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13e édition du Festival Viva Mexico, Rencontres cinématographiques du 29 septembre au 5 octobre 2025 : L'Aventurière d'Alberto Gout
Une jeune et candide jeune fille devient une redoutable femme et doit redoubler de stratégie cynique pour survivre dans un monde patriarcal exploitant les femmes sexualisées comme ressource économique. Pour cela, le scénario choisit d'accompagner de manière symptomatique l'évolution du personnage principal à travers un déplacement géographique où chaque ville devient un reflet sociologique à part entière. Ainsi, Chihuahua représente l'enfance heureuse et candide qui ne voit pas encore la fragilité du couple parental, tandis que la ville frontalière Ciudad Juárez est la ville de l'exploitation intensif des femmes qui se retrouve encore actuellement être l'une des villes où sont commis le plus de féminicides. Quant à Guadalajara, elle illustre les apparences des convenances de la haute bourgeoisie dont le pouvoir économique n'en repose pas moins sur la criminalité. Cet usage de la géographie des villes mexicaines au cœur de l'intrigue inscrit ainsi les enjeux des protagonistes dans une dynamique nationale beaucoup plus large qui les dépasse.
La confrontation entre la jeune femme candide meurtrie par la vie qui va choisir son ascension sociale en cultivant le machiavélisme cynique interprétée par Ninón Sevilla et la directrice de cabaret incarnée par Andrea Palma à la tête de cette organisation criminelle qui possède également une vie plus respectable pour le reste de la société, représente deux visages d'une semblable destinée à deux âges de la vie. D'ailleurs, il n'est pas anodin que l'on trouve Andrea Palma dans le rôle de la matriarche sans scrupule, alors que l'actrice a tout d'abord incarné l'archétype de la mère sacrificielle dans La Mujer del puerto (1934) d'Arcady Boytler dont le succès du film a lancé la vague d'exploitation du mélodrame en se servant du scénario comme base archétypale des récits à venir. Ainsi, dans L'Aventurière se trouve implicitement cette lecture métacinématographique où des films se font écho en confrontant deux icônes générationnelles du mélodrame et rappelant que la place des femmes dans la société mexicaine n'est toujours guère enviable.
Ninón Sevilla représente surtout à travers ses danses dont elle élabore elle-même la chorégraphie l'affirmation d'une jouissance autoérotique comme forme de transgression dans un monde patriarcal où son corps comme son genre sont systématiquement sexualisés. Dans des décors fastueux dépassant la seule géographie réaliste des dimensions du cabaret où elle s'illustre, Ninón Sevilla fait de la danse un espace enchanté où elle détourne la mise en scène des fantasmes masculins pour sa propre affirmation personnelle. Cette revanche sociale fait écho à celle de la directrice de cabaret et dans ce combat de femmes qui représente une seule et même femme à deux âges de la vie, les hommes sont régis par des pulsions de mort derrière leur besoin de s'accaparer des femmes, qu'il s'agisse d'un homme qui retourne sa violence contre lui en n'acceptant pas de voir son épouse s'émanciper du foyer conjugal, un truand gagnant sa vie à travers la menace et l'homicide... Pour illustrer la destinée des hommes, le personnage de Rengo, l'homme muet responsable des basses œuvres de sa patronne est formidablement joué par Miguel Inclán dont le rôle fait écho à celui qu'il interprétait dans Les Bas-fonds de Mexico (Salón México) d'Emilio Fernández, dans une sorte de quasimodo claudiquant amoureux secret d'une jeune femme inaccessible dont il est pourtant le protecteur dévoué et il n'est pas anodin que le film se clôt sur lui comme pour rappeler le témoin des inégalités sociales et de genre au cœur du Mexique.
L'Aventurière
Aventurera
d'Alberto Gout
Fiction
101 minutes. Mexique, 1950.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Ninón Sevilla (Elena Tejero / Elena Montez), Tito Junco (Lucio Sáenz / El Guapo), Andrea Palma ( Rosaura de Cervera), Rubén Rojo (Mario Cervera), Miguel Inclán (Rengo), Jorge Mondragón (Pacomio Rodríguez), Maruja Grifell (Consuelo Tejero), Luis López Somoza (Ricardo Cervera), María Gentil Arcos (Petra, la domestique de Rosaura), Miguel Manzano (El Rana), Pedro Vargas (lui-même dans le rôle du chanteur), Ana María González (elle-même dans le rôle de la chanteuse), Arturo Soto Ureña (Sr. Tejero, le père d'Elena), Los Panchos (les musiciens dans leurs propres rôles), Los Angeles del Infierno (l'rchestre dans son propre rôle), Ray Montoya, Victorio Blanco, Enedina Díaz de León, Edmundo Espino, Ana María Hernández, Salvador Lozano, Armando Osório, Salvador Quiroz, Joaquín Roche, Pepe Ruiz Vélez
Scénario : Álvaro Custodio, Carlos Sampelayo, Alberto Gout
Images : Alex Phillips
Montage : Alfredo Rosas Priego
Costumes : José Díaz 'Pepito'
Musique : Antonio Díaz Conde
Son : James L. Fields
Assistant réalisateur : Manuel Muñoz
Décors : Manuel Fontanals
Maquillage : Ana Guerrero, Enrique Hutchinson
Coiffure : Agripina Lozada
Scripte : Pedro López
Production : Guillermo Calderón, Pedro A. Calderón
Société de production : Cinematográfica Calderón S.A.
Distributeur (France) : Les Films du Camélia