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Billet de blog 28 septembre 2010

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Premières rencontres avec Médiapart. El camino se hace caminando.*

Le grand cèdre poussait ses majestueux ombrages, la pierre vénérable refermait l’espace de ses volumes robustes à peine rongés sur quelques angles, une aile du château commencée à la veille de la révolution et jamais achevée offrait ses fenêtres à plein vent

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Le grand cèdre poussait ses majestueux ombrages, la pierre vénérable refermait l’espace de ses volumes robustes à peine rongés sur quelques angles, une aile du château commencée à la veille de la révolution et jamais achevée offrait ses fenêtres à plein vent, la Renaissance, ce style qui rêvait de grands équilibres et de grands dialogues avec la civilisation gréco-romaine, à mille ans de distance, était là dans toute sa splendeur sur la partie la plus ancienne du château, autant dire que le décor était monarchique pour cette première rencontre nationale de Médiapart.

Si certains y voient un paradoxe, personnellement, cela ne me choque pas, j’ai toujours pensé que les lieux les plus beaux, les plus beaux monuments, devaient servir à tout le monde, comme les meilleurs professeurs, comme les meilleurs architectes et que ce n’était que par dévoiement du bien public, par de rampantes privatisations et des combines en tous genres qu’il n’en était pas ainsi. Ici à Buoux, le château accueille le Parc Naturel du Luberon que viennent régulièrement découvrir les scolaires, il est géré pour ce qui concerne l’accueil et la restauration par la fédération Léo Lagrange qui met l’éducation populaire au centre de ses préoccupations et qui pratique des prix « normaux », c’est à dire une valeur en passe d’être reléguée aux oubliettes.

Décor monarchique pour assemblée républicaine. Et la parole à l’épreuve du froid. Le vent chasse les nuages disait la météo, mais ce vent était le Mistral qui comme chacun le sait est un vent froid poussant la pollution vers la Méditerranée et transvasant aussi sur le Sud les températures du Nord Alpin. Les couvertures vite descendues pour se protéger du froid ajoutaient à ce décor solennel les couleurs vives de leurs tissus. Peinture moderne sur fond classique, il y a quelque chose de ça dans Médiapart.

Décor monarchique donc pour réflexion de veille sur la presse et la démocratie.

A l’initiative de CAMédia, ce fut au meilleur sens du terme une rencontre. Une rencontre faite de dizaines de rencontres, en quelques phrases ou en quelques minutes, en quelques mots ou en quelques regards de réel intérêt, de vraies rencontres accrochant une des multiples raisons d’être là et d’être ensemble ce samedi et ce dimanche, une des multiples raisons de se vouloir actif en ces temps de menaces, de corruption de la démocratie où le gouvernement actuel instille peu à peu des éléments douteux qui ressemblent dangereusement aux ingrédients qui fabriquent les guerres civiles. Fort de ses pouvoirs étatiques, ses faiblesses se manifestent dès qu’un coin du voile de ses pratiques est levé.

Une rencontre avant tout ce sont des personnes qui n’avaient jamais entendu parler les unes des autres et qui se découvrent des liens, des complicités, l’impression de faire partie d’une même communauté. Pourtant, les uns venaient de Bretagne, d’Alsace ou de Belgique, de Paris ou de Bordeaux, de Lyon ou de Toulouse, d’autres, des gens de la région dirons-nous, une région comprise au sens large allant de Bézier à Nice en passant par Aix-en-Provence qui était la ville la plus représentée. Les associations représentées étaient la Ligue des Droits de l’Homme, Attac, les universités populaires, Emmaüs, l’Abbé Pierre. Les uns étaient des abonnés de la première heure et d’autres tout nouvellement abonnés ou pas encore abonnés. Une partie de l’assemblée était composée de représentants d’associations ou des gens ne représentant qu’eux-mêmes. La vertu rassembleuse de Médiapart s’est révélée particulièrement active.

Pourquoi?

Peut-être, répond la rédaction, parce que les journalistes se contentent de faire leur métier, avec une profonde conscience de leur responsabilité. “A nous de vous apporter des faits vérifiés, contextualisés, à vous (abonnés) de faire vivre le débat !”

