Billet de blog 15 janvier 2014

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

« Véhicule de courtoisie »

Voilà un étrange attelage, un complément de nom totalement impropre qui continue, parfois, de fleurir sur les voitures que garagistes ou carrossiers mettent gratuitement à la disposition des usagers qui en sont privés. Il ne saurait y avoir de « véhicule de courtoisie », ce qui n’a strictement aucun sens.

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Voilà un étrange attelage, un complément de nom totalement impropre qui continue, parfois, de fleurir sur les voitures que garagistes ou carrossiers mettent gratuitement à la disposition des usagers qui en sont privés. Il ne saurait y avoir de « véhicule de courtoisie », ce qui n’a strictement aucun sens. Car, dans la langue française, le complément déterminatif du nom, plus simplement appelé complément de nom, indique des rapports variés entre le nom et son complément.

Il y a la possession (la crinière du lion), l’espèce (un cor de chasse), la matière (une statuette de bronze), la destination ou le but (une salle de spectacle), la quantité, la mesure, la valeur (un trajet de deux kilomètres), l’origine (un jambon de Bayonne), la qualité, la manière d’être (une femme d’esprit), le lieu (un banc de jardin), le temps (l’homme d’aujourd’hui), l’instrument, le moyen, la cause (un coup de bâton), l’auteur (les romans de Graham Swift), le contenu (une bouteille de whisky) et le tout, l’ensemble dont le nom cité désigne une partie (les pieds de table). Mais le « véhicule de courtoisie » ne répond à aucun de ces critères.

Du reste que ferait-on dans et avec un « véhicule de courtoisie » ? Y pratiquerait-on la courtoisie à l’intérieur ? Sans doute de préférence sur la banquette arrière ? A partir de ce véhicule participerait-on à propager la notion de courtoisie parmi les individus rencontrés, comme le font le « train de l’étudiant » ou le « train de l’emploi », qui, contrairement au train de marchandises, ne transporte ni étudiant ni emploi? Il semblerait urgent que les deux catégories susmentionnées se débarrassent définitivement de cette incongruité et optent pour une formule plus sobre, que certains ont déjà adoptée, telle que « véhicule prêté », courtoisement à la rigueur. Cependant il convient de rester vigilant, ne voit-on pas en effet, de temps à autre, passer des « véhicules prêtés gratuitement », pléonasme qui indique que, dans le cas contraire, ils seraient loués…

* Grévisse. M, Le Bon Usage, Hatier, Paris : 1964.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.