On entend beaucoup parler, ces derniers temps, du RIC constituant, ce référendum d’initiative citoyenne qui permettrait aux Français de réécrire eux-mêmes leur Constitution.
C’est une belle idée.
Mais c’est une idée dangereuse si elle est seule.
Changer les règles ne suffit pas
Le mouvement Solution Démocratique avance avec un message séduisant : “changer les règles du jeu politique”.
Leur constat est juste : notre démocratie représentative est grippée, les institutions sont confisquées par des minorités, et le citoyen n’a plus de prise réelle sur les décisions collectives.
Mais leur solution, centrée uniquement sur le RIC constituant, est réductrice.
Car les règles ne font pas le jeu : ce sont les joueurs et la culture qui le rendent juste ou non.
Un outil démocratique, livré à une société déchirée, passionnelle et désinformée, devient un instrument de chaos plutôt qu’un levier d’émancipation.
Comme l’écrivait Simone Weil, « la passion collective est une ivresse qui rend aveugle ».
Or, la France d’aujourd’hui est en plein dans cette ivresse.
Introduire le RIC dans cet état, sans préparation culturelle, éducative et institutionnelle, reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore.
Le RIC ne doit pas être seul : il faut un écosystème démocratique
Pour qu’un RIC constituant fonctionne, il faut un environnement complet — une véritable écologie démocratique.
C’est ce que nous devons construire avant de changer les règles du sommet.
Cet environnement repose sur plusieurs piliers :
1. Les SCIC interconnectées
Les Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif, quand elles sont interconnectées entre territoires et secteurs, permettent de redistribuer le pouvoir économique tout en le maintenant à échelle humaine.
Elles constituent le socle d’une démocratie économique, sans laquelle la démocratie politique reste une illusion.
Ces SCIC pourraient devenir le réseau vivant du nouveau modèle français, liant entreprises locales, citoyens, collectivités et État dans une gouvernance partagée et agile.
2. Le projet GRACE
(Gestion Rapide Agile des Citoyens & de l'État)
GRACE, c’est l’idée d’un État agile, capable de coordonner rapidement l’action publique et citoyenne.
Ce projet vise à créer une interface de coopération entre institutions, associations, entreprises coopératives et citoyens, pour que la décision publique soit fluide, traçable et partagée.
C’est une refondation de la gouvernance, à la fois technologique, politique et humaine.
3. Une éducation civique continue
Aucune démocratie ne tient sans citoyens formés.
Avant de donner le pouvoir de réécrire la Constitution, il faut réapprendre à délibérer, à écouter, à comprendre les enjeux collectifs.
Une Académie civique permanente, ancrée dans les territoires, pourrait assurer cette montée en compétence citoyenne, par la pédagogie, le débat et la culture politique.
4. Un maillage d’espaces citoyens locaux
Des Assemblées locales, reliées entre elles et aux SCIC, formeraient la base du pouvoir constituant.
C’est là que le peuple apprendrait à s’organiser, à co-écrire des propositions, à relier le local au national.
Pas un populisme spontané, mais une intelligence collective en réseau.
Derrière la neutralité apparente, une candidature déjà dessinée
Les porte-paroles de Solution Démocratique affirment ne pas vouloir, pour l’instant, désigner de candidate ou de candidat.
Mais chacun sait que le nom de Clara Egger, déjà en lice en 2022 sous la bannière Espoir RIC, circule en coulisse.
Le mouvement se construit donc autour d’une stratégie de visibilité différée, comme si retarder l’annonce pouvait masquer le fait que l’ensemble repose, une fois encore, sur une figure unique.
Ce flou n’est pas anodin : il entretient le mythe d’un mouvement collectif, alors qu’il s’agit en réalité d’une candidature personnelle appuyée sur un seul outil.
Or, c’est précisément ce que le RIC devrait dépasser :
le culte du chef, la personnalisation de la politique, la verticalité masquée sous un discours horizontal.
Une candidature commune, pas un visage unique
Ce qu’il faut pour 2027, ce n’est pas une nouvelle figure providentielle, mais une candidature commune, portée par un gouvernement complet.
Un collectif composé de femmes et d’hommes compétents dans leurs domaines — économie, écologie, justice, numérique, éducation, territoires — capables d’incarner ensemble le passage à une nouvelle République.
Un gouvernement d’équipes et de projets, pas d’égo.
Une gouvernance d’articulation, pas de captation.
C’est ce type de dynamique que nous essayons de construire à travers les SCIC interconnectées, le projet GRACE, les espaces citoyens, et une culture civique partagée.
Non pas un slogan, mais un système vivant, capable de refonder à la fois l’économie, la gouvernance et la citoyenneté.
Pour une refondation structurée, pas impulsive
Le RIC constituant ne doit pas être rejeté, mais intégré dans une vision d’ensemble.
Il peut devenir un outil d’émancipation si et seulement si :
- il est précédé d’une montée en compétence citoyenne,
- il s’appuie sur des structures coopératives solides,
- il s’inscrit dans une stratégie d’État agile et interconnecté,
- et il s’incarne dans une gouvernance d’équipe, non dans un culte du chef.
Changer les règles du jeu, oui —
mais d’abord, changer la manière de jouer.
Et pour cela, il faut un projet global, pas un acronyme.