Vol-au-Ventadour : douze pieds d’Alexandrine sauce disco-séduction au Cabaret Cabernet d’Anjou et sa ballade pour Aliénor
Extrait de ma pièce "Histoire de Tanse" ou comment cuisiner l'histoire à la française
Moi, prude Limousin, j’ai fait de toi ma muse
Je n’étais qu’un trouvère, un homme qui t’amuse
Regard éblouissant ! Ma belle de Poitiers,
Tu régalais mes vers, desséchais les gosiers,
Faisais couler mon encre et le sel de mes larmes
Mais j’ai su résister à l’ardeur de tes charmes
Toi ma source et mon onde ! Ô mon fleuve d’amour !
J’étais ton Ventadour, ton humble troubadour
Avec Louis ton époux, tu goûtas aux croisades
Enflammas tous les cœurs, joyeuses débandades !
Ton Louis déshonoré, ses cornes à lever
Trop lourdes pour un Roi, les firent t’enlever
Las, à Jérusalem, il te mena de force
Tu te révoltas donc et ce fut le divorce
Vous fîtes lit à part et bateau séparé,
Un retour sans retour pour couple déparé
Henri Plantagenêt te nomma souveraine
De la cour d’Angleterre et je suivis ma Reine
Au Royaume rosbif, je devenais chétif,
Délaissé par ma belle à l’amour exclusif
Pour ce Plantagenêt, cet Henri Deux l’angliche
À qui tu dévoilais les trésors de ta niche
Tu donnas huit enfants à ton guerrier mari,
À ton amour volage, à ton beau Roi Henri :
Un Richard Cœur de Lion, ainsi qu’un Jean sans Terre,
Bientôt célèbres Rois qui trahiront leur père
Pour les yeux de leur mère, elle, mon Aliénor
Qu’Henri délaissera sans honte et sans remord
Pour un lit encor frais, celui de Rosemonde
Tu fuiras ton Anglais, cet ingrat, cet immonde
Pour revenir vers nous en pays poitevin
Au retour de la belle, on fit couler le vin,
Je déroulais des vers, aux doux pieds de ma Reine
Éphémère bonheur, rien n’apaisait ta peine
Pour taire le danger, Henri dut t’arracher
Pour te soustraire au monde et de tous te cacher
Si loin, à Winchester, monastère si triste
Recluse à l’étranger, nous perdîmes ta piste
Jusqu’à ce jour béni, jour sacré de la mort
D’Henri ton ravisseur qui délia ton sort
Tu revins parmi nous mais vivais détachée
Et tu t’enfuis du monde en demeurant cachée
Auprès d’Henri gisant, au cœur de Fontevraud
Ton âme s’envola, quitta le lourd fardeau
Des ans et de ton corps une nuit hivernale
Souffle encore aujourd’hui ton haleine royale
Tu me vois orphelin, mes mots sont avachis
La rime se débine et les sens sont hachis
Parodiés, pleurs geignards, repoussante purée
Mousseline indigeste, une horreur triturée
Bien à toi, ton Bernard, ton poète Ventadour,
Ton vierge Limousin, ton pauvre troubadour