Billet de blog 8 novembre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Prisonniers de la terre (Prisioneros de la tierra) de Mario Soffici

Dans le nord de l'Argentine en 1915, les Mensús sont des travailleurs exploités qui meurent de maladies épidémiques et subissent le mépris le plus total de leur employeur, Köhner.

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Illustration 1
Prisonniers de la terre Prisioneros de la tierra de Mario Soffici © Carlotta Films

Sortie Blu-ray : Prisonniers de la terre de Mario Soffici au sein du coffret « World Cinema Project »

Toujours dans le coffret World Cinema Project qui promeut et soutien la connaissance de l'histoire du cinéma sans limites géographiques à partir de la restauration physique des œuvres filmiques, Prisonniers de la terre (Prisioneros de la tierra, 1939) de Mario Soffici fait largement écho aux Révoltés d’Alvarado (Redes, 1936) de Fred Zinnemann et Emilio Gómez Muriel avec une révolte contre un système d'oppression. Là où le film mexicain ne craignait pas d'évoquer une réalité contemporaine, le film argentin se protège en situant la réalité évoquée 24 ans avant la date du tournage. De même, si l'armée est présente pour écraser la répression avec une mise à mort sans sommation, le film est moins politique en ne désignant pas des responsabilités appartenant à un corps social institué.

Le film s'inscrit davantage sous une influence poisseuse mettant en effervescence les tensions masculines, surtout dans le cadre d'une exploitation où la survie humaine tient à peu de choses. La narration se situe à la fois dans les repères du western qui est un récit idéologique de colonisation mais aussi des films exotiques français tournés dans les années 1930 dans l'action se situe dans les colonies à l'instar de Pépé le Moko (1937) de Julien Divivier.

Autour de l'exploitation de l'herbe à maté, herbe nationale très prisée des populations argentines et uruguayennes, le film offre un aperçu documentaire détaillé avec des prises en extérieur, dont la réalité de la forêt offre la possibilité de prendre le maquis mais où les épidémies dans une atmosphères marécageuses sont rendues possibles, déterminent et rendent possible le récit.

L'intrigue amoureuse arrive un peu trop superficiellement même si elle accélère notamment le dénouement mais il est évident que le scénario s'intéresse davantage à la description d'un système d'exploitation de l'Argentine dans les années 1930 et même si les pays, les classes sociales ou encore les personnes ne sont pas désignés, ceux-ci devaient être explicites pour le public argentin de l'époque. Prisonniers de la terre rappelle notamment que le système d'exploitation des êtres humains qui se remplacent ici à la pelle une fois décédés en raison de conditions de travail sans protection sanitaire, est extrêmement lié au racisme classiste à l'égard des populations autochtones selon l'expression de l'esclavage moderne. Le film réalisé par Mario Soffici constitue ainsi un maître étalon brillant et inspirant, comme le rappelle Jorge Luis Borges, que cite Martin Scorsese dans sa présentation de cette édition.

Illustration 2

Prisonniers de la terre
Prisioneros de la tierra

de Mario Soffici
Avec : Francisco Petrone (Köhner), Ángel Magaña (Esteban Podeley), Roberto Fugazot (le distillateur), Homero Cárpena (l'ami de Podeley), Raúl De Lange (Dr. Else), Elisa Galvé (Andrea Else), Agustín Barbosa (le chanteur), Ulderico Camorino, Pepito Petray, Félix Tortorelli, Jorge Villoldo
Mexique – 1939.
Durée : 87 min
Sortie en salles (France) : 15 décembre 1948
Sortie France du coffret Blu-ray : 15 octobre 2024
Format : 1,37 – Noir & Blanc
Langue originale  : espagnol - Sous-titres : version française, audiodescription et sous-titres pour sourds et malentendants
Éditeur : Carlotta Films
Bonus :
Présentation de Martin Scorsese du film

Film inclus dans le coffret Blu-ray intitulé « World Cinema Project » comprenant :
BLU-RAY 1
Les Révoltés d’Alvarado de Fred Zinnemann et Emilio Gómez Muriel (Mexique, 1936, restauration 2K, N&B, 60’20”, VOST) 
Prisonniers de la terre de Mario Soffici (Mexique, 1939, restauration 2K, N&B, 87’, VOST)
BLU-RAY 2
La Loi de la frontière de Lütfi Ö. Akad (Turquie, 1966, restauration 2K, N&B, 76’35”, VOST)
La Femme au couteau de Timité Bassori (Côte d’Ivoire, 1969, restauration 4K, N&B, 78’12”, VF)
BLU-RAY 3 & 4
Huit coups mortels de Mikko Niskanen, en 4 parties (Finlande, 1972, restauration 4K, N&B, 327’, VOST)
BLU-RAY 5
Muna moto de Jean-Pierre Dikongué-Pipa (Cameroun, 1975, restauration 4K, N&B, 90’, VF)
Transes d'Ahmed El Maanouni (Maroc, 1981, restauration 2K, Couleurs, 89’16”, VOST)
BLU-RAY 6
La Flûte de roseau d'Ermek Shinarbaev (Kazakhstan, 1989, restauration 2K, Couleurs, 99’41”, VOST)

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