Billet de blog 3 novembre 2014

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Sortie nationale (France) du 29 octobre 2014 : Felicidad, de Daniel Burman

Santiago vit une vie rêvée, réglée comme un métronome enchanteur avec son ami et associé Eugenio. Mais un jour, ce dernier s’absente sans explication. Dès lors, Santiago commence à douter du bien fondé de cette amitié ineffable où l’autre n’a plus à s’exprimer pour se faire comprendre.

Illustration 1
© Eurozoom

Depuis plus d’une décennie déjà, Daniel Burman s’est affirmé à travers une filmographie qui l’apparente selon certains d’un côté à un François Truffaut (pour sa mise en scène, l’attachement de certains personnages qui se développent de film en film) et de l’autre à un Woody Allen (pour son humour, son goût pour des dialogues surdéveloppés de personnages s’interrogeant sur eux-mêmes). Étant également son propre producteur avec sa société BD Cine (avec son fidèle associé Diego Dubcovsky), il a pu développer une filmographie personnelle où le public aime à retrouver le cinéaste qu’il connaît. Ce nouveau film ne déroge pas à la règle du plaisir de retrouver un cinéaste dont on connaît l’univers. Ainsi, ce manifeste ici chez lui un plaisir de jouer avec des acteurs qui offrent une honnête interprétation (au premier rang desquels se trouvent Guillermo Francella et Inés Estévez) et qui attirent très vite la sympathie avec le spectateur. Celle-ci est d’ailleurs vivement sollicitée tout au long du film où la voix off du personnage principal met en place une relation de complicité, sous forme de confidence, avec le spectateur. La mise en scène repose sur le travail avec les acteurs, un montage assez efficace par sa rapidité, sur une bande originale assez fade : le tout est de faciliter la digestion du spectateur. De quoi nous nourrit le cinéaste ? D’une idéologie assez contestable qui prône la réalisation personnelle à travers le développement économique d’une société en pleine croissance. L’acte amoureux entre deux êtres trouve ici son extase par les bénéfices générés par la vente de produits électroménagers. Il y a bien une prétendue critique de cette illusion autour du parcours du personnage s’interrogeant sur le bonheur (felicidad) et la raison pour laquelle il est amené à la perdre, mais difficile d’y croire lorsque l’on voit par exemple des voitures décapotables filmées comme une publicité automobile. Refusant en outre tout réalisme social, le cinéaste tourne sciemment le dos à tout un pan de la société argentine. Non pas qu’il faille tout traiter à travers un film, surtout que ce film ne vise en rien au réalisme. Le problème est que le film vise à nier obstinément la réalité vécue par ses contemporains en martelant une autre idéologie comme unique modèle social : celle des nantis qui n’ont cure des préoccupations démocratiques du lieu où ils vivent et étalent à la vue de tous sans aucun complexe un bonheur non partageable. Est-ce avec un tel propos que l’on peut oser espérer partager un rêve de cinéma ? Libre à chacun d’entreprendre une réponse.

Illustration 2

Felicidad

El misterio de la felicidad

de Daniel Burman

Fiction

92 minutes. Argentine, 2014.

Couleur

Langue originale : espagnol

Avec : Guillermo Francella (Santiago), Inés Estévez (Laura), Alejandro Awada (Oudukian), María Fiorentino (Helena), Fabián Arenillas (Eugenio), Sergio Boris (Sergio), Silvina Escudero (Pato), Claudia Ohana (Casandra), Ponchy Brusse (Arturo), Jairo Garcia  (Mauricio), Michael Milagros (Rosalia)

Scénario : Daniel Burman, Sergio Dubcovsky

Images : Daniel Ortega

Montage : Luis Barros

Musique : Nico Cota

Son : Jésica Suárez

Décors : Margarita Tambornino

Production : BD Cine

Producteurs : Diego Dubcovsky, Daniel Burman

Distributeur (France) : Eurozoom

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