On ne saurait trop remercier la rédaction du Magazine littéraire d'avoir cnsacré son dernier dossier à l'écrivain austrichien, Stefan Zweig (1882-1942). Ce qui a retenu mon attention, ce sont évidemment les extraits de la conférence prononcée par Zweig à Florence en 1932 dont le titre est : La pensée européenne dans son développement historique.
L'Europe, une communauté passionnée
Le sujet de cette conférence est celui de l'unité de l'Europe, envisagée comme une "communauté passionnée", selon les propres mots de Zweig. Le développement de cette unité prend son essor, selon un schéma désormais traditionnel, avec la structuration de l'Empire romain. Ici, Zweig affirme que la domination des Romains s'entend comme "[...] domination non comme but en soit, mais comme organisation intelligente du monde [...]". Le droit romain est évidemment l'incarnation et le moyen de cette domination.
L'époque féodale, qui suit la chute de l'Empire romain, n'entame en rien la conviction supérieure d'une unité possible de l'Europe. C'est, d'après Zweig, l'église catholique et romaine qui reprend le flambeau de cette idée d'unité.
Troisième temps de ce développement historique, l'époque de la Renaissance, qui voit la constitution d'une République des savants, qui s'expriment en latin, malgré l'effervescence des jeunes langues vernaculaires nationales. Cette idée d'unité européenne vit un moment douloureux, du fait, notamment, des guerres de religion.
Pour Zweig, cette idée d'unité va ressurgir avec un grand poète : Goethe. Entre-temps, la Révolution française et les guerres napoléoniennes auront semé la discorde parmi les peuples européens, partagés en nations. Goethe donc, pour qui le monde allemand était bien trop petit, pour qui seule la dimension européenne était à la mesure de son génie.
Et puis, la denière partie du XIXè siècle a vu surgir cette idée d' "Etats-Unis d'Europe", formule qui fait écho aux plaidoyers pour une Europe unie du poète belge Emile Verhaeren (1855-1916). On voit combien cette expression est la résultante d'une volonté de ne pas abdiquer la prépondérance mondiale aux Etats-Unis, au moment où ceux-ci s'affirment pleinement sur la scène internationale -leur victiore face à l'Espagne à Cuba en 1898 est un signe avant-coureur de leur puissance assumée après 1917.
Il faut relire Zweig, non pas simplement pour la finesse de son analyse, mais aussi et surtout pour sa résolution à faire advenir cette Europe unie. Je termine par une courte citation tirée de ce texte :
"[...] une vraie conviction n'a pas besoin d'être confirmée par la réalité pour se savoir juste et vraie."