Billet de blog 25 septembre 2014

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Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

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La violence du langage de M. Bismuth

Le langage est généralement révélateur de la pensée d’un individu et de son comportement. Et l’on sait par ailleurs que les informations et les échos qui paraissent chaque semaine en page 2  du Canard Enchaîné n’ont jamais été démenties et s’appuient, en règle générale, sur des bases solides.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le langage est généralement révélateur de la pensée d’un individu et de son comportement. Et l’on sait par ailleurs que les informations et les échos qui paraissent chaque semaine en page 2  du Canard Enchaîné n’ont jamais été démenties et s’appuient, en règle générale, sur des bases solides. Or dans le numéro du mercredi 24 septembre, l’écho, qui est au sommet de la page 2 et qui est intitulé La guéguerre des droites aura bien lieu, nous apprend que le 3 septembre une rencontre entre Sarkozy et Juppé aurait eu lieu. Plus que le contenu c’est le langage utilisé par le premier nommé qui est proprement effarant.

Pour justifier son retour, l’idole de Morano aurait dit à son interlocuteur du jour : «  Je reviens parce que j’en ai marre d’être une cible. Ils veulent tous m’abattre, les juges, la gauche, les journalistes. Et il n’y a personne pour me défendre. Alors je le fais à ma façon. » Au-delà de la haute idée que le petit « dieulinquant » de la secte du retour espéré se fait de la justice, on appréciera le « je le fais à ma façon », expression hautement révélatrice et aveu de flagrant délit d’irrespect de la loi qui vaut son pesant de cancoillotte, comme on dit en Franche-Comté, ou de cacahuètes plus au sud. La suite est pire encore car elle montre une façon de s’exprimer qui n’aurait pas déplu à Al Capone et qui pourrait rendre Tapie jaloux.

En effet, fâché de constater que Juppé n’entend absolument pas abandonner l’idée d’une primaire, Sarkozy, de façon très condescendante, aurait lancé au maire de Bordeaux, en évoquant cette même primaire : « Je vais te tuer », menace qui a laissé Juppé de marbre, puisqu’il aurait répondu : « Tu sais où me trouver ». S’il est rassurant de constater qu’il y a au moins une personne à droite qui ne se laisse pas impressionner par le grand conférencier à 100.000 dollars la conférence-bidon, c’est une fois encore l’extrême violence du langage utilisé qui ne manque pas d’interroger sur l’équilibre mental du personnage en question. Certes cette expression, « je vais te tuer » peut se banaliser comme un excès verbal qui, dans un cadre familier, ne constitue pas une menace ni une promesse de passage à l’acte, auquel cas il s’agit d’un choix emphatique proche de la synecdoque. Un exemple figure dans l’excellent film que Sidney Lumet a réalisé en 1957, Twelve Angry Men.

 Le personnage principal, interprété par le magistral Henry Fonda, conteste la validité du témoignage d’un voisin de l’accusé qui aurait entendu le jeune portoricain hurler à son père, la victime donc, au cours d’une dispute : I’ll kill you. Or, au cours du débat animé auquel se livrent les douze jurés, le personnage râleur et révolté — qui a, en vérité, un problème avec son fils, du même âge que l’accusé — superbement joué par Lee J. Cobb, à bout d’arguments, lance à Henry Fonda, qui le traite de sadique qui se moque du sort de l’accusé : I’ll kill you. Ce à quoi Fonda répond : you don’t really mean you’ll kill me, do you?  Mais là, nous sommes dans le langage cinématographique d’un chef-d’œuvre, pas dans celui de la délinquance verbale… (sur la vidéo à la 59ème minute) :

© FMU DIREITO

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