Aux Etats-Unis, les cahiers Livres des quotidiens disparaissent peu à peu. Alors que l'édition américaine subit de graves difficultés financières, le Washington Post vient de supprimer son supplément littéraire hebdomadaire, Bookworld, après plus de quarante ans d'existence. L'argument principal invoqué par la direction du journal est la baisse drastique de ses ressources publicitaires. Depuis le 15 février, (date de la dernière parution en version papier du supplément), les recensions de livres sont disséminées dans deux rubriques du quotidien, Outlook ("Horizons") et Style & Arts. ("Style & Arts", ou "Style et Culture"). Il faut dire que, selon Marcus Brauchli, directeur de la rédaction, "les encarts Style et Outlook étaient plus lus que la section Livres". A noter cependant que le supplémentcontinuera d'exister de manière autonome sur le site du journal.
Par ailleurs, toujours selon Marcus Brauchli, la suppression du Bookworld, (qui va réduire d'au moins 25 % le nombre total de recensions littéraires dans le journal), bénéficiera finalement à l'industrie du livre : "Les critiques sont plus facilement accessibles en ligne que sur papier. Et Internet va raccourcir considérablement le temps écoulé entre la lecture d'une recension et l'achat d'un livre, ce qui est probablement une bonne nouvelle pour les écrivains et l'industrie de l'édition".
En colère, le National Book Critics Circle, a lancé début février une pétition, récoltant en quelques heures une centaine de signatures. "Débattre avec vigueur et passion de la qualité des livres est indispensable dans une bonne société", écrivent-ils, ajoutant à l'adresse de la direction du journal. "Si vous réduisez l'espace dévolu à l'analyse littéraire, c'est que pour vous les livres ne sont pas importants".
L'historien Douglas Brinkley estime quant à lui qu'en cas de difficultés financières l'industrie du livre et les suppléments littéraires devraient être soutenus par les pouvoirs publics. "Je crois que, tout comme la télévision publique, les sections littéraires des journaux devraient être aidés financièrement afin de préserver la vie intellectuelle aux Etats-Unis. Après tout, si on le fait pour la radio, et qu'on peut le faire pour la télévision, pourquoi ne pas le faire aussi pour l'industrie du livre, qui souffre terriblement ces temps-ci ?"
Book World était l'un des derniers suppléments littéraires papier de la presse quotidienne américaine, avec celui du San Francisco Chronicle et du New York Times. Depuis quelques années, les autres quotidiens suppriment peu à peu les leurs, le dernier en date étant le Los Angeles Times en 2007.