Billet de blog 8 juin 2016

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Entretien avec David Pablos, réalisateur du film "Les Élues"

Lors de la cérémonie de la remise des Ariels (équivalent des Césars ou des Oscars pour le Mexique), le film « Les Élues » (Las Elegidas) de David Pablos étaient à l’honneur en remportant 5 Ariels : Meilleur film, Meilleur réalisateur, Révélation féminine (Nancy Talamantes), Meilleur scénario original, Meilleure photographie (Caroline Costa).

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
David Pablos © DR

Cédric Lépine : Pourquoi avoir choisi de situer le récit du film à Tijuana ?
David Pablos :
Si la situation autour de la prostitution infantile est propre au contexte social de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, c’est aussi un très grand problème que l’on retrouve à travers le monde. J’ai choisi Tijuana parce que je suis né et j’ai grandi dans cette ville que je connais très bien et que j’aime profondément. J’ai toujours voulu filmer dans ma ville. J’avais également bien en tête le type de lieux que je cherchais à représenter pour le film et je savais que je pouvais les trouver à Tijuana.

C. L. : Comment avez-vous construit à l’étape du scénario la représentation de la famille, personnage central du film ?
D. P. :
J’avais bien à l’esprit le thème du film et je souhaitais mettre en valeur les visages des différentes victimes. J’ai effectué différentes investigations, j’ai lu de nombreux témoignages. Ce qui m’importait le plus était d’utiliser des choses très concrètes qui disent beaucoup du monde. Il était clair pour moi que je voulais contextualiser cette histoire autour d’une histoire familiale et avoir un point de vue masculin. Le scénario s’est construit autour de ce principe de départ selon lequel autant lui qu’elle sont des victimes de ce système. Ils s’aiment de manière distincte l’un de l’autre et sont tous deux forcés à participer à ce monde. J’ai construit le scénario à partir des témoignages que j’ai recueillis. Ces choses les plus concrètes sont les éléments les plus riches du récit. Ainsi, l’histoire de l’anneau offert par une fille à une autre est un élément adapté d’un événement réel.

Illustration 2
Les Élues © Canana

C. L. : Le film se construit également à partir d’une véritable sensibilité esthétique picturale, avec les corps des protagonistes présentés sur des fonds monochromes.
D. P. :
Ceci a beaucoup à voir avec ma formation personnelle. J’aime la peinture et je recherche constamment des références de ce côté. Néanmoins, mes références picturales ne se construisent pas autour de points spécifiques mais davantage de manière organique. J’aime comparer la réalisation d’un film à une composition musicale : chacun a un rôle dans l’élaboration de la symphonie avec ses propres intentions, son propre rythme. Ma manière de travailler consiste en ceci : savoir exactement ce que je cherche et construire une scène en fonction de ce but à atteindre.

C. L. : Considérez-vous le film comme un outil de dénonciation sociale ?
D. P. :
Je ne me suis jamais dit que j’allais faire un film de dénonciation. Le thème est cependant implicite à l’histoire racontée. Pour moi en tant que réalisateur et producteur d’un film, le plus important est de raconter une histoire et de développer des personnages. À partir de là, je cherche à mettre en œuvre la rencontre la plus humaine entre un public et les personnages et les thèmes du film. Plus que dénoncer, ce qui m’importe est de connecter émotionnellement un public avec des situations sociales.

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