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Sortie nationale (France) du 19 juin 2024 : Le Vampire noir de Román Viñoly Barreto
Peu de temps après le remake américain de Joseph Losey en 1951, c'est au tour du cinéma argentin avec le réalisateur uruguayo-argentin Román Viñoly Barreto de proposer sa propre adaptation de M le Maudit (1931) de Fritz Lang. L'intelligence de ces remakes consiste à reprendre le récit en l'adaptant au contexte social et de l'époque de chaque pays. Ainsi, alors que Lang pointait du doigt la fragile république de Weimar où finissaient par collaborer la pègre et la police, le film montrait en filigrane les USA de la chasse aux sorcières du maccarthysme. Román Viñoly Barreto, quant à lui en tant que réalisateur et coscénariste du film, offre un tout autre enjeu au film tout en conservant le récit principal en faisant d'une chanteuse de cabaret discriminée par une société résolument patriarcale, la véritable héroïne du film. Ainsi, le film met audacieusement en parallèle la névrose misogyne du tueur avec la frustration sexuelle du procureur menant l'enquête qui le conduit à violenter ses témoins qui ont le malheur de ne pas appartenir à la bonne classe sociale et de se permettre quelques libertés vis-à-vis des femmes en tant que prédateur décomplexé tout voulant incarner le représentant de l'ordre et de la justice sociale. Comme pour les mélodrames mexicains de la même époque, on trouve ainsi dans ce film noir argentin un point de vue féministe pertinent sur la société contemporaine.
Cette réinterprétation inédite du film de Fritz Lang est confortée par le travail prodigieux du chef opérateur Aníbal González Paz qui épouse pleinement les ressorts de l'expressionnisme en travaillant sur les profondeurs de champ, les jeux d'ombres et de lumières qui prennent une perspective fascinante dans les scènes filmées dans les égouts.
Si le héros masculin est rapidement tourné en dérision alors que c'est lui qui mène l'enquête, cela n'est pas non plus anodin d'un point de vue politique, remettant en cause le patriarcat de l'Argentine dirigée par le militaire populiste Perón qui vient d'être réélu à la présidence du pays et dont l'épouse lui sert dans sa communication à apporter l'humanité et la sensibilité sociale dont il est foncièrement dépourvu. La restauration de ce film est ainsi l'opportunité de découvrir les ressorts fascinants de l'histoire du cinéma argentin et de questionner implicitement les enjeux de la société contemporaine du tournage.
Le Vampire noir
El Vampiro negro
de Román Viñoly Barreto
Fiction
90 minutes. Argentine, 1953.
Noir & Blanc
Langue originale : espagnol
Avec : Olga Zubarry (Amalia Keitel), Roberto Escalada (Dr. Bernard), Nathán Pinzón (Teodoro Ulber), Nelly Panizza (Cora), Mariano Vidal Molina (Lange), Gloria Castilla (Sra. Bernard), Emma Bernal (Srta. Fermina), Pascual Pelliciota (Gastón), Ricardo Argemí (le juge), Alberto Barcel (l'avocat de la défense), Georges Rivière (le présumé coupable), Leda Zanda (Alejandra), Gogó (la sœur d'Amalia), Mónica Reinque (une petite fille), Amanda Rasmusse (une petite fille), Beatriz Mafone (une petite fille), Betty Ferraro (une petite fille), Lucía Besse, Ángel Laborde, Ariel Absalón, Enrique Fava, Nina Marqui, Amalia Britos, Verónica Castor, Mathilde García Lange, Pedro Garza, Pepe Armil, Aída Villadeamigo
Scénario : Román Viñoly Barreto et Alberto Etchebehere, d'après le film M (1931) de Fritz Lang
Images : Aníbal González Paz
Montage : Jorge Gárate, Higinio Vecchione
Musique : Juan Ehlert
Assistant réalisateur : Benjamin Horacio Parisotto
Décors : Jorge Beghé
Maquillage : Bruno Boval
Production : Argentina Sono Film S.A.C.I.
Distributeur (France) : Les Films du Camélia