La triste et lamentable pantalonnade mise en scène par le secrétaire général de l’Elysée, Jean-Pierre Jouyet*, a donné l’occasion aux parlementaires de droite de feindre, à l’envi, l’indignation, toujours aussi sélective **, et de demander que l’intéressé démissionne ou que le président de la République le limoge. Limoger appartient, à l’origine, au vocabulaire militaire, et est synonyme de disgracier, destituer. Ce verbe a pris le sens de congédier, mettre à la porte dans la langue contemporaine écrite et parlée. Il s’agit d’un authentique éponyme, terme puissamment galvaudé de nos jours et qui désigne tout simplement un nom propre devenu nom commun (limogeage en l'occurrence) et rien d’autre.
Car le verbe limoger vient de Limoges, chef-lieu et préfecture de la Haute-Vienne, qui peut redorer, par ailleurs, son blason avec la porcelaine du même nom. En effet limoger n’est pas nécessairement très laudatif, car son usage (ce qui est confirmé par le TILF, le Grand Robert et le Bloch et Wartburg) provient du début de la première guerre mondiale, période pendant laquelle le général Joffre (qui ne deviendra maréchal qu’en 1916) avait pris l’habitude de relever de leur commandement les officiers supérieurs jugés faibles, insuffisants, apathiques ou inaptes — l’armée française ayant toujours offert un large choix dans ce domaine — et de les envoyer, à titre de sanction, dans une ville éloignée du front, Limoges, ville de garnison, à l’époque siège de la douzième région militaire, qui comptait notamment deux importants régiments d’infanterie.
Mais ce que l’on sait moins est que cet exil intérieur n’était guère du goût de l’état-major de Limoges qui redoutait que la réputation de la ville en pâtît. Et donc les limogés étaient ré-affectés aussitôt dans le 100ème régiment d’infanterie de Narbonne, qui, en raison de son soutien à la révolte des vignerons du Languedoc, en 1907, avait été déplacé, par décision disciplinaire, jusqu’à l'actuelle préfecture de Corrèze, plus connue depuis 2012, plus précisément…Tulle.
* On rappellera que JP Jouyet a été ministre de Sarkozy, avant de devenir l’actuel secrétaire général de l’Elysée, et que, comme l’a rappelé le journal Le Monde, il compte, dans les ascendants de sa belle-famille, un certain Pierre Taittinger, député en 1919, bonapartiste et fondateur du parti d’extrême-droite Les jeunesses patriotes, qui, avec les Croix de feu et l’Action Française, ont tenté de renverser la République en février 1934.
** On n’a pas vraiment le souvenir que le comportement du couple Balkany , entre autres, ait engendré la même indignation.