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Billet de blog 17 mai 2011

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Surréalisme de la crise financière

La crise financière, celle des «subpraïmes» et de tout ce qui s'en est suivi, a suscité d'innombrables commentaires et ouvrages.

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La crise financière, celle des «subpraïmes» et de tout ce qui s'en est suivi, a suscité d'innombrables commentaires et ouvrages.

Sur le sujet, voici cependant ce qui n'avait jamais encore été écrit: une comédie pour la scène, écrite en vers alexandrins. L'auteur en est Frédéric Lordon, économiste de renom mais aussi économiste «critique». Il estime important de commenter la crise sur le mode facétieux en rendant ses aspects principaux accessibles à tous. Notons d'emblée que ladite comédie vient d'être représentée au Centquatre à Paris avec notamment dans les rôles des comédiens aussi inspirés que Denis Podalydès et Jacques Bonnaffé.

Mais la pièce se lit aussi bien qu'elle s'entend, et c'est une joie de retrouver ce bon vieil alexandrin aux mains d'un Lordon qui le manie avec dextérité. Et tous ses vers ne sont pas de caramel, loin de là! Exemple de ce que cela donne dans la bouche du Président de la République (oui, oui, il est là et son rôle sur scène fut porté par qui vous devinez):

«Épargnez-moi, messieurs, votre salmigondis,
Je vais finir moi-même, je crois que j'ai compris,
En un mot comme en cent vous êtes désossés,
Qu'on vous sorte de là, c'est ce que vous voulez » (p. 60)

Donc il y a le camp des banquiers, tous prétendument unis dans le malheur et soutenus par un «grand journaliste» à leur botte, et il y a le camp de l'Élysée, avec président et conseillers. Parmi ces derniers figure cependant un mauvais esprit qui dit la chose à ne pas dire: oui, sauvons les banques mais, en contrepartie, nationalisons-les. Évidemment banquiers et cour présidentielle poussent des cris d'orfraie. C'est que le sauvetage de leurs banques vise avant tout à conserver le système tel qu'il est et tel qu'il a conduit au désastre. Et il s'agit de revenir aux prêts consentis aux États à des taux exorbitants et, pour suivre, à soumettre les populations à une politique de rigueur. Il serait pourtant, dit l'intempestif «nouveau deuxième conseiller», d'autres solutions: mobiliser l'épargne nationale, faire que la banque centrale refinance l'État aux taux les plus bas. On s'en doute, «Votre Hauteur», comme il est dit, demeure sourd à de telles recommandations.
Dans un commentaire final, Lordon résume ce qu'il a voulu faire d'une formule imagée: quand le discours d'intoxication déréalise la crise, il faut la surréaliser. C'est à quoi sa pièce alerte et percutante s'emploie avec bonheur.


Frédéric Lordon, D'un retournement l'autre. Comédie sérieuse sur la crise financière. En quatre actes et en alexandrins. Paris, Seuil, 2011. 14 €.

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