« LesFrançais aiment remettre le compteur à zéro » disait hier à la radio, àpropos de l’élection présidentielle, un homme politique dont j’ai oublié lenom.
Retenonsle zéro et oublions “le goût des Français” qui ne nous appartient pas.
L’électionprésidentielle n’est-elle pas plutôt la mise à zéro de la réflexion politique,le moment clé de la dépolitisation à la française, le triomphe del’indifférence vis-à-vis des faits et des bilans, l’électeur tenu par le nezconduit vers “La phrase qui fait l’élection. ”, la cristallisation des ferveurspour l’hyperprésidentialisme (pour s’apercevoir le lendemain que le roi est nu).
Peut-onse garder de l’insignifiance massivement semée sur les grandes tribunes médiatiquesà cette occasion ? Peut-on inverser le cours de médiocrité où s’enfermentdes candidats sans parole personnelle, des médias aspirés par la footbalisationde cette élection présidentielle ?
Cethème pourrait être l’un des thèmes retenus pour les ateliers de septembre àBuoux (voir l’édition CAMédia).
Nous avons proposé que les débats prévuspour ces ateliers démarrent dans le club de Médiapart , je ne fais donc iciqu’introduire ce débat avec la conviction personnelle qu’il vaut mieux mettrenos divergences sur la table de discussion pour risquer, peut-être, quelquesconvergences.
Peut-on aborder le sujet de la présidentielle sous l’angle de sa mise en scène et en onde et en texte ? Peut-on l’aborder sous l’angle de la participation ou pas à l’élection ?
Lepaysage dépolitisé ne surprendra personne. Les sept ans se sont transformés encinq sans que le temps paraisse moins long à brouter des défaites d’autant plusamères que l’opposition elle-même est frappée d’inexistence, que la gauche au pouvoir n’a pas moinspromu le libéralisme que la droite, que tout aujourd’hui peut se dire en cepays de libre expression mais que toute parole (fut-elle portée par desmillions de manifestants) peut être noyée d’une formule assénée avec assuranceau 20h de TF1 ou TF2, par un expert à la neutralité garantie.
Onconnaît le schéma, on sait déjà qu’il ne sera en rien différent en 2012 :une droite qui vote massivement à droite quel que soit le cheval, une gauchequi trie dans les lentilles sachant que les cailloux sont parfois plus nombreuxque les légumineuses, le troisième homme inventé le temps d’un brouillage deschoix préliminaires, enterré aussi vite par la suite, les petits partisassommés d’entrée par les sondages, les abstentionnistes vilipendés par tous lescamps, les experts qui cachent leurs préférences derrière leur petit doigt debon sens.
Etau casino des honneurs et privilèges, de futurs académiciens, de futur chef duservice des sports de la télévision publique etc… paradant déjà pour levainqueur.
Etcomme par hasard la violence, la grotte d’Ouvéa en 98, ou en 2002, Paul Voisetabassé pendant quarante huit heures sur tous les écrans de télévision, victimede “la Sainte Barthélémy des innocents“ (Titre du livre de FlorentMontillot, en 2002, adjoint à lasécurité dans la municipalité UMP d’Orléan, qui lança l’information aux médias).La peur au ventre de la bourgeoisie bien plus efficace que tous lesraisonnements.
Pourtant,à moins de continuer à rêver au petit matin du grand soir, ou de faire des gammessur le refrain “rien ne change rien à rien, tout est pareil à tout etréciproquement”, à moins de se réfugier dans une bulle de plus en plusimprobable avec la conviction que l’essentiel est ailleurs (mais le Marchéest-il moins intrusif dans nos vies que les fonctionnaires de la Tchéka oudu NKVD) le moment déterminantdes inflexions politiques reste l’élection présidentielle.
Peut-onpenser que c’est à la Puissance Publique, éluedémocratiquement, de faire la Loi et non à la prétendue main invisible du Marchéet se tenir à distance de la seule élection déterminante ? Mais peut-on secacher le caractère et la gestuelle anti-démocratique de ce choix“ démocratique ”, peut-on se cacher le passé anti-démocratique decette illusion de choix, peut-on imaginer qu’un Président élu abandonne unepartie de ses pouvoirs pour aller vers une constitution plusdémocratique ?
Est-il bien raisonnable pour autantde relativiser nos attentes ?
D’ignorer l’inacceptable desinjustices en cours d’exercice ?
Voilàdes questions qui reviennent constamment au fil des articles, des billets etdes commentaires avec, semble-t-il, un constat sur lequel il y a peu dedivergences et des propositions dans lesquelles on remarque de profondesdivisions, le débat récent sur les primaires à gauche en est un bon exemple.Ces divisions qui font le lit des défaites et des reculs de la démocratie.