
Marseille vient d'être cloué au pilori médiatique pour « son » insécurité... La Cinq l'a prise pour cible dans le « C'dans l'air » du 30 août dernier. Le journaliste de Nice Matin, José d'Arrigo, présenté par Yves Calvi comme « le spécialiste des affaires criminelles marseillaises »... rien que ça ! a dressé contre la métropole phocéenne un impitoyable réquisitoire, digne du plus féroce avocat général, en exigeant des plus hautes autorités de notre pays un « plan Marshall » ! Ni plus ni moins ! Pour "Marseille-Provence 2013, capitale culturelle européenne", le pari de 10 millions de visiteurs est loin d'être gagné ! Sans nier les problèmes qui se posent à leur ville, la deuxième de France pour le nombre d'habitants, beaucoup de Marseillais se sentent ostracisés par les articles et commentaires des « grands » de la presse nationale et des médias. Non sans raison, semble-t-il.
Vous avez dit : « insécurité à Marseille » ? Qui en est responsable... ? « C'est l'État !», répond Jean-Claude Gaudin, le maire actuel. Selon lui, « les besoins en matière de sécurité de la deuxième ville de France doivent impérativement être pris en compte par l'Etat » (Le Figaro, 4 mai 2011). Il enfonce le clou : «Si l'Etat fait des efforts sur les effectifs, la ville en fera » (La Provence, 18 août 2011).
Même Martine Aubry, la candidate à l'investiture du PS (Parti Socialiste), s'est mise de la partie. Fine politicienne, elle a rendu de manière opportune une visite inopinée à Samia Gahli, maire des 15e et16e arrondissements, le 29 août dernier. Pour parler sécurité et contester le bilan de Nicolas Sarkozy en la matière... le jour même de l'intronisation du nouveau préfet de police de Marseille par le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Une intronisation en grandes pompes, suite à l'éviction en « grandes pompes », mais on ne parle pas des mêmes, de son prédécesseur !
Marseille n'est pas la championne de l'insécurité...
Sans nier les problèmes de sécurité inhérents à beaucoup de villes, et pas seulement en France... qu'on songe aux grandes villes anglaises... en feu ! la vision d'une métropole phocéenne « interlope, dangereuse, où l'on défouraille à toute heure, à chaque coin de rue », est quand même très éloignée de la réalité ! Sauf quand on y tourne des scènes pour le cinéma ou la télé... Rapportée par la presse ou les médias, cette violence spectaculaire n'est certainement pas la réalité vécue par les habitants de Marseille ! Cela se passe bien pour les 2 millions de visiteurs accueillis sur les plages de la ville et les 844 000 passagers arrivant par la mer, dont 700 000 croisiéristes* ! Les touristes, eux, ne sont pas du tout mécontents de Marseille !
« On prend notre ville comme bouc émissaire »
La métropole phocéenne n'a pas l'exclusivité des actes crapuleux, loin de là ! Comme le montre une enquête qui concerne « 400 agglomérations de 20 000 habitants et plus » ( Le Figaro classement 2008 pdf). Elle n'occupe pas la tête de ce classement... 12 villes françaises la précèdent ! Elle ne sera pas en tête du classement 2011, on ne prend pas un gros risque à le parier !
Pour l'opposition, c'est toute la France qui est malade sous la présidence de Nicolas Sarkozy, sinon de sa présidence ! Malade, pas seulement « des carences de l'État » mais « malade de la corruption et des trafics en tous genres, des carambolages de toute nature », pour paraphraser le journaliste José d'Arrigo du quotidien régional Nice-Matin.
Les touristes, eux, apprécient ce grand port méditerranéen, la gentillesse et le dévouement de ses commerçants et habitants. Ils le disent et l'écrivent. La preuve dans le quartier du Panier, son cœur historique.
Quartier du Panier : le temps suspendu

