Quelques mois après Nelson Mandela, l’Afrique du Sud perd un autre géant, qui aura consacré son temps, son énergie et son œuvre à lutter farouchement contre l’apartheid. Nadine Gordimer, lauréate du prix Nobel de littérature de 1991, douze ans avant un autre géant — Coetzee en 2003 —, est morte pendant son sommeil à son domicile de Johannesburg, lundi 14 juillet 2014.

Agrandissement : Illustration 1

Née à Springs en 1923 d’un père horloger, émigré juif de Lettonie, et d’une mère d’origine britannique, Nadine Gordimer s’est passionnée pour l’écriture et la fiction dès l’âge de neuf ans et n’a cessé d’écrire, depuis cette période, romans (15) et, surtout — ce qui est moins connu hors des frontières d’Afrique du Sud — bon nombre de recueils de nouvelles, une œuvre traduite en plus de quarante langues.
C’est en 1974 que Nadine Gordimer atteint un premier niveau de notoriété internationale en obtenant le Booker Prize, équivalent du Goncourt de langue anglaise, avec The Conservationist, roman écrit à travers le point de vue d’un sud-africain blanc, riche et conservateur. Le deuxième niveau sera atteint en 1991 avec le Nobel. Mais, bien avant 1974, elle était connue des militants anti-apartheid, dont elle partageait les thèmes de combat, et de Nelson Mandela, dont elle était une amie fidèle de lutte et qui lisait ses romans en prison. Membre de l’ANC, African National Congress, elle se résigna sans aucun plaisir à accepter le passage à la lutte armée, en la justifiant en ces termes, à la fin des années 1980 : « Having lived her for 65 years, I am well aware for how long black people refrained from violence. We white people are responsible for it » (Comme je vis ici depuis 65 ans, je sais pertinemment depuis combien de temps les noirs se sont retenus de céder à la violence. Nous les blancs, nous sommes responsables).

Les cibles de Nadine Gordimer étaient non seulement la minorité blanche, mais aussi les dérives de l’ANC, dont elle dénonçait, récemment encore, les menaces exercées sur la liberté d’expression, les journalistes et les lanceurs d’alerte, ce qui avait fait d’elle une ennemie des fanatiques de l’ANC, qui voyait en elle « une blanche libérale et raciste », insulte absurde et contredite par toute la vie, l’œuvre et l’engagement permanent de Nadine Gordimer. En 2006, alors qu’elle avait 82 ans, elle fut agressée à son domicile et enfermée dans un placard, après que les agresseurs eurent volé son argent et ses bijoux, ce qui n’entama ni sa détermination, ni son sens de l’indépendance ni sa bonne humeur.
Elle avait déclaré, quelque temps après la libération de Nelson Mandela : « We were naive, because we focused on removing the apartheid government and never thought deeply enough about what would follow » (Nous avons été naïfs, parce que nous nous sommes concentrés sur le fait d’en finir avec le régime d’apartheid et nous n’avons jamais assez réfléchi à ce qui arriverait après).
Romans :
1953 : The Lying Days
1958 : A World of Strangers (Un monde d’étrangers)
1963 : Occasion for Loving
1966 : The Late Bourgeois World (Feu le monde bourgeois)
1970 : A Guest of Honour
1974 : The Conservationist (Le Conservateur)
1979 : Burger's Daughter, (Fille de Burger)
1981 : July's People (Ceux de July)
1987 : A Sport of Nature (Un caprice de la nature)
1990 : My Son's Story (Histoire de mon fils)
1994 : None to Accompany Me (Personne pour m’accompagner)
1998 : The House Gun (L'arme domestique)
2001 : The Pickup (Un amant de fortune)
2005 : Get a Life (Bouge-toi !)
2012 : No Time Like the Present (Vivre à présent)

Nouvelles :
1949 : Face to Face
1952 : The Soft Voice Of The Serpent (La voix douce du serpent)
1956 : Six Feet of the Country
1960 : Friday's Footprint
1965 : Not for Publication
1971 : Livingstone's Companions
1976 : Some Monday for Sure
1980 : A Soldier's Embrace (L'étreinte d’un soldat)
1980 : Town and Country Lovers
1984 : Something Out There (Quelque chose là-bas)
1984 : Correspondance Course
1989 : Once upon a time
1991 : Jump (Le Safari de votre vie)
2003 : Loot (Pillage)
2007 : Beethoven Was One-Sixteenth Black (Beethoven avait un seizième de sang noir)

Agrandissement : Illustration 4
