Pendant un mois, du 18 janvier au 18 février 2016, le cinéma français est en ligne à travers le monde, sous la forme événementielle d’un festival dont le lieu est une plateforme VOD : myFrenchFilmFestival. Ce festival virtuel vise à partager la passion du cinéma français et en particulier celui de la jeune génération de cinéastes, avec tous les cinéphiles du monde entier. Pour sa sixième édition, myFrenchFilmFestival est également accessible sur les plateformes de 37 partenaires dans le monde. Comment se déroule ce festival du côté de l’Amérique latine ? Jean-Rémi Ducourtioux, responsable de cette manifestation, livre sous la forme d’un entretien ses réponses.

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Cédric Lépine : Quel est le bilan pour les pays d’Amérique latine du festival de 2015 ?
Jean-Rémi Ducourtioux : myFrenchFilmFestival a enregistré 600 000 visionnages en 2015, sur 204 pays. Le premier territoire était la Pologne, avec près de 100 000 visionnages. L’Amérique latine est également très bien représentée avec le Mexique, la Brésil et l’Argentine en tête. À eux trois, ces pays représentent près de 150 000 visionnages.
Cette année, les premiers résultats sont très bons et nous devrions dépasser le million de visionnages à travers le monde, si ça continue sur ce rythme-là.
C. L : Comment sont choisis les films de la sélection ?
J-R. D. : Les films sont choisis sur des critères objectifs - comme la date de sortie en France ou le nombre de territoires vendus - et subjectifs, évidemment, sur la qualité du film et son potentiel à l’international. Les films choisis n’ont souvent pas eu la chance de sortir sur de nombreux territoires. C’est une occasion pour eux de trouver leur public, d’être vus, à grande échelle, dans le monde entier. D’avoir un peu l’exposition qu’ils méritent. myFrenchFilmFestival est la grande fête de cinéma français à travers le monde, la sélection des films est évidemment primordiale et doit refléter la diversité du cinéma français. De la légèreté, du suspens, de l’amour, de la comédie, de la violence… le festival allie tout ça et doit diffuser de la qualité. Nous sommes aujourd’hui plutôt confiants sur la sélection, aussi bien sur les longs métrages que sur les courts métrages : après 5 ans, nous connaissons les goûts et attentes du public du festival, qui note les films directement sur la plateforme. Et lorsque nous donnons la parole au public, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Avec une note moyenne de 4/5 pour les films de la précédente édition, le public semble content.
C. L : Quels types d’accord établissez-vous avec les agents de vente des films ?
J-R. D. : Nous travaillons main dans la main avec les vendeurs internationaux, qui nous donnent un mandat pour le mois du festival, sur le monde entier. Lorsqu’un film est déjà vendu sur un territoire, nous passons un accord avec le distributeurs local pour pouvoir diffuser le film. S’il refuse, nous bloquons le film sur le territoire en question.

C. L : Comment résolvez-vous la question le coût des frais de diffusion ?
J-R. D. : Notre mission est de promouvoir le cinéma français à l’étranger, nous ne sommes pas une entreprise commerciale. Les coûts sont maîtrisés - le festival est principalement financé par du sponsoring - mais la rentabilité n’est pas à ce jour une nécessité. Avec cette opération, nous ramenons des recettes aux ayants droit tout en montrant des films français à plusieurs centaines de milliers d’internautes. Cela ne serait pas possible dans ces proportions avec un festival classique. Et bien sûr, nous sommes un test à grande échelle, un laboratoire d’idées. La question de promouvoir les films sur les nouveaux supports, de savoir parler au public, d’utiliser les bons leviers, les bons contacts, est primordiale. Nous parlions de la sélection tout à l’heure : cette année par exemple, la sélection est thématisée pour la rendre plus claire aux yeux des internautes : plusieurs films autour de la thématique French kiss, d’autres autour de In your Face, d’autres autour de Crime Scene. Ce sont de petites choses, mais qui font l’identité de myFrenchFilmFestival et que permet de construire une communauté forte autour d’un amour commun du cinéma.
C. L : En Amérique latine comme dans d'autres territoires, le festival est gratuit. Qu'est-ce qui détermine la gratuité d’un territoire?
J-R. D. : Nous définissons, avec les équipes, les territoires de gratuité sur le festival. Il est gratuit en Amérique latine et sur quelques autres territoires, comme la Russie ou la Pologne. Elle est nécessaire sur ces territoires, le marché de la VOD n’étant pas encore arrivé totalement à maturité et le piratage très présent. Nous payons pour cela des forfaits aux ayants droit. Ce festival est vraiment pensé comme une opération d’accessibilité au cinéma français. Le sous-titrage en 10 langues va dans ce sens. La gratuité va dans ce sens, et dans un monde idéal, une gratuité mondiale serait formidable.
C. L : Comment mesurez-vous l’impact qu’a le festival sur le public ?
J-R. D. : Au nombre de visionnages chaque année, évidemment, mais aussi au nombre d’inscriptions, aux commentaires, aux notes des films, à la page Facebook qui réunit plus de 270 000 personnes et où nous devons être très présents pour répondre aux internautes, mais aussi essuyer parfois quelques critiques que nous devons prendre en compte pour avancer et nous renouveler. Car nous devons nous renouveler tous les ans, trouver de nouvelles idées. Cette année, des documentaires sur le cinéma sont proposés gratuitement dans le monde entier, par exemple, ainsi que les courts métrages. Au final, les indicateurs pour mesurer l’impact sont encore plus faciles que sur un festival physique. Ce qui nous permet de nous adapter en cours de festival, de voir s’il y a un problème, qu’il soit technique ou autre, et de réagir très vite.

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C. L : Quel type de public avez-vous ?
J-R. D. : Des non professionnels, notre but étant de toucher un large public, plus jeune que celui qui va voir des films français en général, et de préférence toucher de nouveaux publics, qui ne connaissent pas le cinéma français. Rendre des personnes amoureuses des Châteaux de sable d’Olivier Jahan, tout petit film qui fait craquer les internautes, alors qu’il a eu une histoire difficile ici en France, est un vrai bonheur. Nous voulons toucher un public toujours plus large, et pour cela nous avons cette année signé avec 37 plateformes autour du monde, comme iTunes sur 90 territoires, Google Play, Amazon, mais également des plateformes locales et leaders sur leur marché, jusqu’aux plus petites plateformes, avec un cinéma de niche.
Aujourd’hui, le public du festival est principalement féminin, et a en moyenne 30 ans.
Retrouvez cet article en espagnol sous forme d’une analyse sur le site LatAm Cinema.