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Film de la rétrospective "Ninón Sevilla, l'aventurière" de la 52e édition du FEMA Festival La Rochelle Cinéma 2024 : Prends-moi dans tes bras de Julio Bracho
Produit à une époque florissante de l'industrie du cinéma mexicain où le genre du mélodrame trouvait sa meilleure expression grâce à la collaboration de toute une équipe technique connaissant parfaitement les ressorts du genre,Prends-moi dans tes bras (Llévame en tus brazos, 1951) de Julio Bracho reprend toute l'équipe de Victimes du péché (Víctimas del pecado, 1949) réalisé par Emilio Fernández et qui font tous deux partis du cycle de trois films restaurés qui met à l'honneur l'actrice Ninón Sevilla présentés au FEMA et en sortie salles en France à partir du 10 juillet 2024. Ainsi, les deux films sont produits par les frères Guillermo Calderón et Pedro A. Calderón (eux-mêmes fils de José Calderón, producteur des premiers temps du cinéma mexicain) pour leur société de production Cinematográfica Calderón qui ont sollicité le savoir-faire de la même équipe technique derrière la caméra, qu'il s'agisse du génie de l'image Gabriel Figueroa, comme de Gloria Schoemann au montage, Antonio Díaz Conde à la musique, sans oublier les ingénieurs du son, les responsables des effets spéciaux, etc. De même devant la caméra, Ninón Sevilla se confronte à nouveau au diabolique personnage machiste incarné dans les deux films par Rodolfo Acosta, même s'il est ici un personnage secondaire.
La tragédie est encore au cœur de l'intrigue avec le sacrifice d'une jeune femme pour sa famille dans un monde extrêmement patriarcal. Ainsi, l'héroïsme de la jeune femme ne sera jamais reconnue par des hommes, y compris et surtout ceux qu'elle aime, qu'il s'agisse de son père comme de son amoureux, qui ne verront dans ses choix qu'ignominie infamante à leur égard. Dès lors, la destinée hors du commun de cette jeune femme de pêcheur devenant une star du cinéma à la capitale, se construira en prenant de la distance face à l'opprobre hypocrite du patriarcat.
Entre les mains de Julio Bracho, réalisateur responsable du cultissime La Sombra del caudillo (1960) longtemps victime de la censure au Mexique pour avoir rappelé la confiscation militaire de la révolution mexicaine autour d'un parti unique (pour 70 ans d'exercice du pouvoir consécutif!), Prends-moi dans tes bras place dès le début le contexte de son intrigue dans la force du travail et le conflit patronal. Tout d'abord avec une première scène inoubliable de pêche communautaire qui rappelle le néoréalisme italien en convoquant à la fois Stromboli (1950) de Roberto Rossellini et La Terre tremble (La terra trema: Episodio del mare, 1948) de Luchino Visconti, l'harmonie initiale se confronte à un monde du travail dominé par un puissant propriétaire terrien. Celui-ci revendique implicitement son droit de cuissage sur les personnes qu'il a rendu indépendant de son argent tout en étant soutenu par les représentants politiques qui ont une propension naturelle à la prédation sexuelle à l'égard des jeunes femmes.
Le parcours féminin de la jeune femme incarné avec vigueur par Ninón Sevilla aussi bien dans les prouesses chorégraphiques de ses danses que de ses moments dramatiques est ainsi éminemment politique, en questionnant l'omnipotence du patriarcat à tous les niveaux de la société, du père à l'amant très prompts à condamner et fermer les yeux sur leur amour qui se révèle non inconditionnel pour la jeune femme, au responsable politique comme au grand patron abusant de leur pouvoir pour assouvir leurs besoins sexuels auxquels profite au détour un contre-maître libidineux et violeur.
Le mélodrame est magnifiquement composé par les profondeurs de champs ingénieuses de Gabriel Figueroa qui mêle ainsi la force des leçons de l'expressionnisme cinématographique aux ressources figuratives picturales du muralisme politique. Il en résulte des moments qui subjuguent littéralement le récit à l'instar des chorégraphies de l'actrice principale qui s'impose en épousant le récit de son personnage avec conviction.
Prends-moi dans tes bras
Llévame en tus brazos
de Julio Bracho
Fiction
90 minutes. Mexique, 1953.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Ninón Sevilla (Rita Rosales), Armando Silvestre (José), Andrea Palma (Doña Eva), Carlos López Moctezuma (Don Gregorio), Rodolfo Acosta (Agustín), Andrés Soler (Don Pedro), Julio Villarreal (Don Antonio), Consuelo Guerrero de Luna (Doña Valentina), Rosenda Monteros (Marta), Antonio Bravo (Don Rubén), Estela Matute (une employée de la bijouterie), Víctor Alcocer (un membre de l'assemblée), Rafael Samperio (un chanteur), Aurora Cortés (la femme de ménage), Humberto Rodríguez (le notaire), Francisco Pando, Paulo Gilvan Bezerril, Edson França, João Costa Neto, Magdaleno Barba, Francisco Beal, Julio Daneri, Leonor Gómez, Chel López, Pepe Martínez, Inés Murill, María Antonieta Murillo, José Pardavé
Scénario : Julio Bracho, José Carbo
Images : Gabriel Figueroa
Montage : Gloria Schoemann
Musique : Antonio Díaz Conde
Son : James L. Fields, Galdino R. Samperio, Rodolfo Solís
Effets spéciaux : Jorge Benavides
Assistant réalisateur : Felipe Palomino
Chorégraphies : Jorge Harrison, Ninón Sevilla
Décors : José Alcalde, Jorge Mondragón
Maquillage : Ana Guerrero
Coiffure : María de Jesús Lepe
Scripte : Pedro López
Production : Guillermo Calderón, Pedro A. Calderón
Société de production : Cinematográfica Calderón S.A.
Distributeur (France) : Les Films du Camélia
Sortie en salles (France) : 10 juillet 2024