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Sortie DVD : El Club de Pablo Larraín
Une nouvelle fois le cinéma de Pablo Larraín vient frapper fort et durablement la conscience du spectateur. Bien qu’il touche de près à un univers politique chargé du Chili, tout spectateur de par le monde, ignorant tout contexte sociohistorique figurant le hors champ de ce scénario, est pris de fait dans un récit haletant d’une forte densité. Il suffit au cinéaste de réunir ses personnages dans ce qui ressemble à une prison à l’air libre dont les geôliers sont de prime abord difficilement définissables. Le génie de Larraín est de nous amener à découvrir une prison qui s’est installée au cœur de chaque individu, enfermé, pour ne pas dire aliéné dans ses propres habitudes certitudes. Si le cinéaste maîtrise de bout en bout son projet, c’est qu’il poursuit une collaboration très fructueuse avec l’acteur Alfredo Castro, le chef opérateur Sergio Armstrong, son producteur et frère Juan de Dios Larraín. Il existe entre eux une telle synergie, que chacun offre de lui-même, spontanément, la meilleure part créative. La direction d’acteurs est à cet égard aussi mémorable que la force d’expression des acteurs : outre la performance d’Alfredo Castro, on n’oubliera pas de sitôt non plus Alejandro Goic, Alejandro Sieveking, Jaime Vadell, Roberto Farías, Antonia Zegers. Pablo Larraín est un metteur en scène d’exception en ce qu’il parvient à saisir comme aucun autre cette étincelle au sein de chacun de ses acteurs. Le rôle de la Sœur Mónica est délicieusement complexe, laissant un long trouble chez le spectateur jusqu’au dénouement final. En bonus de cette édition DVD, durant une rencontre de près d’une heure, Pablo Larraín, interrogé, livre ses secrets de fabrication sous forme d’une véritable master class.
Évidemment, le film se réfère à la réalité du pouvoir politique de l’Église catholique mais au-delà de ce contexte, le film devient une parabole universelle sur le pouvoir coercitif d’un État dans l’État, d’autant plus néfaste qu’il est convaincu de son bien fondé que nul ne saurait remettre en cause car n’étant contraint à aucune transparence à l’égard de la société. Alors qu’il centre toujours son récit sur quelques personnages, quelques lieux et un espace temporel délimité, Pablo Larraín réussit toujours à élargir son propos, offrant à tout spectateur une possibilité de réflexion sur son propre univers politique. En cela, il réussit une belle synthèse entre théâtre classique, tragédie moderne et grammaire cinématographique contemporaine. Le pouvoir réflexif de l’image du cinéaste est quasi hypnotique, emmenant le spectateur dans le cauchemar éveillé d’une microsociété devenue affreusement nihiliste, par vacuité de jouir d’un pouvoir sans limite.
El Club
El Club
de Pablo Larraín
Avec : Alfredo Castro (le Père Vidal), Alejandro Goic (le Père Ortega), Alejandro Sieveking (le Père Ramírez), Jaime Vadell (le Père Silva), Roberto Farías (Sandokan), Antonia Zegers (la Sœur Mónica), Marcelo Alonso (le Père García), José Soza (le Père Lazcano), Francisco Reyes (le Père Alfonso), Diego Muñoz, Catalina Pulido, Gonzalo Valenzuela, Paola Lattus, Erto Pantoja, Felipe Ríos
Chili - 2015.
Durée : 93 min
Sortie en salles (France) : 18 novembre 2015
Sortie France du DVD : 30 mars 2016
Format : 2,35 – Couleur
Langue : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Wild Side Vidéo
Bonus :
Entretien avec le réalisateur (62 min)