Billet de blog 9 septembre 2014

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Concha de oro du festival de San Sebastián 2013

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Sortie DVD de Pelo malo, de Mariana Rondón

À Caracas, Marta élève seule son fils Junior et son bébé, dans un appartement d’un immense bloc HLM. Les difficultés économiques de Marta la mettent sous pression et les relations avec ses enfants sont souvent tendues. Junior trouve refuge auprès de sa grand-mère et de sa jeune voisine qui rêve d’être Miss.

Illustration 1
© Pyramide Vidéo

En recevant la Concha de oro, le grand prix du festival de San Sebastián en 2013, Pelo malo est apparu sous de beaux auspices, saluant le travail hors du commun d’une cinéaste atypique capable de présenter un cinéma d’auteur dans un pays qui en manque cruellement. Mariana Rondón a offert à son pays pour le reste du monde un témoignage sincère, aux multiples ramifications réflexives invitant chaque spectateur du monde entier à poser un regard plus proche de la réalité quotidienne que les clichés idéologiques de tous bords que les télévisions du monde entier ne cessent de décliner sur le Venezuela, pour le peu de fois où elles en parlent. L’histoire est une œuvre fictive, ce qui ne l’empêche pas d’embrasser la réalité dans toute sa complexité, humaine et architecturale, les deux étant très liées. D’ailleurs, comme on peut le voir en bonus de cette édition DVD, l’installation Superbloques de Mariana Rondón permet d’appréhender les histoires de vies humaines qui se dissimulent derrière chaque microcompartiment de ces immenses barres d’immeuble. À travers ceux-ci, Mariana Rondón filme l’utopie du « vivre ensemble » chère à Le Corbusier mais qui n’a pu se réaliser dans les faits : les politiques ne sont guère descendus de leurs hautes tour d’ivoire pour se rendre compte de l’application effective de cette utopie. Car la souffrance des personnages au cœur de cette histoire sont bien les ambiguïtés politiques et économiques de la société vénézuélienne. Dans ce pays connu pour sa production à la fois de Miss Monde et de pétrole, il est bien regrettable qu’il soit impossible pour lui de trouver ses propres critères de beauté fondée sur la diversité de sa population, tout comme il est regrettable que l’économie du pétrole n’offre pas de retombées directes et partagées entre tous. « Pelo malo » est une expression raciste que l’on peut traduire par « mauvais cheveu » et qui désigne les cheveux crépus des métis vénézueliens. Ainsi, le jeune Junior s’interroge autant sur son identité métisse que sexuelle, deux choses que ne semble pouvoir tolérer dans son ensemble l’idéologie de masse.

Illustration 2
© Pyramide

Le drame du personnage principal qui incarne la jeunesse vénézuélienne actuelle, est de se trouver face à une absence d’utopies capables de porter une envie partagée par chacun de construire une société. Pour le traduire à l’écran, Mariana Rondón filme caméra à l’épaule les rues de Caracas dans ses mouvements incessants où il est difficile de trouver sa place. Proche du cinéma des frères Dardenne, Pelo malo n’en est pas moins bien plus foisonnant du côté de son récit, capable d’évoquer l’imaginaire de l’enfant comme autant d’échappée belle. Ce principe s’illustre très bien dans une phrase énoncée par la cinéaste dans le cadre du making of du film présent en bonus : « je construit les personnages avec les acteurs afin de ne pas leur voler leur réalité : le retour pour eux au réel n’en est que plus aisé. » Le temps passé avec ses acteurs est bénéfique : on savoure autant la prestation du jeune Junior, que celle de sa mère et de sa grand-mère, dont les rôles ne sont guère aisés compte tenu de leurs multiples ambiguïtés. Ce qui empêche toute condamnation de la part du spectateur pour l’inviter à réfléchir et comprendre comment la violence s’installe dans le cadre familial faute d’amour.

Illustration 3

Pelo malo

Pelo malo

de Mariana Rondón

Avec : Samuel Lange Zambrano (Junior), Samantha Castillo (Marta), Nelly Ramos (Carmen, la grand-mère de Junior), María Emilia Sulbarán (la voisine de Junior), Beto Benites

Venezuela – 2013.

Durée : 90 min

Sortie en salles (France) : 2 avril 2014

Sortie France du DVD : 2 septembre 2014

Couleur

Langue : espagnol - Sous-titres : français.

Éditeur : Pyramide Vidéo

Bonus :

- Entretien avec la réalisatrice (20 min.)

- Making of (30 min.)

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