
Dans les Hauts Plateaux du Guatemala, Roció, jeune maya mam, doit s’occuper pour la première fois du troupeau de moutons alors que sa mère enceinte est alitée. Pour retrouver l’un des moutons, elle doit surmonter ses peurs.
La « maison la plus grande du monde » du titre, ce sont ces espaces magnifiques qui s’étendent à perte de vue et où la petite fille est appelée à grandir après avoir quitté la petite maison familiale. La caméra devient subjective et partage l’aventure de Rocío qui se retrouve avec la responsabilité de gérer rien moins que le patrimoine familial sous la forme d’un troupeau de moutons invité à paître dans la plaine en évitant de s’éloigner des sentiers battus. Sous cette chronique initiatique, Ana V. Bojórquez, la coréalisatrice guatémaltèque qui porte depuis plusieurs années déjà ce projet de premier long métrage, rend compte d’une communauté maya de langue mam où les hommes absents ont certainement été contraints à la migration économique vers le Nord pour atteindre le Mexique et les États-Unis. Mais tout ce contexte sociopolitique reste ici délibérément hors champs. Avec pudeur et subtilité, la mise en scène privilégie les sensations éprouvées par l’enfance, avec des plans magnifiques qui font la part belle aux paysages où la fillette est appelée à s’épanouir. Le scénario a été travaillé sous la forme du conte et de la fable : enfants et préadolescents sont universellement appelés à s’y retrouver. À tel égard que ce film suit la belle lignée des films sur l’enfance d’Abbas Kiarostami des années 1970 et 1980. On pense également au film mexicain Cochochi d’Israel Cárdenas et Laura Amelia Guzmán (2007), tourné à quelques centaines de kilomètres plus au nord au Mexique, avec des petits garçons mayas comme protagonistes. À cet égard, La Casa más grande del mundo traduit un parfait métissage avec une équipe technique qui se partage entre Mexicains et Guatémaltèques, comme en témoignent également la coréalisation et la coproduction. On peut voir là l’intérêt qui fait fi des frontières concernant la situation des communautés mayas au Mexique comme au Guatemala. Ce film dépasse les frontières nationales, d’autant plus que la majorité des citadins guatémaltèques auront peine à se reconnaître dans cette réalité rurale qu’ils méconnaissent tout à fait. Avec douceur, calme et un traitement poétique du documentaire où l’aspect bucolique est complètement intégré dans la fable contée, Ana V. Bojórquez livre un touchant témoignage de l’enfance qui transcende les frontières étatiques.
La Casa más grande del mundo
d’Ana V. Bojórquez et Lucía Carreras
Fiction
74 minutes. Mexique - Guatemala, 2015.
Couleur
Langue originale : espagnol, mam (maya)
avec : Gloria Lopez (Rocío), María Lopez (Ixchumilá), Myriam Bravo (la mère de Rocío), Fabiana Ortiz de Domingo (la grand-mère de Rocío), Elder Escobedo (Ajpú), Daniel Ramírez (le vieil homme)
scénario : Ana V. Bojórquez et Edgar Sajcabún, d’après une idée originale d’Edgar Sajcabún
images : Álvaro Rodríguez Sánchez
décor : Julieta Blázquez
directrice artistique : Lola Ovando
montage : León Felipe González
1er assistant réalisateur : Pablo Prieto Ladrón de Guevara
musique : Pascual Reyes
son : Enrique Ojeda
costumes : Gabriela Fernández
scripte : Ulises Pérez Mancilla
casting : Andrés Rodríguez, Juan Pablo Diaz, Álvaro Armas
Production : Prisma Cine (Guatemala), Filmadora Producciones (Mexique)
Productrices : Sandra Paredes, Ana V. Bojórquez
Coproducteurs : Marco Antonio Salgado, Bulmaro Osornio