Sortie nationale (France) du 2 octobre 2013.
Présentés dans un même programme, Les Enfants des mille jours et le moyen métrage Septembre chilien se répondent et se complètent dès lors à plusieurs égards dans une vision a posteriori. En effet, 40 ans exactement les séparent, mais la liaison entre l’un et l’autre est manifeste, à tel point qu’il est aisé à travers diverses points de comparaisons, de réfléchir sur ce qu’est un film engagé pour une cause à deux époques distinctes.
Les obsèques, plusieurs décennies après son exécution, du chanteur Victor Jara font ici écho à celles de Pablo Neruda retransmises avec beaucoup d’émotion dans Septembre chilien. La mort et plus précisément le deuil sont des moyens de retrouver la force de s’affirmer dans un monde oppressant, dans les deux films. Si le Chili actuel ne peut en aucun cas être comparé à celui de Pinochet et de sa sanglante répression, force est de constater quelques liens. Ainsi, le film commence avec des Chiliens qui crient tout haut leur mépris pour les disparus communistes assassinés sous la dictature et loue même Pinochet : « Général Pinochet, cette victoire vous est dédiée » (sic). Cette scène se produit à la suite de la victoire aux élections présidentielles de Sebastián Piñera, candidat du parti néolibéral « Rénovation nationale », qui a légitimé dans sa campagne l’entrée dans son gouvernement d’anciens hauts responsables de l’administration Pinochet. Cet événement conduit la réalisatrice Claudia Soto Mansilla à replonger dans l’histoire de ces « mille jours » entre 1970 et 1973, période sauvagement écourtée de l’expérience démocratique de la politique socialiste du président Salvador Allende. Si celui-ci est devenu une figure iconique pour toute une génération d’hommes et de femmes de gauche et en l’occurrence pour la réalisatrice, la société chilienne contemporaine semble marquée par le poids du « présentisme », qui consiste à oublier le passé pour se plonger tête baissée et yeux fermés vers l’avenir. C’est d’ailleurs le slogan de Sebastián Piñera lors de sa campagne. Si les idées des hommes et des femmes interrogés dans ce film peuvent ne pas paraître inédites, suite, par exemple, aux riches investigations et réflexions de Patricio Guzman, c’est bien la réalité chilienne actuelle qui rend nécessaire la réalisation de ce documentaire. Si celui-ci est également motivé par la quête identitaire de la réalisatrice, le documentaire abandonne très vite la voie de l’autobiographie pour consacrer toute son attention aux témoignages actuels de ceux qui ont vécu ces glorieux mille jours. L’objectif est ainsi de remuer la terre du passé, pour remettre à jour des graines semées qu’une dictature et l’idéologie néolibérale ont tenté d’étouffer sous le poids leurs bottes.
À l’image du deuil autour de la figure sacrifiée de Victor Jara, ce documentaire montre que faire le deuil est une nécessité pour vivre au présent nourri de l’expérience passée. Avec humilité et modestie, tel est l’un des notables messages de ce film.
Documentaire
90 minutes. France, 2013.
Couleur
Langue originale : espagnol
Images : Jaco Bidermann
Montage : Claudia Soto Mansilla, Jaco Bidermann, Pierre-Alain Giraud
Son : Claudia Soto Mansilla
Production : ISKRA
Coproduction : CinapsTV, Les Ateliers du Réel
Productrice : Viviane Aquili
Distributeur français : ISKRA
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