Alors que le ministre annonce des pistes de travail pour faire évoluer les rythmes scolaires, Hubert Montagner livrait, il y a deux semaines, le résultat d'une vie de recherche sur les rythmes des enfants à tous les lodévois et héraultais désireux de mettre l'enfant au centre des préoccupations de l'école. Des recherches connues bien avant 2008 et les réformes de Xavier Darcos...
* * *
La deuxième conférence sur les rythmes de l'enfant organisée à Lodève a connu un vrai succès. Il faut dire que le conférencier, Hubert Montagner, est un spécialiste reconnu des rythmes de l'enfant.
Si la première conférence avait posé les problèmes, notamment celui de la semaine des quatre jours, pour Hubert Montagner, « le problème n'est pas tant celui de la semaine que celui de la journée. »
Une journée beaucoup trop chargée, selon lui, pour nos chers bambins, et des temps d'apprentissage pas toujours programmés aux meilleurs moments.
« L'important n'est pas la quantité de temps passée en apprentissage, mais la capacité de concentration et la vigilance des enfants. »
Ainsi, la journée des minots comprendrait deux temps forts (dont la durée croît avec l'âge) et trois temps faibles.
« En CP, et même en CE, avant 9 h/9 h 30 les enfants ne sont pas bien réveillés. Il faut rassembler le temps pédagogique entre 9 h 30 et 11 h 30/12 h. En CM1-CM2, on peut travailler de 9 h à midi. Et l'après-midi, pas avant 15 h pour les CP, de 14 h 30 à 16 h/16 h 30 pour les CE, et un peu plus pour les CM. Si on se fondait sur les capacités de l'enfant, poursuivait le conférencier, on ne ferait pas travailler les CP plus de deux heures le matin, et une heure trente l'après-midi. Et au total, pas plus de quatre heures trente pour tous les enfants du primaire. La société française maltraite ses enfants, car l'école les maltraite. » 5h consacrées aux apprentissages est un maximum pour la journée de l'enfant (4h au CP).
Quant aux temps faibles, ils se situent en début de matinée, chacun ayant besoin, pour se réveiller vraiment, d'un temps qui lui est propre ; à la mi-journée (13h/14h-14h30) où l'on note un affaissement important de la vigilance (avec une sécrétion maximale de mélatonine, « hormone du sommeil », quelque soit le repas) ; après 16 h 30, car les fatigues s'accumulent.
Toutes ces données sont à relativiser et à contextualiser avec la situation personnelle de chaque élève. Un élève inquiet dont le cadre familial ne peut pas protéger du chômage, du manque d'argent, de frères ou de sœurs violents, de parents se disputant ou se séparant, ne pourra pas maintenir son attention aussi longtemps. Parfois, il n'aura pas, de toute la journée, la tête à l'école.
Et Hubert Montagner de s'interroger sur les nouvelles dispositions ministérielles : « Les enfants les plus épuisés sont déjà fatigués à 14 h. Parfois même en fin de matinée. Les technocrates du ministère ont préconisé un temps d'aide personnalisée. Mais où le case-t-on, faute de mieux ? Le matin avant la classe, ou entre 13 h et 14 h. C'est-à-dire au moment où la vigilance des enfants et leur capacité de concentration sont au plus bas. Ce qu'on essaie de leur enseigner va leur passer au-dessus de la tête. Au lieu de les aider, c'est une difficulté qu'on ajoute à leur journée. »
La semaine des quatre jours n'a bien sûr pas arrangé les choses, puisqu'il faut assimiler en quatre jours ce que l'on faisait en quatre jours et demi. Et les enfants, dans leur famille, ne sont pas encouragés à avoir un coucher très régulier toute la semaine, notamment le mardi soir. En se couchant plus tard certains jours, par exemple en passant de 20h30 à 22h30 (au minimum), les mardis, vendredis, samedis et parfois les dimanches, les enfants ne peuvent pas parvenir à réguler leur sommeil ; ils seront plus facilement fatigables et, dans certains cas, connaitront des troubles importants du sommeil nécessitant une consultation médicale (insomnie, réveils fréquents pendant la nuit, cauchemars...).

