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"En fait, les créateurs de personnages, au sens traditionnel, ne réussissent plus à nous proposer que des fantoches auxquels eux-mêmes ont cessé de croire."
C'est Alain Robbe-Grillet qui le dit, et c'est un parfait incipit de ce en quoi a échoué Christophe Honoré. Nouveau Roman rate l'hommage sans atteindre la proposition blasphématoire qui aurait pu s'imaginer.
C'est dommage, car l'idée aurait pu être bonne. Après tout, la bande Minuit présentait bien assez de travers pour donner prise à la noiceur, et à la caricature. Annie Mercier incarnant Jérôme Lindon est assez réussie de même que toute la distribution des rôles sans respect des genres sexuels. L'absence de Samuel Beckett a le mérite de la décence. En revanche, Catherine Robbe-Grillet, telle que campée sur scène, tient court la jupe et haut le micro mais manque du soufre pervers qui donnerait de la profondeur à son jeu dans le microcosme, en se limitant aux grimaces d'une Verdurin d'opérette. Duras, pourtant plutôt bien incarnée par Anaïs Demoustier comme l'éternelle exclue de la bande, aurait mérité que ses tendances crépusculaires prennent le pas sur son petit air d'intello-qui-n'en-pense-pas-moins. Pinget, bien sûr, finit à poil sur le plateau, puisqu'il est homosexuel. Difficile de dire quoi que ce soit des écrivains contemporains invités à évoquer Minuit par le biais de téléviseurs - sinon que leurs interventions semblent superficielles (telle, Marie Darrieusecq expliquant que la bande avait du talent car les couples y étaient stables, car ils avaient des vies rangées). L'invitation faite aux textes (La Route des Flandres) et aux images (L'Année dernière à Marienbad), ne suffira pas à compenser le bavardage. Au contraire: les discours originels, qui n'ont pas tant perdu de leur force, renvoient le jeu des psychologies mises à scène à leur inutilité, entre chansonnettes et talk-show. A faire le choix de prêter à la bande de la rue Bernard-Pallissy un discours faussement contemporain et à ancrer l'action dans la culture télévisuelle, le spectacle hésite en longueurs et en tics, laissant peut-être bien trop de place à l'improvisation.
Nouveau Roman a pourtant trouvé son audience, qui lui prête le mérite de la légereté (peut-être comme on dirait une "cuisse légère", c'est effectivement du théâtre sans conséquence). Voir, par exemple, ce qu'en dit Le Monde - et pour les détracteurs, Le Bruit du Off et L'Humanité. C'est toujours un bon moment du Festival quand son public commence à s'agiter jusqu'au coin de la rue pour faire un sort à la programmation. La tonalité, cette année, est assez réservée.
Et ce n'est pas fini. Deux autres pièces de Christophe Honoré, La Faculté et Un Jeune se tue, sont visibles jusqu'au 16 juillet.
Boîte noire: cet article a été rédigé en trois étapes suite à des difficultés techniques. Mes excuses aux lecteurs et lectrices qui n'y auraient trouvé que la version tronquée.