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Film de la section « Récits du réel » de la 20e édition de Cinémondes, Festival International du film Indépendant de Berck-sur-Mer 2024 : Fuga de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez
Dans le contexte des violences terroristes du Sentier Lumineux, de Tupac Amaru ainsi que des forces armées sous la présidence de Fujimori au Pérou, des massacres, assassinats et violences ont particulièrement visé les membres de la communauté de LGBTQI+ bien que la mémoire officielle ne l'ai pas encore reconnu. C'est d'ailleurs tout l'enjeu du film de donner la parole aux témoins historiques pour lutter contre l'homophobie dans des contextes sociaux où les victimes d'hier côtoient au présent dans un état d'impunité décomplexée les terroristes dont certains furent leurs bourreaux.
Après avoir recueilli un grand nombre de témoignages, Bénédicte Liénard et Mary Jimenez ont construit un scénario de fiction capable d'incarner ces différentes voix dont les témoignages constituent une matière documentaire pour questionner l'histoire récente.
Au centre de l'intrigue, Saor Sax devient le personnage qui recueille la parole tout en l'accompagnant avec bienveillance dans une écoute profonde, à l'instar de la figure amazonienne du chaman qui fait le lien avec différents mondes pour se confronter aux traumatismes individuels tout autant que collectifs. Autour de la figure de Saor, les fantômes d'hier deviennent des incarnations au présent, avec des mises en scènes du quotidien incarnant la violence patriarcale et misogyne, à l'instar d'un combat de coq particulièrement éprouvant et métaphoriquement explicite du spectacle de la violence des hommes entre eux, ou encore les attitudes de pression et d'abus d'un groupe d'hommes autour de Saor dont la féminité devient objet de convoitise et de prédation.
Si le film est une fiction, il est sans cesse tissé des témoignages reçus et restitués avec une grande attention au fil d'un récit qui épouse le rythme lent du fleuve Amazone sur lequel l'embarcation de Saor vogue pour entrer dans le récit sur lequel s'ouvre le film. La démarche est résolument cathartique avec une mise en scène dialoguant avec les ressources locales des cosmogonies comme moyen d'appréhender le monde et ses violences tout en cherchant à les guérir. Ce lien constant entre le monde présent et celui du passé, entre le monde des hommes et celui de la nature omniprésente par le son et les séances oniriques, convoquent le cinéma de l'immersion totale d'Apichtpong Weerasethakul et notamment de son sublime Blissfully Yours (2002). L'élaboration de l'image a d'ailleurs été confié au talent de Virginie Surdej, cheffe opératrice des films de Nbil Ayouch.
Dans la volonté de créer un espace thérapeutique de confrontation aux traumatismes d'une société tout autant qu'à construire l'outil politique de légitimation de la parole des victimes d'homicides homophobiques, Fuga élabore avec une audacieuse ambition sa mise en scène au service de son propos où l'expérience empathique de l'histoire compte plus que l'information brute, selon la logique qu'il ne suffit pas de savoir pour comprendre.

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Fuga
de Bénédicte Liénard et Mary Jimenez
98 minutes. Belgique, Pays-Bas, France, Pérou, 2024.
Couleur
Langue originale : espagnol
Avec : Valentina Linares Gonzalez (Valentina), Saor Sax (Saor)
Scénario : Bénédicte Liénard et Mary Jimenez
Images : Virginie Surdej
Montage : Marie-Hélène Dozo, Octavio Iturbe, Mary Jimenez, Bénédicte Liénard
Mixage sonore : Charles de Ville, Peter Warnier
Montage sonore : Alexandre Rocher
Direction artistique : Pilar Peredo
Sociétés de production : SNG Film, Tu Vas Voir, Perpetua Cine, Cinétroupe, Clin d'œil films
Production : Hanne Phlypo
Coproduction : Isabel Madueno Medina, Lali Madueño Medina, Pilar Peredo, Digna Sink, Edgard Tenembaum