Zohra et Nordine sont les patrons d'une boulangerie, pâtisserie... et « pizzeria », « Les Délices de l'Évêché », dans le quartier du Panier, centre historique de l'antique métropole phocéenne.
C'est un quartier populaire, un peu bobo et cosmopolite. Depuis 2 600 ans, des vagues d'émigrants battent et rebattent cette fière butte qui domine le Vieux Port. Marseille, fondée il y a 2 600 ans, est la doyenne des villes françaises . Ici, habitent un peu plus de 5 000 habitants, originaires de toute la Méditerranée (Corses, Arméniens, Italiens, Espagnols, Maghrébins...), mais aussi du Vietnam, des Antilles et des lointaines Comores, et même... de Paris (« effet TGV! »), du Nord de la France, de l'Europe... On voit même aujourd'hui apparaître quelques Chinois, mondialisation oblige ! Quand on est né au Panier, on fréquente son école primaire, on fonde sa personnalité dans son creuset, et on se sent particulièrement Marseillais, et fier d'être Français, sans renier l'origine de ses parents, plus ici que dans n'importe quel autre quartier !

Zohra et Nordine travaillent durement à l'enseigne des « Délices de l'Évêché », numéro 31 de la rue... de l'Évêché, à deux pas de l'hôtel de police (dit « l'Évêché », car installé dans un ancien palais épiscopal... et puis on y continue les confessions !) À proximité, on trouve la boutique « Plus Belle la Vie » et des lieux de tournage en extérieur du feuilleton mythique. Le quartier du Panier a gardé son cachet et attire les producteurs et réalisateurs de cinéma et téléfilms . C'est un quartier emblématique et populaire, typique du vieux Marseille, comme si le temps avait suspendu son vol, marqué par la bonhommie des habitants et leur parler fort, quelques fois crû, souvent théâtral. Ici, on célèbre les Catherinettes, on promène Saint-Jacques et la vierge noire dans les rues du « village », on allume à la Saint Jean un grand feu dans la cour des Accoules, on fait la fête au pied d'un Christ paré d'un « tutu rose fluo », qui surprend et ravit les touristes. Durant trois jours, au seuil de l'été, la fête du Panier accueille pas moins de 50 000 visiteurs pour un programme très festif, concocté par l'équipe de Maurice Vinçon, le directeur du théâtre de Lenche.
Au début des années 90, la tradition y a retrouvé droit de cité grâce à l'action conjuguée de Lisette Narducci, maire des 2/3, et du jovial « Père Alain » Ottonello. L'alliance du charme et du goupillon, en quelque sorte !

Zohra : « Beaucoup de touristes ont découvert autre chose en venant habiter ici... Ils veulent faire changer la mentalité de leur pays sur notre ville... »
Certains touristes, poussés par l'esprit d'aventure, déambulent dans le dédale des vieilles rues, partent à la découverte des « nice shops » (boutiques d'artisans céramistes et galeries d'Art). Quelques uns font plus qu'une halte. Ils choisissent d'y résider pour leurs vacances.
Pour Zohra et « Nordine », pas de vacances ! Eux, ne chôment pas. Ils ne profitent pas de la saison estivale pour se reposer et se rafraîchir avec leur quatre enfants au bord de l'eau, dans les calanques où sur une de ces plages , accueillantes, qui s'étendent de Corbières à la Pointe Rouge. Des plages bien équipées, avec de nombreuses animations... et surveillées toutes la journée pour une « sécurité maximale ».
Cette année encore, pour satisfaire leur clientèle, Zohra et « Nono » sont restés près des fours et, en cette année 2011, le mois d'août a coïncidé avec le Ramadan... Durant la journée, « les délices de l'Évêché » ont surtout été appréciés par les touristes, comme on s'en doute !
Les visiteurs ne sont pas prêts d'oublier leur accueil, leur gentillesse et leur faconde. Aujourd'hui, ce sympathique couple reçoit des cartes postales du monde entier et leur commerce affiche, comme beaucoup d'autres ici, des demandes de location. Preuve aussi que la vision de Marseille affichée par les médias ne correspond pas à la réalité et, comme dit Zohra : « Beaucoup de touristes ont découvert tout autre chose en venant habiter ici... Ils veulent, en rentrant chez eux, faire changer la mentalité de leur pays sur notre ville... » (vidéo)
Oui ! Marseille reste une ville balnéaire et touristique, agréable à vivre. Dans cette grande ville méditerranéenne, l'hospitalité n'a jamais été un vain mot. À Marseille, le soleil chante encore dans le cœur des habitants. Ils veulent en faire partager l'accent au monde entier ! Philippe LEGER
