Billet de blog 10 juin 2014

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Cédric Lépine

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La propriété c’est le vol : confession d’un personnage exemplaire dans le Nordeste au Brésil

Sortie nationale (France) du 11 juin 2014 : São Bernardo, de Leon HirszmanDans le Nordeste, Paulo Honorio, un modeste ouvrier, se retrouve en prison. Il y apprend à lire et à écrire. À sa sortie, son ambition le conduit à faire du commerce, s’enrichir, acheter une propriété par des moyens peu recommandables. Il devient alors un puissant propriétaire terrien pour qui tout s’achète et auquel rien ne résiste.

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Sortie nationale (France) du 11 juin 2014 : São Bernardo, de Leon Hirszman

Dans le Nordeste, Paulo Honorio, un modeste ouvrier, se retrouve en prison. Il y apprend à lire et à écrire. À sa sortie, son ambition le conduit à faire du commerce, s’enrichir, acheter une propriété par des moyens peu recommandables. Il devient alors un puissant propriétaire terrien pour qui tout s’achète et auquel rien ne résiste.

Illustration 1

Alors que le Brésil est sous le joug de la dictature depuis 1964, le Cinema Novo se poursuit malgré tout au cours de la décennie 1970. En 1972, Leon Hirszman adapte le roman de Graciliano Ramos, écrit dans les années 1930 alors que le Brésil était également en pleine dictature. À travers l’introspection subjective du personnage principal, figure du capitaliste sans scrupule pour acquérir richesse et pouvoir, le cinéaste remet en cause l’idéologie politique et économique de l’époque, comme avait pu le faire dans les années 1930 l’écrivain (en ce sens, la fidélité au texte du roman prôné par le cinéaste, prend tout son sens). Car le « miracle » économique dont parlent alors les hommes au pouvoir n’est bien entendu conçu qu’au bénéfice d’un petit nombre et de l’exploitation du reste de la population. Leon Hirszman respecte au plus près l’œuvre littéraire, quitte à créer une distance avec le réalisme social. Ainsi, les paysans restent toujours toujours à l’arrière-plan de la scène principale, comme de nombreux personnages qui jouent pourtant un grand rôle dans cette histoire. C’est que la mise en scène est brechtienne et s’attache à décrire une réalité vécue par les mots même de celui que d’aucuns nommeraient un être sans humanité. La mise en scène répond parfaitement à ce point de vue. La misère n’est plus vue du côté des opprimés, mais de celui qui la commet à partir d’un regard rétrospectif et confessionnel. Étonnant, surprenant, cette œuvre touche juste et confirme le réalisateur dans ses choix personnels, alors qu’il doit faire face à la censure de la dictature. En militant politique qu’il était, Leon Hirszman n’a jamais cessé de croire à la transformation sociale. Mais il est passé de l’utopie idéaliste de ses premiers films, au réalisme critique en fin analyste de la société brésilienne qu’il était. São Bernardo est à présent une œuvre à redécouvrir en copie restaurée, quarante ans après sa réalisation.

São Bernardo

de Leon Hirszman

Fiction

113 minutes. Brésil, 1972.

Couleur

Langue originale : portugais

Avec : Othon Bastos (Paulo Honorio), Isabel Ribeiro (Madalena), Rodolfo Arena (Dr.Magalhães), Joseph Guerreiro (Gondim), Vanda Lacerda (Dona Glória), Mário Lago (Nogueira), Nildo Parente (Padilha), Luiz Carlos Braga, Vanda Lacerda, José Policena, Andrey Salvador, Joffre Soares

Scénario : Leon Hirszman, d’après le roman de Graciliano Ramos

Images : Lauro Escorel

Montage : Eduardo Escorel

Musique : Caetano Veloso

Son : Walter Goulart

Directeur artistique : Luiz Carlos Ripper

Production : Embrafilme, Mapa Filmes, Saga Filmes

Producteurs délégués : Henrique Coutinho, Marcos Farias, Luna Moskovitch, Márcio Noronha

Distributeur (France) : Les Films du Paradoxe

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