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Billet de blog 11 mai 2014

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Roland Gori, des paroles et des actes

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En décembre 2008, Roland Gori avec Stefan Chedri lance une pétition  « L'Appel des Appels pour une insurrection des consciences »  (87.000 signatures à ce jour) ; cette pétition faisait suite au mouvement « Pas de zéro de conduite » où il luttait contre la détection précoce de futurs délinquants parmi les enfants en difficulté. A la suite de « l'Appel des Appels », une vingtaine de groupes locaux se sont organisés en France.

Le 12 avril 2014, Roland Gori faisait partie des 200 personnalités se ralliant à la « Marche contre l'austérité, pour l'égalité et le partage des richesses ». Interviewé sur une radio nationale, à une heure de grande écoute, il plaçait de suite le débat au cœur du mécanisme néolibéral, citant Pasolini qui dénonçait la « religion du marché, cette forme de totalitarisme culturel » ; évoquant les professionnels en souffrance, il citait la philosophe, Simone Weil, « les finalités sont oubliées au profit des moyens » ; les peuples sont devenus des monnaies vivantes pour complaire au marché financier. Les hommes politiques sont eux aussi prolétarisés (au sens marxiste de confiscation du savoir, du savoir-faire au profit de la machine), leurs possibilités de décider sont confisquées par les machines de l'économie ou plutôt des enjeux financiers ; puis, il évoquait Manuel Valls faisant monter les Secrétaires d' État dans un minibus ; pourquoi pas, mais n'est-ce pas aussi du pur spectacle ? Cela renvoie à Guy Debord. Les promesses des politiques sont davantage figures de rhétorique et leurs paroles politiciennes devenues inconsistantes. D'où apathie politique, colère ou abstention.

Tout cela, Roland Gori l'analyse et le dénonce dans de nombreux ouvrages, lors de conférences en France et à l'étranger, bénéficiant d'une renommée internationale. Psychanalyste et professeur émérite en psychologie et psychopathologie clinique, il donne une dimension à la psychanalyse, à la morale, à la sociologie, à la politique en lien avec  l'oppression suscitée par le monde moderne. « Comment penser les ressorts de la modernité en conjonction avec une éthique du sujet ? »

 Les titres de ses ouvrages en témoignent : La folie évaluation, La dignité de penser, La fabrique des imposteurs, ouvrages parus aux Éditions Les Liens qui Libèrent. Dans son ouvrage le plus récent publié en janvier 2014, Faut-il renoncer à la liberté pour être heureux ?, Roland Gori démontre notamment  comment peu à peu la quantité prend le pas sur la qualité, comment la technique disculpe et ne requiert que son exécution sans états d'âme ; ainsi, « c'est l'Autre qui disparaît et notre liberté de désirer » ; un dispositif politique s'est mis en place prônant l'efficacité, l'évaluation n'étant que « le cheval de Troie » pour faire passer les normes d'une pseudo-gestion ; on assiste à une médicalisation de l'existence. En politique comme en psychanalyse, un sujet ne peut exister sans parole, sans autrui.

Programmés à l'avance par l'exigence des normes, nos comportements, dans la sphère professionnelle mais aussi dans celle des loisirs, sont façonnés par la rentabilité économique, grande organisatrice du champ social ; la sécurité devenant le sous-produit d'un discours sur le bonheur.... citant en préface Camus, « Nous prenons l'habitude de vivre avant d'acquérir celle de penser », puis Freud, «  L'homme civilisé a fait l'échange d'une part de bonheur possible contre une part de sécurité ». Pour étayer ses développements, en bon pédagogue et avec un certain humour, M. Gori fait également appel à Rousseau, Adorno, Tocqueville, Aristote, Constant, Lacan, Arendt, Mauss et autres grands penseurs et philosophes, mais il se réfère également à  des événements historiques.

La pensée est-ce encore bien utile, ça fait perdre du temps ? Quelles valeurs de l'Humain sont-elles prises en compte dans les processus de rationalité technique ? Et la création collective, que devient-elle ?

Pour inaugurer la 5e Rencontre avec Médiapart, « Comment vivifier l'énergie démocratique pour vivre et penser ensemble ? », nous nous réjouissons de pouvoir bénéficier de l'éclairage fondamental de M. Gori, penseur engagé : actes et paroles, n'est-ce pas aussi une ambition pour ces rencontres de CAMédia ?

Dominique Bouday

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