Sous le sable chaud brésilien: le béton sociétal de la peur

Les Bruits de Recife, Kleber Mendonça Filho

Sortie nationale (France) du 26 février 2014.

Au sein d’un tranquille quartier bourgeois de Recife, ville portuaire brésilienne, la vie suit son cours pour chacun de ses habitants. C’est alors qu’une société de sécurité propose ses services aux habitants en s’adressant également à la mystérieuse autorité du quartier : Francisco.

Depuis plus de vingt ans déjà, Kleber Mendonça Filho expérimente différentes matières (vidéo, numérique, argentique, photographie) pour créer des univers inédits, bien que souvent ancrés dans le réel. Certaines de ces œuvres sont à la frontière avec le documentaire et l’expérimental. Cet univers s’est décliné dans les années 2000 à travers plusieurs courts métrages tous plus étonnants les uns que les autres (notons Vinil verde, Electrodoméstica, parmi d’autres). Toutes ces années de travail se retrouvent dans Les Bruits de Recife, son premier long métrage pour le cinéma. Ainsi, le personnage de Bia ressemble beaucoup à celui décrit dans Electrodoméstica. Et en arrière-plan, on retrouve également un très grand intérêt pour la ville natale du cinéaste : Recife. Cette ville est tellement centrale dans ce film, que le plaisir de la découverte pour le spectateur concerne aussi bien un cinéaste qu’une ville.

L’omniprésence de la ville tient beaucoup à un scénario construit sur une structure chorale. D’ailleurs, chacun de ces personnages, au sein de sa propre histoire, pourrait s’exclure du reste du film et bénéficier d’un court métrage à part entière, tant leur univers physique et géographique se révèle assez complet. Avec subtilité, Kleber Mendonça Filho laisse apparaître les indices d’une sourde lutte de classes au fil de son récit. Il réussit à surprendre dans chacune de ses scènes car la réalité quotidienne de ces habitants laisse apparaître des comportements individuels échappant à la rationalité. Le film se poursuit alors comme les différentes pièces d’un jeu d’échec où la finalité se poserait pour chacune : « ne sommes-nous là que pour entourer un roi ? » La question devient alors percutante avec l’arrivée de la compagnie de sécurité qui offre un tour inattendu au film. Fin stratège, le cinéaste a brillamment placé chacune de ses pièces qui révéleront leur fonction au terme du récit, à l’instar de ces images d’un autre temps en ouverture du film. En plus de ses talents esthétiques, à travers une somptueuse image, des plans très travaillés, quasi géométriques mettant bien en valeur l’architecture de Recife, ce film offre une belle galerie de portraits avec des acteurs tous excellemment dirigés. Un cinéaste à suivre !

Titre original : O Som ao redor

Fiction

131 minutes. Brésil, 2012.

Couleur

Langue originale : portugais

Avec : Irandhir Santos (Clodoaldo), Gustavo Jahn (João), Maeve Jinkings (Bia), W.J. Solha (Francisco), Irma Brown (Sofia), Lula Terra (Anco), Yuri Holanda (Dinho), Clébia Souza (Luciene), Albert Tenório (Ronaldo), Nivaldo Nacimento (Fernando), Felipe Bandeira (Nelson), Clara Pinheiro De Oliveira (Fernanda), Sebastião Formiga (Claudio), Mauricéia Conceição (Mariá), Ana Rita Gurgel (Ana Lúcia), Caio Almeida (Namorado), Dida Maia (Marido), Arthur Canavarro (Romualdo), Gabriela Santos da Rocha, Júlio Rodrugues, Rubens Santos, Bruno Negaum, Allyson Arruda

Scénario : Kleber Mendonça Filho

Images : Pedro Sotero

Montage : João Maria et Kleber Mendonça Filho

1^re assistante réalisatrice : Clara Linhart

Décors : Juliano Dornelles

Maquillage : Marcos Freire

Costumes : Ingrid Mata

Casting : Daniel Aragão

Production : CinemaScopio

Productrice : Emilie Lesclaux

Distributeur français : Survivance