Billet de blog 1 décembre 2014

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

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Les 343..."salopes"??

Lorsque le Nouvel Observateur publia, le 5 avril 1971, – bien en amont du vif débat qui allait secouer les bancs de l’assemblée nationale en mai 1974, lors de la discussion de ce que l’on appelle désormais la loi Veil, promulguée le 17 janvier 1975 – une liste de 343 femmes courageuses qui décidèrent d’affirmer que, en toute illégalité à l’époque, elles avaient avorté ; Charlie Hebdo, la semaine suivante, le 12 avril 1971 fit une « une » particulièrement provocatrice, qui n’avait d’autre but alors que de dénoncer les propos et les agissements rétrogrades et machistes d’une grande majorité de parlementaires de droite.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lorsque le Nouvel Observateur publia, le 5 avril 1971, – bien en amont du vif débat qui allait secouer les bancs de l’assemblée nationale en mai 1974, lors de la discussion de ce que l’on appelle désormais la loi Veil, promulguée le 17 janvier 1975 – une liste de 343 femmes courageuses qui décidèrent d’affirmer que, en toute illégalité à l’époque, elles avaient avorté ; Charlie Hebdo, la semaine suivante, le 12 avril 1971 fit une « une » particulièrement provocatrice, qui n’avait d’autre but alors que de dénoncer les propos et les agissements rétrogrades et machistes d’une grande majorité de parlementaires de droite. Parmi ceux-ci il y eut, notamment, la liste n’étant pas hélas exhaustive, feu le maire de Tours, le tristement célèbre Jean Royer et feu Michel Debré, que l’on ne présente plus et qui était caricaturé sur cette « une ». Il s’agissait de montrer du doigt le caractère hypocrite des interventions de plusieurs députés conservateurs, présentés comme d’aimables et bons pères de famille et qui, selon la rumeur publique, cherchaient, en coulisses, où faire avorter leurs nombreuses et encombrantes maîtresses.

Illustration 1
La "une" du 12 avril 1971 © Hara-Kiri Hebdo

Donc, l’expression « les 343 salopes » doit être impérativement re-située dans le contexte de l’époque. Le problème aujourd’hui, fort fâcheux au demeurant, est que la dite expression a été banalisée sans explication et sans référence au contexte historique et à la volonté sous-jacente de la rédaction de Charlie Hebdo. Or, la semaine dernière, mardi 25 novembre, Marisol Touraine, ministre de la santé, était invitée sur France 2 à un débat consécutif à la diffusion d’un téléfilm consacré au débat parlementaire inhérent à la loi qui légaliserait l’interruption volontaire de grossesse, dans lequel Emmanuelle Devos interprétait brillamment une convaincante Simone Veil. Et, sans aucune distance, ni précaution oratoire, ni explication historique, la dite ministre, qui, jusqu’à preuve du contraire, est une femme, censée représenter les femmes et leur lutte pour la liberté, et qui, jusqu’à preuve du contraire également, occupe le poste qu’occupait avec noblesse et courage Simone Veil en mai 1974, a cru bon, à trois reprises pendant ce débat, d’utiliser et, donc, de banaliser l’expression « les 343 salopes », ce qui est proprement consternant. 

Si, d’aventure Marisol Touraine dispose d’un service de communication, peut-être pourrait-il lui suggérer de ne plus apporter d’eau au moulin des ultra-réactionnaires, des descendants de Vichy, bref des fascistes, et d’utiliser désormais le terme de « pionnières » pour faire référence et rendre hommage à ces 343 femmes qui ont eu le grand courage de sortir de l’anonymat, d’affronter l’opprobre d’une société machiste et fermée et d’aider de nombreuses femmes dans le désarroi et la difficulté pour qu’une bonne fois pour toutes ce soit les femmes qui aient le droit de disposer de leur corps. Les 343 pionnières dont les noms apparaissent sur le lien suivant resteront dans l’histoire, pour Marisol Touraine, c’est beaucoup moins sûr.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.