Pour guérir, je ferai tout. Tout

Si je dois faire le poirier, sur une main, nue et badigeonnée d’oeufs de salamandre à rayures bleutées, dans une bassine emplie de serpents pustuleux et gluants, suçotant chacun une merguez macrobiotique préparée au Bhoutan à chaque nouvelle lune, pour guérir je le ferai
Si je dois recoller aux branches des arbres de tous les mondes, toutes les feuilles tombées, depuis que les arbres sont arbres, pour guérir je le ferai
Si je dois recoudre aux bouches béantes des lépreux de nouvelles lèvres virginales et douces, et les baiser, pour guérir je le ferai
Si je dois vendre mon père mort, prostituer ma mère, affamer et violenter mes frères, si je dois me vendre et me renier, pour guérir je le ferai
Si je dois manger tous les téléviseurs de la terre, avaler tous les instruments de musique, abattre les ultimes ruines de Palmyre, digérer tous les sucs de tous les dragons des Comores, bombarder un hôpital de médecins sans frontières, pour guérir je le ferai
Si je dois grimper des millions de kilomètres de barreaux de l’ échelle qui me conduira au trou noir dans l’espace sidéral où je décrocherai le passé pour le mettre à la place du futur, pour guérir je le ferai
Si je dois aller repêcher, un à un, tous les restes des réfugiés noyés en Méditerranée, leur inventer un nom, leur donner une sépulture, pleurer et danser sur chaque tas de terre, pour guérir je le ferai
Si je dois dire à ceux que j’aime que je ne les aime plus, leur dire qu’ils sont laids, moches et cons, et que je ne veux plus jamais les prendre dans mes bras, si je dois dire à mes petits enfants que je ne veux plus les aimer, pour guérir je le ferai
Si je dois ouvrir au couteau la poitrine d’un grizzli, l’en déloger et me nicher dans sa peau et ses intestins sanguinolents, pour guérir je le ferai
Si je dois collecter, un à un, tous les sacs plastiques qui souillent toutes les mers du monde, les empiler sur des mâts orangés pour construire des tours visibles de Pluton dans lesquelles nous pourrions loger tous les sans-abri de la terre, pour guérir je le ferai
Si je dois brûler tous les livres,pisser sur tous les ordinateurs, débrancher toutes les télés, saccager toutes les places boursières, lacérer tous les tableaux de Jérôme Bosch, pour guérir je le ferai
Si je dois couper, un à un, avec un sécateur d’or, tous les fils barbelés qui emprisonnent tous les coeurs de tous les humains embarbelés, si je dois allaiter tous les enfants malnutris de la terre, si je dois arrêter le temps, pour guérir je le ferai
Si je dois tisser de fils de tendresse d’une finesse jamais vue d’immenses radeaux plus légers que des billions de plumes pour sauver tous les dauphins et les baleines de la terre, pour guérir je le ferai
Si je dois kidnapper tous les crabologues du monde et les enfermer, sans leur donner à manger et à boire, sans les autoriser à dormir, dans un labo, jusqu’à ce qu’ils trouvent ce qui va me guérir, pour guérir je le ferai
Si je dois inventer des nuages et faire tomber des pluies inconnues, traduire tous les chants de tous les ruisseaux du monde, collecter toutes les graines de plantes, d’arbres et de fleurs, et faire fleurir les déserts, pour guérir je le ferai
Si je dois caresser et sucer les couilles de Dieu, de Mahomet, de Yahvé, indifféremment, séparément ou ensemble, pour guérir je le ferai
Si je dois  changer la trajectoire du vaisseau spatial qu’est notre planète, si je dois arrêter les crevasses de tous les tremblements de terre et retenir avant qu’ils ne s’effondrent tous les bâtiments, si je dois arrêter de mon corps et de ma voix toutes les laves de tous les volcans qui menacent, si je dois arrêter de mon corps et de mes mains toutes les explosions de bombes qui explosent, pour guérir je le ferai
Pour guérir, je ferai tout. Tout