Billet de blog 9 février 2015

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Salvador Allende de Patricio Guzmán : la vitalité intemporelle du sens politique retrouvé

Édition DVD de Salvador Allende, de Patricio Guzmán

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Illustration 1
© JBA Édition

Édition DVD de Salvador Allende, de Patricio Guzmán

À l’heure où le nouveau documentaire de Patricio Guzmán Le Bouton de nacre est présenté en sélection officielle au festival de Berlin 2015, il est intéressant de revenir à un autre film qui éclaire toute sa filmographie : Salvador Allende. Dans ce documentaire, il rend hommage à la figure de cet homme qui incarna tous les espoirs d’une large majorité de la population chilienne dans des décennies où l’Amérique latine était marquée par d’âpres luttes sociales où la victoire des idées révolutionnaires ne semblaient pouvoir passer que par les armes. La grande force et originalité de Salvador Allende dans ce contexte historique était de respecter la constitution et la tradition politique de son pays. Durant les années de sa présidence, la société fit un bond immense grâce aux courageuses décisions politiques. Cette effervescence des Chiliens est très bien rendu par le récit offert par la prodigieuse épopée de La Bataille du Chili, filmé durant la présidence d’Allende et sauvé in extremis de la dictature. Il fallut plusieurs années de travail en exil pour redonner vie à cet incomparable travail sur la mémoire de toute une population. En 2004, avec la présentation de Salvador Allende au festival de Cannes, Patricio Guzmán remet en avant la figure d’un homme politique comme aucun autre, à l’heure où les individus politiques de la plupart des démocraties dans le monde ont renoncé à assumer les responsabilités pour lesquelles les électeurs les ont élus, assumant sans complexe leur hypothétique impuissance face à cette abstraction nommée « marché » et qu’Allende lui-même désignait du doigt durant son discours à l’ONU en 1972 en parlant du rôle des multinationales. Le 11 septembre 1973 marque la fin d’une foi dans l’exercice du politique au profit du bien social. Les armes et les puissances économiques de pays étrangers, par l’intermédiaire de la CIA notamment, ont abattu sous la forme de la plus grande violence la vitalité d’un pays. Si dans les années 2010 ce documentaire pour certains n’apprendra plus grand chose en terme d’informations, il jouera encore un grand rôle auprès de ceux dont la mémoire s’obstine à l’amnésie.

Quant à la forme, à partir de ce film très personnel, Patricio Guzmán ose se confronter au fantôme qui hante tout son travail de cinéaste et passe de plus en plus du rôle d’investigateur au rôle bien assumé d’une pensée subjective et poétique quant à une histoire récente. C’est une manière pour lui de vivre le deuil de tout ce qu’il a perdu avec la dictature de Pinochet, mais une invitation pour tous à lancer un regard introspectif autant que rétrospectif sur son histoire politique, le sens de l’engagement individuel dans l’espace social contemporain. Le récit en voix off de Patricio Guzmán se pose dès lors dans les consciences de manière intemporelle.

Illustration 2

Salvador Allende

de Patricio Guzmán

France, Belgique, Allemagne, Espagne, Chili, Mexique - 2004.

Durée : 100 min

Date de sortie en salle (France) : 8 septembre 2004

Sortie France du DVD : 20 octobre 2013

Couleur et Noir & Blanc

Langues : français, espagnol - Sous-titres : anglais, français.

Éditeur : JBA Édition

Collection : Cinéma politique

Distributeur : Les Films du Paradoxe

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