A notre envie de les interroger sans cesse sur “leurs opinions “, ils n’ont cessé de répondre que ce ne sont pas les opinions mais les faits qui “ font les opinions”. Les faits avant tout, ce sont eux qui ont quelques chances de modifier des opinions. Et n’est-ce pas l’objectif, de montrer comment les faits contredisent parfois nos opinions. N’est-ce pas l’objectif de confronter les opinions au réel ?

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Ici j’ai envie d’ouvrir une parenthèse sur “les faits” présentés par les journaux de grande diffusion.N’est-ce pas par une répétition quotidienne de faits sélectionnés pour la force émotive qu’ils libèrent, pour la violence qu’ils contiennent, pour les peurs qu’ils réveillent, pour les préjugés discriminatoires qu’ils réactivent, par les impuissances du verbe politique qu’ils révèlent, qu’ils fabriquent peu à peu l’opinion ? La dépolitisation dramatique prive le peuple de sa force vitale, de son pouvoir sur les choses qui le concernent.

On sait depuis longtemps à quel point la propagande est vaine, à quel point elle n’est jamais qu’une voix qui parle agressivement au-dessus des autres voix pour les faire taire.

N’est-il pas urgent, indispensable, de montrer, de montrer et non d’expliquer, que la réalité sociale et politique est faite d’autres éléments que ceux mis en gros plans dans la presse (papier, radio, TV) de grande diffusion ?

La comparaison entre ce qui a été retenu des enregistrements Bettencourt par le journal “Le Point“, d’une part, et par Médiapart d’autre part, en est un exemple éclairant.

Qu’apportent les rencontres avec la rédaction du journal ?

Sans doute le lien entre des informations forcément fragmentées, dispersées et que nous n’avons pas toujours le temps ou le réflexe ou la force de rassembler. Le lien qui est aussi la cohérence de la politique rédactionnelle du journal. Il y a bien les textes fondamentaux, les chartes et le rappel de-ci de-là de ces fondamentaux, nous avons besoin de sentir cette présence de chair et cette cohérence de pensée, de les sentir portées par des hommes et des femmes, leurs voix, leurs attitudes, leur capacité à se relier à leur lecteurs, à les écouter leur répondre, à se laisser surprendre, à se laisser interpeller par tout ce qui fait circuler une force de conviction et à tisser avec.

Sans doute aussi le rappel de quelques idées forces comme “La démocratie c’est une culture”, “L’éducation populaire c’est créer les conditions d’une participation au débat démocratique.“ “Nous empruntons de plus en plus le modèle économique anglo-saxon tout en pratiquant l’opacité monarchique à la française”. Rappel que la démocratie est adossée à des droits naturels (“la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression”.)

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Mais nous retiendrons par dessus tout les poignées de mains, les mots échangés entre deux portes, les regards qui font connaissance, la chaleur des applaudissements, les éclats de rire comme les échos d’une solidarité retrouvée.

Nous retiendrons aussi le spectacle de D Wittorski qui a pris ce samedi soir tous les risques en abordant la question de la peine de mort, cette tache sur la conscience humaine, en essayant de faire vivre sur scène l’absurdité macabre des argumentations qui la défendent, en déroulant à la façon d’Italo Calvino ou de Buzzatti la logique d’un raisonnement poussé dans

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ses derniers retranchements. Faire rire avec la peine de mort, il fallait oser.Avec la patience du tailleur de pierre D Wittorski et Charlotte Blanchard démontent cette logique devenue folle par une logique plus folle encore… et qui ressemble par tant d’aspects à celle développée à longueur d’onde par ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

Nous invitons maintenant chacune des 150 personnes présentes à ces rencontres (entre le samedi et le dimanche) à livrer ici leurs impressions, leurs réflexions, leurs réactions et… à poursuivre le chemin. Et tous les abonnés de Médiapart à joindre leurs réflexions aux nôtres. (voir, pour les thèmes abordés, la présentation de lajournée dans l’édition CAMédia)

* El camino se hace caminando Antonio Machado : Le chemin se fait en marchant.

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