Billet de blog 11 mai 2016

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Entretien avec Katia Adler, directrice du festival de cinéma brésilien de Paris

Du 5 au 12 avril 2016 s'est déroulée la 18e édition du festival de cinéma brésilien à l'Arlequin à Paris. Au moment où le festival de Cannes ouvre ses portes avec pour seule présence latino en compétition officielle le film brésilien "Aquarius" de Kleber Mendonça Filho, Katia Adler fondatrice et directrice du festival brésilien offre son regard sur l'état cette cinématographie.

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Cédric Lépine : Pouvez-vous rappeler le contexte dans lequel est apparu à la fin des années 1990 le festival ? Quel était l’objet initial que vous vous étiez fixé en créant ce festival ?

Katia Adler : J'habitais en France depuis 5 ans quand j'ai fini mes études de cinéma à Paris 8. Mon envie de départ était de monter une boîte de distribution de films pour diffuser le cinéma brésilien, mais le Brésil traversait malheureusement une période très difficile car le Président Collor de Mello avait supprimé les dispositifs de soutien à la culture. L'idée de créer un festival brésilien m'est alors venue, mais plutôt sous un angle thématique. La première édition a ainsi porté sur le thème cinéma et musique.

C. L. : Entre les premières éditions et l’édition de cette année, comment a évolué le festival du point de vue de la programmation, du nombre de films, de la diversité du public, des salles qui accueillent le festival, etc. ?

K. A. : Au début, il s'agissait donc de festivals thématiques : musique, Amazonie, 500 ans de la découverte du Brésil, etc. À l'époque, c’était plus compliqué : tous les films étaient diffusés sur des copies 35 mm et il existait peu de copies sous-titrées en français, il fallait donc faire du sous-titrage électronique. Le public de l'époque était curieux de découvrir la génération de cinéastes qui succédait au Cinema Novo, c'était un public qui connaissait le cinéma brésilien. Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous accueillons un public différent, qui ne connaît pas du tout l’histoire du cinéma brésilien et qui vient plus par curiosité pour le pays.

C. L. : Au Brésil actuellement, comment se porte le cinéma brésilien, en considérant le nombre de longs métrages produits chaque année ?

K. A. : Ce sont plutôt les comédies qui connaissent un grand succès public, mais nous avons actuellement une production de près de 150 longs métrages.

C. L. : Quelle est la diffusion en général au Brésil des films que vous programmez au festival à Paris ? Autrement dit, est-ce que ces films sont facilement visibles pour les Brésiliens ?

K. A. : La plupart des films qui ont été présentés au festival sont encore inédits au Brésil, mais ils sortiront un jour en salle. Il est certain que leur diffusion n'est pas comparable à celle des films en France : il y a au Brésil environ 2500 écrans (pour 5200 en France), dont la moitié se trouvent à Rio et São Paulo, et 200 millions de spectateurs en France pour 155 millions au Brésil, alors que la population du pays est trois fois plus importante. Une belle progression est donc possible.

C. L. : Le cinéma brésilien a évolué au fil des décennies en s’intéressant à de nouvelles régions brésiliennes, appuyé par une véritable politique de régionalisation de l’audiovisuel. Ainsi, pour la première fois en compétition cannoise, cette année Aquarius de Kleber Mendonça Filho est un film brésilien dont la production brésilienne est à 100% du Pernambuco. Est-ce selon vous une époque favorable pour un cinéma brésilien qui n’appartient plus qu’à une seule région du Brésil ?

K. A. : Je crois que nous avons de plus en plus de beaux films produits au Pernambuco et c'est tant mieux pour le cinéma brésilien. Par exemple, nous avons projeté cette année au festival Boi neon, et j’espère que le film Aquarius aura du succès à Cannes. Kleber Mendonça et Sonia Braga le méritent. Je crois qu’à Pernambuco, ces dernières années, le gouvernement local a beaucoup investi dans l’audiovisuel et aujourd’hui on en voit bien les fruits, mais je crois aussi que les cinémas à São Paulo et Rio de Janeiro restent toujours important.

C. L. : Vous avez organisé cette année une table ronde sur la coproduction France-Brésil : quel est l’enjeu de ce type de coproduction ? quelles conclusions feriez-vous de ce table ronde ?

K. A. : À mon avis, les coproductions sont essentielles pour le cinéma, c’est non seulement une manière de financer les films, mais aussi d’ouvrir les esprits. Quand plusieurs nationalités sont à l'origine d'un film, cela peut aussi ouvrir les portes des distributeurs.

C. L. : Votre festival par sa programmation a très bien montré que le cinéma brésilien n’était pas seulement porté par de grands auteurs à la renommée internationale comme Salles et Meirelles : quelle place pour cette nouvelle génération talentueuse ?

K. A. : Depuis quelques années, l’Ancine (notre CNC) travaille pour proposer de nouveaux financements afin de produire les films, c'est donc le moment propice pour que de nouveaux talents émergent. Le marché international n'en met en valeur que quelques-uns d'entre eux,mais ils sont bien là.

C. L. : Face aux difficultés à surmonter l'arrivée du numérique, le développement des plateformes VOD, le quasi monopole de certains pays de production dans la distribution, dans quelles directions évolue selon vous le cinéma brésilien ?

K. A. : Comme tout le cinéma indépendant, le cinéma brésilien essaie de survivre et trouver sa place même dans le marché interne de son pays. Il y a des haut et des bas ces derniers années, mais restons positifs pour 2016.

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