Sortie nationale (France) du 14 juin 2023 : Les Bas-fonds de Mexico d'Emilio Fernández
Emilio Fernández a traversé la décennie de l'âge d'or du cinéma mexicain fort des succès de ses réalisations où María Candelaria (Xochimilco, 1943) le fit connaître internationalement suite à sa sélection lors de la première édition du festival de Cannes où il reçut avec d'autres le grand prix. Il dispose d'un atout majeur au fil de ses films : la collaboration avec le chef opérateur Gabriel Figueroa, l'un des génies de l'image qui travaille les profondeurs de champ de telle sorte que les situations prosaïques des personnages se trouvent nimbés d'une situation symbolique qui les transcende, notamment avec une lecture religieuse catholique.
L'héroïne de l'histoire est une figure de mère sacrificielle classique dans le cinéma mexicain de cette époque, qui danse dans les cabarets pour faire vivre ses enfants. Ainsi, La Mujer del puerto (1934) d'Arcady Boytler adapté de la nouvelle Le Port (1889) de Guy de Maupassant a lancé l'archétype de la mère sacrificielle qui s'inscrit également dans la tradition chrétienne de Marie Madeleine. Ici, la mère sacrificielle est une grande sœur, peut-être une manière pudique de cacher qu'elle est une mère sans époux.
C'est en toute conscience d'être l'ambassadeur du cinéma mexicain qu'Emilio Fernández réalise avec Les Bas-fonds de Mexico (Salón México) un film qui s'inscrit dans une tradition filmique mexicaine avec notamment le film de cabaret urbain développé dans les années 1940 et le goût pour le mélodrame. Alors que tout confine au mélodrame traditionnel, le personnage du policier joué par le magnétique Miguel Inclán (inoubliable aveugle dans Los Olvidados de Luis Buñuel) offre par sa présence une nouvelle opportunité d'évolution à l'intrigue en incarnant une sorte d'ange protecteur, observateur désabusé par l'injustice sociale ambiante.
Le prince charmant de la jeune orpheline Beatriz est quant à lui un pilote de l'armée, héros revenu de la guerre contre le Japon auprès des USA. Cette histoire d'amour mâtinée de nationalisme mexicain est à la fois mièvre et idéologiquement lourde quant à la fascination pour l'armée, mais témoigne clairement du contexte d'une époque.
Il en résulte un mélodrame magnifié par le travail artisanal du génie de l'image Gabriel Figueroa où chaque plan semble aussi étudié qu'une composition picturale. Quant au regard sur la ville contemporaine mexicaine, il est accentué par un pessimisme profond de la part d'Emilio Fernández où les humbles acceptent la loi de la corruption en attendant sans protester que leurs propres enfants puissent accéder à une autre position sociale à la suite de leurs sacrifices.
Les Bas-fonds de Mexico
Salón México
d'Emilio Fernández
Fiction
91 minutes. Mexique, 1949.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Marga López (Mercedes Gómez), Miguel Inclán (Lupe López), Rodolfo Acosta (Paco), Roberto Cañedo (Roberto), Mimí Derba (madame la directrice), Carlos Múzquiz (le propriétaire du cabaret), Silvia Derbez (Beatriz Gómez), Fanny Schiller, Estela Matute
Scénario : Emilio Fernández, Mauricio Magdaleno
Images : Gabriel Figueroa
Montage : Gloria Schoemann
Musique : Antonio Díaz Conde
Son : José de Pérez
Assistant réalisateur : Felipe Palomino
Décors : Alberto Ferrer
Maquillage : Ana Ma. Guerrero
Coiffure : María Salazar
Scripte : Manuel Alcayde
Production : Films Mundiales
Producteur : Salvador Elizondo
Producteur exécutif : Fernando Marcos
Distributeur (France) : Les Films du Camélia