Billet de blog 26 janvier 2015

Jean-Louis Legalery (avatar)

Jean-Louis Legalery

professeur agrégé et docteur en anglais retraité.

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Bon match !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est la brève exclamation banale que joueurs, arbitres et entraîneurs du championnat de France de football de Ligue 1 ont pris l’habitude d’échanger avant chaque rencontre, depuis quelques années maintenant. C’est une étrange incantation qui relève à la fois de la pragmatique et de la sémantique. De la pragmatique tout d’abord puisqu’une telle formulation relève de l’acte de langage performatif, tel qu’il a été défini par l’un des « pères » de la pragmatique, J.L. Austin How To Do Things, pp-4, 5 &6, à partir d’un exemple désormais célèbre du baptême d’un navire par sa gracieuse majesté I name this ship the Queen Elizabeth . Il est bien évident que, si le locuteur n’est pas le souverain mentionné précédemment auquel cas l’autorité du personnage valide l’affirmation, l’assertion n’a strictement aucune valeur. 

Donc, en l’occurrence, pour ce qui concerne les arbitres et les joueurs, nous pouvons considérer que la déclaration est validée, puisqu’ils sont acteurs directs de l’évènement à venir, bien que de nombreux autres paramètres entrent en ligne de compte, tels que la forme physique des individus concernés ainsi que les conditions atmosphériques entre autres, et peuvent fragiliser l’exclamation. En revanche pour les entraîneurs la validation est plus fragile, et leur souhait se rapproche davantage d’un autre exemple de J.L. Austin I bet you six pence that it will rain tomorrow, je te parie six pence qu’il va pleuvoir demain — on ne glosera pas sur le caractère subjectif du lieu où est lancée la phrase, étant entendu que le pari en question a plus de chance d’être validé en Normandie qu’en Camargue et en automne plutôt qu’en été —, mais la validation de cet acte de langage atteint un niveau de forte improbabilité, si elle est échangée entre deux ou plusieurs supporters, ce qui, étonnamment, semble une tendance en développement. Tendance qu’il convient de ranger au rayon des vœux pieux qui n’ont aucune influence sur la réalité,  dans le même registre que bonne année, ou le désopilant à vos souhaits — formulation sur l’absurdité de laquelle Guy Bedos s’était penché autrefois dans un sketch en suggérant de dire plutôt, lorsque quelqu’un éternue, à vos marques! —, ou bien encore le charabiesque et insensé bonne continuation.

De la sémantique également, puisque cette exclamation relève du franglais. L’équivalent sémantique possible en anglais ne saurait être good match, qui signifie bonne association, bon assortiment. La logique voudrait donc que l’on dise Good game!, mais en Premier League et dans les divisions inférieures, on ne souhaite rien avant et on se serre la main après, plus logique et moins hypocrite.

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