Billet de blog 26 février 2015

la dame du bois-joli (avatar)

la dame du bois-joli

black viok

Abonné·e de Mediapart

Le crabe change de proie

la dame du bois-joli (avatar)

la dame du bois-joli

black viok

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est à croire que quand le crabe a été défait dans un corps, il cherche une autre maison pour ficher ses pattes agressives et y avancer en  … crabe. Une amie commence à son tour le rude combat pour la vie. Elle va perdre un sein. Que lui dire ? Je ne peux pas lui transmettre mon expérience passée. Chaque expérience est intransmissible. Les mots existent, certes, mais les exactes sensations et émotions ne se transmettent pas, même avec la plus profonde empathie et la plus généreuse compassion. J’ai promis d’être là à son réveil d’opération car elle a une peur panique d’avance. Je lui ai dit de trouver un sophrologue pour qu’elle se prépare à être au mieux, phase après phase. Déjà, que ce thérapeute puisse adoucir cette peur du réveil serait un grand mieux. Elle me demande «  est-ce que le chirurgien va reconstruire mon sein juste après l’avoir enlevé ? « . Je réponds qu’il décidera et qu’il est vraiment trop tôt pour en parler. Je lui dis qu’elle doit se faire accompagner par un ami bienveillant et attentif à la première consultation avec le chirurgien, pour que les bonnes questions soient posées, les unes après les autres, et les réponses notées dans un cahier spécial. Quand nous doutons, il est bon de relire ce qui a été dit. Les mots, dans ce contexte précis, ne mentent pas. Si nous perdons la mémoire ou l’espoir, à cause des blessures, des traitements, des angoisses, des médicaments qui abrutissent et détruisent, les mots, eux, techniques, rassurants, protocolaires, sont là, consultables à chaque instant. Le jour de l’annonce de son cancer, elle a voulu être seule et en silence. 

J’ai laissé en jachère mes propres mots. Depuis que je suis en rémission. Aussi ai-je décidé d’écrire de nouveau sur ma maladie passée et de rassembler mes textes dans une sorte de recueil que je publierai. Ce sera ma manière à moi d’accompagner et d’aider « mes » malades car hélas! il n’y a pas qu’un crabe qui galope en ce moment autour de moi, et qui colonise d’autres espaces de vie chez mes proches et chez mes pas-proches ( quoique que je me sente proche même de pas-proches car le cancer est l'ennemi à abattre ) . Les luttes de chacun me touchent toujours. Nous sommes frères et soeurs de crabe.

La lutte continue par corps interposé.

Le crabe, tu ne gagneras pas. Nous te bouterons hors de nos corps. Nous ne sommes pas tes proies. Compris ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.