Billet de blog 11 juin 2014

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Beauté d’une culture ancestrale, cauchemar d’une politique annihilatrice

Sortie nationale (France) du 4 juin 2014 : Les Sœurs Quispe, de Sebastián SepúlvedaEn 1974, dans l’Altiplano chilien, à plus de 4000 mètres d’altitude, trois sœurs, Justa, Lucía et Luciana Quispe, s’occupent de leur élevage. La vie dans le désert est rude et ce monde isolé semble étranger à la réalité de la dictature de Pinochet. Bientôt, elles apprennent que les forces armées doivent venir leur confisquer leur troupeau.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sortie nationale (France) du 4 juin 2014 : Les Sœurs Quispe, de Sebastián Sepúlveda

En 1974, dans l’Altiplano chilien, à plus de 4000 mètres d’altitude, trois sœurs, Justa, Lucía et Luciana Quispe, s’occupent de leur élevage. La vie dans le désert est rude et ce monde isolé semble étranger à la réalité de la dictature de Pinochet. Bientôt, elles apprennent que les forces armées doivent venir leur confisquer leur troupeau.

Illustration 1

L’histoire se passe à l’époque de la dictature au Chili mais celle-ci restera tout au long du film hors champ. C’est là un premier parti pris qui offre une brillante originalité dans le traitement de ce drame historique. À l’instar de Pablo Larraín et de sa trilogie sur la dictature (Tony Manero, Post mortem, No), la dictature n’est pas filmée frontalement mais à travers ses conséquences directes sur la population représentée avec quelques personnages exemplaires. Sebastián Sepúlveda choisit un hors champ plus important puisqu’il situe son histoire bien loin de la capitale chilienne et du centre du pouvoir : au nord du pays, dans des montagnes où seuls vivent quelques éleveurs. Les personnages éponymes du film perpétuent des traditions séculaires que rien ne semble pouvoir modifier... Le film de Sebastián Sepúlveda est adapté d’une pièce de théâtre, elle-même inspirée d’un fait divers. Le réalisateur, conservant respectueusement trace de l’origine de cette histoire, a choisi de mêler fiction et documentaire. Les acteurs (principalement des actrices) principaux, à l’exception de Justa, la sœur aînée qui joue le rôle de sa propre tante, sont des acteurs professionnels réputés dans le cinéma d’auteur chilien : Catalina Saavedra (La Nana, de Sebastián Silva), Francisca Gavilán (Violeta, d’Andrés Wood), Alfredo Castro (Tony Manero, de Pablo Larraín). Tous ces acteurs émérites se sont immergés dans leur rôle et l’univers inédit des éleveurs coyas. Pour parachever le tout, c’est Inti Briones, sans nul doute le plus talentueux chef opérateur chilien actuel connu pour son excellent travail en lumière naturelle. Le film débute ainsi tel un documentaire et se poursuit avec lenteur avec de superbes plans, tels que ces lieux chargés d’histoire peuvent en transmettre. Car le tournage s’est déroulé là où s’est déroulé ce fait divers. La beauté des images n’est jamais gratuite car en rendant compte au mieux de la réalité vécue par ces bergères dans leur quotidien, le cinéaste développe sa réflexion politique au sens où il interroge l’exercice du pouvoir en observant ses conséquences dans les zones périphériques de la citoyenneté, de personnes de tout temps placées dans la marginalité. Or, si cette place de la marge avait jusqu’ici protégé cette culture, le choc des cultures sera d’autant plus terrible que l’une d’elle est une dictature prédatrice et annihilatrice. Sebastián Sepúlveda, par ses choix de mise en scène et son récit, réussit à faire ressentir au spectateur, bien éloigné de cette réalité, le terrorisme d’État propre à une dictature. La peur détruit tout sur son passage et en cela, le message du film interroge également le monde actuel.

Illustration 2

Les Sœurs Quispe

Las Niñas Quispe

de Sebastián Sepúlveda

Fiction

83 minutes. Chili – France –Argentine, 2013.

Couleur

Langue originale : espagnol

Avec : Digna Quispe (Justa Quispe), Catalina Saavedra (Lucia Quispe), Francisca Gavilán (Luciana Quispe), Alfredo Castro

Scénario : Sebastián Sepúlveda, d’après la pièce “Las Brutas” de Juan Radrigan

Images : Inti Briones

Montage : Santiago Otheguy

Assistant réalisateur : Oscar Godoy

Décors : Christian Mayorga

Costumes : Muriel Parra

Production : Fabula (Chili)

Coproduction : Dolce Vita Films (France) Cinema Uno (Argentine)

Producteurs : Juan de Dios Larraín, Pablo Larraín

Producteurs délégués : Juan Ignacio Correa, Mariane Hartard, Rocio Jadue, Andrea Carracasco Stuven, Clara Szwarc

Coproducteurs, Marc Irmer, Diego Urgoiti-Moinot, Fernando Sokolowicz

Distributeur (France) : Nour Films

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