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Billet de blog 25 juillet 2015

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Laïcité et monde commun: en forme de conclusion provisoire, contribution de Michel Granger

L’Édition CAMédia a contribué au débat sur la laïcité en accueillant quatre articles successifs sur le thème "Laïcité et monde commun" [i]. Pour terminer ce dialogue, nous publions un texte de Michel Granger, que nous remercions vivement d’apporter une conclusion provisoire et sa vision de la problématique.

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L’Édition CAMédia a contribué au débat sur la laïcité en accueillant quatre articles successifs sur le thème "Laïcité et monde commun" [i]. Pour terminer ce dialogue, nous publions un texte de Michel Granger, que nous remercions vivement d’apporter une conclusion provisoire et sa vision de la problématique. Il s’agit de sa contribution à un bilan qui reste à faire collectivement. Nous soulignons avec l'auteur qu'à ce moment des échanges, la notion de "monde commun" est restée pendante, peu abordée en général, ce qui laisse de larges perspectives à explorer.

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L’idée initiale était de ne pas discuter le principe de laïcité dans l’abstrait, hors sol, mais dans son rapport avec la création d’un monde commun: connaissant les nombreuses fractures de la société française, tenter de voir comment le principe émancipateur formulé en 1905 pourrait contribuer à équilibrer les forces antagonistes, éviter les replis communautaires et donner de meilleurs possibilités de vivre dignement à tous.

L’échange (les billets et quelque 400 commentaires) a, me semble-t-il, surtout abordé le monde commun à travers l’école: les exemples de luttes locales à Marseille et à Montpellier où les parents cherchent à faire vivre une laïcité menacée et exister la mixité sociale; le combat pour l’universalisme en Alsace-Moselle, puisque le régime concordataire institue l’enseignement obligatoire de la religion dans les écoles et accepte des facultés de théologie à l’Université, ainsi que la formation de ministres du culte. Il est certain que la laïcité est fondatrice de l’enseignement public: un lieu d’apprentissage commun des disciplines du savoir, de l’exercice de l’esprit critique, protégé contre la soumission à des religions qui imposent leurs dogmes, et quel que soit le credo familial inculqué aux élèves. Mais il faut bien voir qu’elle doit coexister avec un enseignement confessionnel, par définition à part.

La discussion n’est guère allée plus loin dans la pensée du commun, car s’est exprimée l’idée que pour rester fidèle à ses origines, à son principe, la laïcité ne devait pas sortir de son orbite propre. Cette conception stricte définit un principe protecteur qui garantit la liberté de conscience des individus contre l’envahissement par les croyances qui séparent les êtres. La neutralité de l’État, de ses fonctionnaires, est certes indispensable à la liberté de chacun — par exemple, le droit de ne pas croire en une transcendance - mais elle est en quelque sorte limitée dans sa force d’action car elle se contente d’être défensive. Actuellement, elle perd sa bienveillance, devient parfois «communautarienne» (Philippe Marlière): elle cesse de porter l’idéal de la communale d’autrefois qui voulait apprendre la coexistence aux enfants de toutes origines et de toutes classes sociales. Elle est maintenant revendiquée comme pivot de l’identité nationale or, la mise en avant d’une identité oppose à ce qui est différent, voire jugé inférieur, et peut conduire à l’exclure.

En cette période de fragmentation croissante de la société, de revendication identitaire («nos racines judéo-chrétiennes», «Touche pas à mon église»), on peut se demander si la focalisation sur la laïcité défensive est suffisante pour faire face au pluralisme de la société, notamment à la présence d’un islam qui n’accepte plus d’être invisible et à l’accroissement criant des inégalités économiques et sociales: ne faut-il pas envisager une autre conception qui soit moins dominatrice et tournée vers le passé pour faire face aux changements de la société et à ses fractures? La notion de monde commun a trait au partage (des richesses, du pouvoir), ce qui entraîne la prise en compte de l’égalité pour faire société. Or, ce dernier principe pousse à la lutte pour: pour l’égalité des droits; pour l’égalité des conditions; pour une véritable démocratie. Seule, la laïcité - principe défensif, centré sur la liberté de l’individu - ne paraît pas suffisante pour construire la pensée du commun. Il se peut même que, dans son isolement, elle tende à occulter les problèmes graves de la société et se prive de son efficacité. Pensée simultanément avec les autres principes constitutionnels, elle devrait avoir plus de chance de contribuer efficacement à la création d’un monde commun.


[i]

"Laïcité et monde commun" de Michel Granger: http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/230515/laicite-et-monde-commun

"Ce que nous disent les écoles marseillaises de la Busserine et des Flamands" de Gérard Perrier: http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/060615/laicite-et-monde-commun-2-ce-que-nous-disent-les-ecoles-marseillaises-de-la-busserine-et-des

"Citoyen ou sujet communautaire" de Roger evano: http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/130615/laicite-et-monde-commun-3-citoyen-ou-sujet-communautaire

La laïcité à l'université de Strasbourg: un combat pour l'universalisme dans le contexte concordataire" de Pascal Maillard: http://blogs.mediapart.fr/edition/camedia/article/200615/la-laicite-luniversite-de-strasbourg-un-combat-pour-l-universalisme-dans-le-contexte-concord

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