Agrandissement : Illustration 1

Côté solutions, Hubert Montagner tire les conséquences des recherches exposées.
« On peut réduire la semaine, à condition de réorganiser la journée scolaire, et de revoir les programmes qui sont démentiels. Mais on peut aussi supprimer la rupture du mercredi, en venant à l'école le mercredi matin. »
Pour l'année, une alternance stricte de 7 semaines de classes suivies de 2 semaines de vacances : deux semaines à l'automne, deux semaines en fin d'année, deux voire trois semaines en hiver, deux semaines au printemps, une à deux semaines pour englober les ponts de mai, six semaines en été débutant le 14 juillet (ce qui correspond à 36 semaines de classes soit 864 heures de classe comme actuellement).
Mais le plus important à ses yeux est de transformer l'école en « éco-système », ce qui implique une évolution des mentalités, notamment sur les besoins des enfants. « Pourquoi ne pas permettre de laisser dormir un enfant à l'école s'il en a besoin ? » « Si la Finlande a de si bons résultats, c'est qu'il n'y a pas de pression à lire à 6 ans, d'apprendre telle notion le14 janvier à 10h30, et tout cela sans note. Les finlandais sont simplement attentifs aux disponibilités des élèves».
Il faut donc prêter une forte attention aux temps et aux lieux d'accueil. Créer des espaces de convivialité dont l'objectif est d'humaniser l'école. Les municipalités et les enseignants, avec le concours des parents, doivent donner le temps aux enfants de se réveiller en arrivant à l'école et, pour beaucoup, de trouver des repères et des occasions pour se sécuriser. Animaux (aquarium, tourterelles...) et mobilier permettant de se balancer ou de se reposer sont là pour une entrée en douceur dans un lieu dédié spécifiquement à l'accueil. Ce « sas » doit permettre aux parents et aux enseignants de se rencontrer différemment, autour d'un café ; cela désamorcera d'éventuelles incompréhensions réciproques. Pour les enfants en garderie, une pièce où règnent les bruits d'eau, de nature (en CD, bien sûr) doit aussi offrir la possibilité de dormir dix à quinze minutes sur des tapis ou de lire paisiblement un livre. Pareillement, à 13h, à la suite d'un repas dans le calme, encadré et animé dans la bonne humeur, il est nécessaire que les enfants puissent dormir, avoir un temps reposant organisé par la municipalité (activités calmes type travaux manuels). Après la classe, associations, municipalité et enseignants doivent offrir des activités de découvertes, libres, variées, laissées au choix de l'enfant (avec des engagements à respecter).
Il faut donc redéfinir l'école en répondant à cette question : « une école pour quoi faire ? »
Pour se réaliser dans sa vie, et libérer ses émotions par le langage, le théâtre, la démarche de recherche en science...afin, aussi, d'être disponible aux nouvelles connaissances à acquérir. Cette école interroge toute la société dans son ensemble et dans son rythme. On ne s'interroge correctement sur les rythmes scolaires que si l'on s'interroge aussi sur les rythmes de travail et de vie des adultes.
Hubert Montagner rendait enfin hommage aux « enseignants désobéisseurs » : « Ils savaient bien que mettre l'aide personnalisée à ces horaires-là était un non-sens. Vous avez bien fait de brandir l'étendard de la révolte, ajoutait-il en s'adressant à Sébastien Rome. Il faut construire une autre école, avec l'enfant au centre. Créer les conditions pour que l'enfant se réalise en tant qu'enfant avant de se réaliser en tant qu'élève. »
Article de Monique Raynaud, publié dans le Midi Libre du vendredi 21 janvier, reproduit avec son aimable autorisation, et augmenter à partir des notes d'E. J. et K. B.. La différence de typographie devait faire la distinction entre l'article original (Times new roman) et ma contribution (Arial) mais cela n'apparait pas ici.

Pour prolonger, lire le document sur l'école de Monticello conçu avec la complicité d'Hubert Montagner. (image du projet ci-dessus)
« une école pour quoi faire ? » Ecole Monticello (pdf, 0 B) © Hubert Montagner