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Billet de blog 25 juil. 2011

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Le journalisme est mort. Vive le journalisme

Les secousses qui ébranlent l'empire de Rupert Murdoch au Royaume-Uni –secousses réjouissantes dans beaucoup de leurs effets– en disent long sur l'état actuel de la presse et du système des médias.

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Les secousses qui ébranlent l'empire de Rupert Murdoch au Royaume-Uni –secousses réjouissantes dans beaucoup de leurs effets– en disent long sur l'état actuel de la presse et du système des médias. Dans l'affaire en cause, tout ce qui exprime la violente dégradation d'une pratique sociale essentielle est présent : concentration monstrueuse des organes de presse, collusion trouble des médias avec les pouvoirs politiques, dérives diverses du métier de journaliste, confusion de l'information avec le divertissement et l'advertising. Si la Grande-Bretagne compte en ses rangs un des meilleurs quotidiens du monde, le Guardian, sa presse n'en est pas moins dans un état de déglingue avancé.

L'ouvrage qu'Ignacio Ramonet vient de consacrer à «l'explosion du journalisme» est venu trop tôt pour intégrer ces derniers événements mais au moins il les laisse largement prévoir. Longtemps éditorialiste du Monde diplomatique, Ramonet tente en ce livre de dresser, à travers un inventaire très enlevé, un état de la presse et des médias qui prend en compte l'énorme révolution que connaît l'écosystème médiatique au temps de la révolution numérique et de l'apparition des réseaux citoyens.

Dans une première partie de son ouvrage, l'auteur tente de mettre au jour les facteurs qui expliquent un déclin de l'information sérieuse provoquant un désintérêt du public. Certaines causes sont clairement objectivables: main mise des puissances d'argent sur les journaux et les médias, connivence de certains journalistes avec les milieux politiques. D'autres sont plus diffuses mais non moins effectives : pléthore des informations qui étouffe l'information vraie, bidonnage des nouvelles visant à «faire du spectacle» (l'auteur donne de beaux exemples), sacre d'un journalisme amateur à travers blogs et réseaux sociaux.

Mais, face à ces dérives et perversions, la seconde partie de l'ouvrage recense tout ce qui donne à espérer un renouveau démocratique des manières d'informer. Le Web est ci au centre du jeu qui permet l'apparition de nouveaux modes de l'information critique, certains réjouissants, d'autres moins.

Aux États-Unis, nous apprend l'auteur, on a vu naître des sites qui, avec le soutien financier de mécènes et de fondations, proposent gratuitement à des publics donnés des informations sérieuses, produites par des groupes de journalistes et d'experts. Initiatives américaines éventuellement toutes locales mais aussi succès d'audience beaucoup plus large comme celui du Huffington Post. Appelé à un bel avenir, ce genre de presse peut également fonctionner par abonnement et l'on aura reconnu ici, passant à l'Europe, «notre» Mediapart. En toile de fond de ces riches expériences, ce singulier journalisme qu'est celui des «bases de données», avec classement et mise au clair d'infos procurées par les pouvoirs publics.

Par-delà encore, il y a évidemment le phénomène WikiLeaks, sur lequel s'attarde Ramonet. L'initiative d'Assange répond à une exigence démocratique de publicité (au premier sens du terme) et de transparence. De là, la mise au jour de quantité de documents que les pouvoirs politiques, financiers, militaires avaient l'habitude de tenir par devers eux. En somme, on assiste là à une généralisation de ce que fait Le Canard enchaîné français depuis longtemps, à une moindre échelle.

De proche en proche, on en arrive ainsi aux «fermes de contenus» proposant d'énormes quantités d'infos low cost. Journalisme au rabais en ce cas, qui croise des thèmes et des publics au profit d'opérations de publicité commerciale.

En terminant son parcours, Ignacio Ramonet revient à la question de l'avenir du journal, quel que soit le médium. Et de donner l'exemple encourageant de l'hebdo allemand Die Zeit qui, par le sérieux de ses dossiers, ne cesse d'accroître son public. Mais est-ce là un exemple probant si l'on sait que la population allemande est, depuis toujours, attachée à sa presse?

On saura gré à Ignacio Simonet d'avoir largement débrouillé l'écheveau de tout ce qui se produit aujourd'hui en matière informationnelle. Il le fait dans cet esprit critique qui le caractérise mais en veillant à ne pas tourner les choses au noir.

Ignacio Ramonet, L'Explosion du journalisme. Des médias de masse à la masse des médias. Paris, Galilée, 2011. 18 €.

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