Parution du livre Lucrecia Martel - La Circulation sous la direction de Luc Chessel et Amélie Galli
Du 14 novembre au 1er décembre 2024, le Centre Pompidou a organisé une rétrospective du cinéma de Lucrecia Martel intitulé « Le cinéma hors de lui ». C'était l'opportunité de voyager dans l'intégralité d'une filmographie avec ses courts métrages inédits en France et ses longs métrages qui sont devenus de véritables phares pour une nouvelle cinématographie exigeante dans l'horizon latino-américain dont les nouvelles générations se réclament.
Amélie Galli, programmatrice de la rétrospective, et Luc Chessel, critique de cinéma pour Libération et acteur, se sont rendus du 25 au 27 mars 2024 à Salta en Argentine dans la maison de Lucrecia Martel afin de réaliser avec elle un entretien au long court où la cinéaste est ainsi revenue sur l'ensemble de sa filmographie. C'est ainsi l'opportunité d'entrer dans les concepts à l'œuvre dans la mise en scène de ses films et l'exigence qui conduit chez elle à vouloir échapper au poids du regard posé sur le réel.
Sa stratégie consiste notamment à construire un espace à partir de l'espace sonore et d'accorder une attention soutenue aux divers éléments indépendants de l'image qui ne sont dès lors jamais réduits à du décor ou encore à de la figuration. Lucrecia Martel quitte pour cette raison la logique traditionnelle aristotélicienne de la nécessité de créer du conflit afin de construire un récit. D'ailleurs, le récit compte moins dans son cinéma que la forme pour représenter ou du moins d'ouvrir un dialogue avec un monde. « L'important n'est pas ce que l'on raconte, mais comment on le raconte » Car la langue elle-même impose une logique, un ordre au monde qui déforme la réalité et sortir du récit écrit, notamment à travers un scénario hyper développé, c'est s'ouvrir à l'altérité.
Avec Chocobar, son premier long métrage documentaire qu'elle était en train de terminer et qu'elle a évoqué dans ces pages, il devrait logiquement avoir sa première diffusion en festival en 2025, et il est l'occasion pour Lucrecia Martel de faire table rase et de renaître au cinéma. « […] faire un documentaire, c'est faire l'effort de démontrer qu'il n'y a pas de document. Faire un documentaire, c'est aller contre l'idée-même de document. » L'ambition toujours vive chez Lucrecia Martel se trouve dans le désir de décoloniser le regard en sortant des schémas narratifs patriarcaux et patrimoniaux.
« […] les films doivent contribuer à secouer la perception, notre forme de percevoir, plutôt que délivrer un contenu spécifique. » L'exploration des sens tout en détrônant la primauté du regard comme appréhension du monde est au cœur de la mise en scène de Lucrecia Martel qui finit l'entretien par cette humble fonction artistique du cinéma comme prétexte à nourrir du dialogue : « Au bout du compte, pour moi, les films s'inscrivent dans le monde de la conversation, plus que dans le domaine séparé de l'art. À quoi servent les films, sinon à en parler? »

Lucrecia Martel - La Circulation
Sous la direction de Luc Chessel et Amélie Galli
Nombre de pages : 256
Format: 15 x 21 cm
ISBN : 978-2-35137-380-4
Date de sortie (France) : 14 novembre 2024
Éditeur : Les Éditions de l'Œil en coédition avec les éditions du Centre Pompidou