Billet de blog 16 février 2016

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Catherine Chabrun

Pédagogue, écologiste et militante des droits de l'enfant -

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Inégalités partout et tout le temps !

Lorsqu'on lit la presse, qu'on écoute la radio, qu'on regarde la télévision... l'état des écoles en 2016 – que ce soit les locaux, le matériel, la surcharge des classes, les fermetures de classe, le manque d'enseignants, de remplaçants... – est toujours fortement inégalitaire selon les départements, les communes, les quartiers.

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La Seine-Saint-Denis et Marseille ont fait les grands titres, mais il y a tout ce qu'on ne médiatise pas et qui pèse sur la vie quotidienne des écoles et les apprentissages des élèves. Certains ont tout et d'autres presque rien. Et quand on cumule misère scolaire, misère sociale... la fameuse « Egalité des chances » en prend un sérieux coup ! Une prise de conscience de tous les acteurs éducatifs d'un territoire pour résister et lutter est nécessaire. Mais il faudrait simultanément un grand projet politique national, pas n'importe lequel, un projet qui vise une éducation émancipatrice et ambitieuse, l'excellence pour tous... pas seulement pour l'élite et les méritants.
Cette éducation existe, elle est présente dans des classes des établissements publics, mais si peu puisque la pédagogie qui vise cette émancipation n'entre toujours pas dans les ESPÉ (Écoles supérieures du professorat et de l'éducation).
En mars 1935, Célestin Freinet lance un appel à vigilance des parents et à soutien des pratiques de libération scolaire, il résonne encore en 2016 : 

Surveillez avant tout la santé et la vie de vos enfants, car d’elles dépendent, quelles que soient par ailleurs les circonstances accessoires, les progrès intellectuels, moraux et scolaires dont vous vous préoccupez à juste titres.
Nous disons bien santé et vie pour attirer votre attention sur une conception erronée et souvent courante de la santé. […] La santé est une harmonie à la conquête difficile ; elle est en danger toutes les fois que vous constatez en vos enfants une altération de ses grandes fonctions vitales, qu’elles soient diminution ou atténuation de ses réactions, ou, au contraire, excitation et déséquilibre.
L’École s’en soucie fort peu, direz-vous.
– Exigez de l’air, de la lumière, de la propreté en classe ; faites désaffecter les vieux locaux sombres et exigus ; exigez la construction d’écoles spacieuses et claires.
– Protestez contre le surmenage des éducateurs débordés par une surcharge scandaleuse des classes ; protestez contre les habitudes d’une administration qui parque les enfants pendant six heures par jour, entre des bancs incommodes, véritables instruments de torture ; soutenez les tentatives de libération scolaire dont nous nous vous parlerons.
– A vos enfants exténués par les efforts scolaires, donnez au moins, en dehors des heures obligatoires de travail passif, la possibilité de s’épanouir selon leurs lignes de vie. Six heures par jour – si elles étaient rationnellement employées – seraient largement suffisantes pour les acquisitions indispensables.
Quoi qu’il en soit, pour la besogne de bourrage actuellement poursuivie, les heures de classes suffisent amplement.
Élevez-vous donc contre la pratique barbare des devoirs à la maison, et exigez l’organisation collective et sociale des jeux et du travail libre enfantins hors l’école.
– N’oubliez pas, enfin, qu’il n’y a pas de pire handicap pour des enfants que la misère physiologique. En réclamant pour vos salaires, en luttant pour le travail et le pain, vous luttez pour une meilleure éducation de vos enfants ; car un régime qui attente aussi gravement que le régime actuel à votre niveau de vie, atteint encore plus profondément vos enfants dans leurs possibilités éducatives, quelles que soient les apparentes sollicitudes, foncièrement hypocrites, par lesquelles on tente de masquer ce crime social.

Ne séparez donc pas, dans votre lutte quotidienne, des revendications qui sont aussi intimement liées : il n’y a pas d’un côté votre vie à vous, votre travail exténuant, votre asservissement et votre misère, et de l’autre la possibilité pour vos enfants de profiter de l’école capitaliste pour s’émanciper et secouer le joug de l’exploitation.
Ces deux questions sont intimement, matériellement liées : votre misère, c’est la misère de vos enfants, leur défiance scolaire, leur impuissance devant la vie, un anneau seulement de la chaîne qui vous rive à vos maîtres.
Le problème scolaire est avant tout un problème social et un problème politique : chacune de vos victoires sociales, syndicales ou politiques est une victoire pour l’école ; chacune de vos défaites est une accentuation des difficultés de libération scolaire ; le fascisme, qui serait votre défaite totale, marquerait comme en Italie et en Allemagne, une régression pédagogique incroyable; votre victoire seule ouvrira à l’école des horizons insoupçonnés [...].


C’est à dessein que le capitalisme s’est obstiné à isoler l’école de la vie et de la lutte ouvrière. Nous venons de vous démontrer l’interdépendance intime de l’une et de l’autre. Problème capital, croyez-le bien, auprès duquel les questions de méthode, de morale ou de faux idéal que le capitalisme place hypocritement au premier plan, ne sont que des accessoires, des moyens pour le grand œuvre qui ne saurait s’accomplir hors de son élément essentiel et vivifiant.
Non pas que nous sous-estimions l’importance de ces moyens. Encore une fois nous avons voulu rétablir d’abord une hiérarchie afin que les fumées, de l’esprit qu’on agite romantiquement devant vos yeux ne vous empêchent point de voir se lever à l’horizon le grand soleil libérateur.

L'Éducateur prolétairen, 10 mars 1935

 

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