seuls.

En espérant que vous pourrez prendre en considération ma position au sujet de la prime d'excellence scientifique, je vous prie d'agréer, chers collègues, l'expression de ma sincère considération.»

Alain Trautmann

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